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LES ORIGINES DE LA SÈPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ÉTAT L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE

Pendant l'année classique 1904-1905, dans mon cours public à la Sorbonne, j'ai traité de la politique religieuse de la Convention pendant la période thermidorienne.

C'est un sujet que j'avais déjà abordé plus d'une fois.

Ainsi, dans la Révolution française, numéro du 14 décembre 1893, j'ai dit comment la Convention avait été amenée à séparer les Églises de l'État, et dans la Revue de Paris, numéro du 15 mai 1897, j'ai parlé de l'application de ce régime jusqu'au Concordat (1).

Ce n'était qu'une esquisse provisoire. J'ai voulu entrer plus profondément dans ce sujet si grand et si difficile, en profitant de travaux récents et des progrès de mes propres recherches.

J'ai parlé longuement des antécédents; j'ai montré

(1) J'ai reproduit ces articles dans la seconde série de ces Études el leçons sur la Révolution, p. 107 à 185.

comment les hommes de la Révolution en étaient venus, non sans tâtonnements et contradictions, à une conception nette de l'idée de l'État laïque, à une application sérieuse du principe de la liberté de conscience. J'ai montré surtout, à l'aide de monographies d'histoire locale, comment la France avait fait, lors de la Constitution civile et comme malgré elle, l'apprentissage de la liberté des cultes; comment la laïcisation de l'État était sortie peu à peu, non des théories, mais des circonstances; et, arrivé à l'époque même du régime de la séparation, j'en ai montré les premières applications, surtout dans les départements, ce que je n'avais pu ou su faire jadis.

Quelques-uns de mes auditeurs m'ont demandé de publier ces leçons.

Elles n'existent pas. J'en ai entièrement improvisé la forme, selon mon habitude, et je n'ai pas eu envie de les écrire en descendant de ma chaire.

Souvent, il y a quelques années, des sténographes bénévoles se sont offerts à recueillir mes cours pour les publier. Ils m'ont même apporté quelques leçons sténographiées. La lecture m'en fit horreur; j'y vis tant de rabâchages, de bavardages, d'incorrections, de contradictions, que je suppliai ces messieurs de ne plus fixer ainsi les incertitudes de ma parole.

Quand on professe, il faut se répéter, selon l'atti tude des auditeurs; la concision du livre serait obsu re; et on doit moins viser à avoir une forme par

faite qu'à être compris. Il y a des longueurs ou des recommencements qui, dans l'enseignement oral, sont parfois utiles, peut être même indispensables, tout au moins tolérables, et qui, dans l'enseignement écrit, ennuieraient ou choqueraient.

Et puis, à la Sorbonne, il s'agit moins d'apporter des résultats déjà connus, d'exposer éloquemment une vérité, que de travailler au jour le jour, devant les étudiants, à l'œuvre historique, en donnant l'exemple d'appliquer la méthode avec scrupule et sincérité, mais aussi avec les tâtonnements, les recherches, les corrections qui sont les conditions d'un effort sincère et scientifique.

Un cours n'est pas un livre; un cours ne se peut imprimer tel quel.

Ce n'est donc pas ce cours que je veux publier, mais seulement quelque-unes des notes que j'avais prises pour préparer mes leçons et les plus utiles des textes dont je me suis servi.

Ce sont des notes et des citations qu'on va lire, ce sont des matériaux pour un livre; je les offre aux historiens dans une sorte de causerie à bâtons rompus, où je me bornerai à résumer ou à indiquer ce que j'ai développé dans mon cours.

I

Disons d'abord quelques mots de la conception de l'État laïque.

Sans doute la France est le pays de la laïcité, et nulle part au monde la conception de l'État laïque n'est aussi populaire, aussi appliquée que chez

nous.

Mais cette conception n'a pas toujours été admise en France.

Ainsi ce mot de laïcité est un néologisme. Vous ne le trouverez pas dans la dernière édition du dictionnaire de l'Académie, qui est de 1878.

Littré ne l'avait pas admis d'abord dans son dictionnaire, au volume (paru en 1869) où se trouve la lettre L. Il l'admit dans son supplément (1879), en le faisant précéder d'une croix signalant le néologisme, et en ces termes :

LAICITÉ, S. f. Caractère laïque. « Au sujet de l'enseignement laïque... le Conseil [général de la Seine] a procédé au vote sur la proposition de la laïcité, qui a été repoussée. » (La Patrie, 11 novembre 1871.)

Le mot de laïcité n'est donc devenu usuel qu'au commencement de la troisième république.

C'est dire que la conception de l'État laïque n'est populaire que depuis trente ou trente cinq ans.

Elle n'existait guère, à la veille de la Révolution, que dans l'esprit de quelques philosophes, de quelques pamphlétaires.

Voltaire la laissa parfois deviner, mais moins dans ses écrits publiés que dans sa correspondance, par exemple quand il vante à un de ses amis le

temps idéal où le gouvernement ne s'occuperait pas plus de la façon de prier Dieu que de celle de faire la cuisine (1).

Mais, en général, c'est chose admise, dans la plus hardie littérature politique, que l'État doit se mêler de la religion, qu'il y a une religion d'État, la religion catholique.

Que demandent les philosophes ?

Nous disons qu'ils demandent la liberté de conscience. Oui, en principe. Mais bien qu'un pays voisin, la Hollande, leur offre un exemple de l'application de cette liberté, ils ne demandent ouvertement, dans la pratique et pour la France, que la tolérance, et on sait en quels termes Montesquieu, Voltaire, l'Encyclopédie, Turgot l'ont demandée. Qu'est-ce que la tolérance?

C'est l'attitude de la vérité religieuse à l'égard de l'erreur.

Or la religion catholique est la vérité. Les autres religions sont l'erreur. Eh bien, soyons bons, indulgents pour les gens qui se trompent; soyons charitables pour leur erreur; ne les persécutons pas, ne les violentons pas. Voilà la tolérance.

La liberté de conscience est autre. Il n'y a vraie et complète liberté de conscience que quand chaque individu a un droit égal à penser ce qu'il veut, à exercer sa religion ou à n'en exercer aucune, le

(1) Edme Champion, la Séparation de l'Église et de l'Étal en 1794, p. 118.

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