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Près de lui j'aperçois le R. P. Thirion. Tout le monde connaît la brillante participation prise par le savant religieux aux travaux de la Société scientifique de Bruxelles. Il en est le secrétaire de fait. C'est lui qui assure en plus la régularité des publications de la Société le BULLETIN et la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES, où très souvent il a inséré des articles très remarqués.

Voilà près de quarante ans que j'assiste aux séances du Conseil et aux assemblées de cette Société, et j'ai pu constater la valeur et le dévouement du P. Thirion. Que mes remerciements soient en rapport avec tout le bien qu'il a réalisé.

Je termine. Souvent on m'a dit que l'éméritat, cet otium cum dignitate, amène une phase de tristesse spéciale, que l'on éprouve en cherchant autour de soi ses anciens compagnons de route qui, rappelés par Dieu, vous laissent de plus en plus isolé dans le chemin de la vie. Grâce à vous, Messieurs, votre président d'honneur n'en est guère là, et le contact fréquent et affectueux avec vous tous m'a procuré un renouveau de jeunesse qui me soutient et ne me laisse pas trop penser à l'âge qui s'avance!

Près de vous, chers amis, je me sens revivre ; et c'est une raison de plus de vous vouer une reconnaissance toute particulière pour la manifestation de ce jour.

Merci, encore merci !

Le vénéré professeur, chaleureusement acclamé par ses amis, est entouré par eux avec un affectueux empressement, qui révèle, mieux qu'aucun discours, l'estime, la reconnaissance et la sympathie dont jouit l'éminent professeur de l'Université de Louvain.

LA RÉDACTION.

LE CONFLIT

SUR LA VALEUR DES THÉORIES PHYSIQUES

(Suite)

L'homme ne se résigne pas aisément à avouer son impuissance; il est au contraire enclin à s'exagérer la portée de son action.

Imbus de la conception de l'harmonie de l'Univers, les physiciens d'autrefois ne croyaient pas pécher par présomption en se proposant d'expliquer le Monde; d'autre part, exaltés par les succès obtenus, ils pensaient qu'à force d'interroger la Nature, ils arriveraient à lui ravir ses secrets. Un horloger, entendu dans son métier, est autorisé à espérer qu'il lui sera possible de comprendre n'importe quel chronomètre, s'il lui est donné d'en ouvrir le boîtier, d'en examiner et d'en démonter les rouages.

On était d'autant plus porté aux grands espoirs que l'on croyait davantage à la simplicité des lois de la création et à leur généralité. « Il suffit que Gay-Lussac touche à un sujet pour trouver une loi », s'écriait non sans quelque jalousie Dulong en 1825 (1). C'était l'époque où ces Messieurs du Muséum n'allaient pas déjeuner avant d'avoir découvert quelque chose dans leur matinée.

Mais, plus la science progressait, plus grande appa

(1) De la Rive, Notice sur M. Verdet; préface aux Notes et mémoires de Verdet (Paris, Imprimerie nationale, 1872); p. 35.

raissait la complexité des phénomènes ; à mesure que les regards y plongeaient plus profondément, l'obscurité devenait plus épaisse, et un jour vint où l'on se prit à désespérer de jamais y voir clair. La loi de Gay-Lussac n'était qu'une première approximation; comme celle-là, la loi de Mariotte ne convenait qu'au seul cas d'un gaz parfait; or, c'est un cas limite, un cas fictif; pour les gaz réels, il faut recourir aux formules de Regnault, de Cailletet, de Van der Waals, de Sarrau, d'Amagat, etc., qui ne sont encore pas rigoureuses et ne tolèrent aucune extrapolation. Les dilatations, les tensions des vapeurs saturées, la dispersion de la lumière et le pouvoir réfringent des gaz ne répondaient plus aux considérations élémentaires des premiers jours. Les équations linéaires ne donnaient que des résultats moyens; en chaleur et en électricité, l'emploi des fonctions harmoniques de la mécanique céleste s'imposait, et M. Emile Picard annonçait qu'on serait amené à employer, pour la représentation exacte d'un grand nombre de phénomènes, d'autres fonctions que les fonctions analytiques (1).

Les débris des lois corrigées ou condamnées et des théories abandonnées sans retour couvraient le sol, et quelqu'un osa écrire que la physique était devenue un <«< cimetière d'hypothèses »; il sacrifiait la vérité au plaisir de placer un mot. Toutefois, on ne saurait nier que bon nombre d'hypothèses étaient infirmées par les plus récentes observations, devenues plus précises, et qu'on se voyait réduit à les abandonner, ou bien à les modifier et à les compléter, ou encore à les multiplier à l'excès.

Une réaction se produisit : elle fut trop vive.

(1) E. Picard, Rapport sur les sciences, publié à l'occasion de l'Exposition Universelle de Paris de 1900.

On aurait dû redoubler de circonspection et se garder de conclusions hâtives; au lieu de cela, on vint à se dire que les plus séduisantes hypothèses et les théories les plus accréditées conduisaient à plus d'erreurs que de découvertes; de cette suite de déceptions naquirent le découragement et le scepticisme.

Il parut alors aux physiciens qu'ils se trouvaient dans la condition de l'horloger qui ne parviendra jamais à ouvrir le boîtier du chronomètre ; ils se sont contentés par suite d'observer la marche de ses aiguilles et de chercher la loi de leur déplacement sur le cadran en fonction du temps. Et ils se sont pris à douter systématiquement de leur belle science.

Renonçant donc à découvrir le pourquoi, ils se sont consacrés avec d'autant plus d'ardeur à la seule recherche du comment; ils ont défini la théorie physique dans les termes qui suivent : « C'est un système de propositions mathématiques, déduites d'un petit nombre de principes, qui ont pour but de représenter aussi simplement, aussi complètement et aussi exactement que possible, un ensemble de lois expérimentales > (1).

Ils se sont donné pour objectif, non pas d'expliquer la Nature, mais de l'étudier dans ses œuvres ; de connaître les choses uniquement par leurs effets et nullement par leurs causes présumées. C'est ainsi qu'ils sont devenus les pragmatisants que nous savons.

Par définition, ont-ils dit, la physique est la science qui s'arrête aux causes prochaines des phénomènes. Chercher à remonter à l'origine et à la raison des choses, et à interpréter la création, ce n'est plus de la physique.

C'est de la métaphysique.

Et tout le débat entre les deux écoles s'est trouvé

(1) Duhem, LOC. CIT., La Théorie physique, p 26.

circonscrit, à un moment donné, dans ce peu de mots : l'une fait de la métaphysique, l'autre se refuse à en faire (1).

Cette formule brève et incisive paraissait résumer tout le différend, mais elle n'en donnait pas la solution. Un examen approfondi va nous montrer qu'elle énonçait une phobie, rien de plus, une phobie peu raisonnée, qui portait plus sur les mots que sur les choses.

Pourquoi donc, demandait-on à ces physiciens scrupuleux, pourquoi ne voulez-vous pas faire de la métaphysique? Vous détournez vos lèvres de la coupe que l'on vous présente, comme si elle était empoisonnée. A quel sentiment obéissez-vous, un sentiment de dédain. ou d'animadversion? Les deux seraient injustifiés. Il faudrait que le concours des deux pensées devînt pernicieux pour le travail d'investigation: or, c'est le contraire qui est vrai.

Toutes les sciences peuvent se prêter un mutuel appui et elles se le doivent; en particulier, deux sciences, qui ont des objets communs, marcheront à la conquête de la vérité comme deux alliées, et elles remporteront des victoires auxquelles elles n'auraient pu prétendre en agissant isolément. Les physiciens et les chimistes se sont bien trouvés de la création de l'édifice, élevé par Henri Sainte Claire Deville et Berthelot, sur leur frontière commune, et la Chimie physique a pris en ces derniers temps une importance inespérée. Il y aurait un égal profit à fonder une Physique-Métaphysique; la distance est plus grande de la Chimie à la Physique que de la Physique à la Métaphysique.

Ces deux domaines du savoir sont en effet contigus et M. Boutroux a même déclaré qu'il n'y a point de fossé entre eux « La science est une des branches des con

(1) Duhem, LOC. CIT., Physique et Métaphysique, passim.

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