simple c'étoit un moyen d'associer à sa cause une multitude de personnes incapables de l'entendre et de l'approfondir. Mais sousle nom de Doublement du Tiers, sous un mot facile à retenir, et dont chacun peut étendre le sens à son gré, hommes, feinmes, enfans, ignorans et lettrés, tout le monde s'est rallié et ce mot, devenu pour un parti la redite banale, sert encore aujourd'hui de rappel à une seule et même opinion.

Montrons d'abord que l'expression' de Doublement du Tiers, si promptement employée pour désigner et pour inculper la décision du Roi, du 27 décembre, manquoit absolument de justesse et de vérité.

LES anciennes Lettres de convocation ne se sont pas toujours servies de la même expression pour désigner le nombre des Députés que les trois Ordres devoient choisir; elles ont dit quelquefois, un de chaque Ordre, quelquefois un de chaque Ordre au plus, quelquefois un de chaque Ordre au moins; et elles paroissoient essentiellement s'en rapporter à l'usage: car elles ajoutoient communément, suivant ce qui s'est pratiqué en pareil cas.

Attachons-nous donc à une circonstance

plus importante que ces formules de Chancellerie; c'est le fait même des élections et l'admission des résultats sans aucune espèce de contradiction.

ON voit, dans tous les Procès - Verbaux restés des anciens tems, qu'un très - grand nombre de Bailliages, et tantôt les uns, tantôt les autres, avoient un nombre de Députés du Tiers-Etat égal ou supérieur au nombre des Députés des deux autres Ordres réunis, et je place en note une preuve de cette assertion extraite des derniers Etats (1).

(1) Noms des Bailliages qui envoyèrent aux Etats-Généraux de 1614, un nombre de Députés du Tiers, égal ou supérieur au nombre réuni des Députés du Clergé et de la Noblesse.

Indiquons de plus le nombre respectif et le nombre total des Députés aux trois der nières Assemblées d'Etats-Généraux.

y eut aux Etats tenus à Paris en 1614, #40 Députés de l'Eglise,

132 Députés de la Noblesse,

192 Députés du Tiers-Etat.

Il y eut aux Etats de Blois en 1588,
134 Députés de l'Eglise,

104 Députés de la Noblesse,

191 Députés du Tiers-Etat, sans ceux, dit la Chronique, qui sont arrivés depuis la première et la seconde séance.

Il y eut aux Etats de Blois en 1576,
104 Députés du Clergé,

72 Députés de la Noblesse

150 Députés du Tiers-Etat.

On voit donc qu'aux deux assemblées tenues à Blois, à la première en date, surtout, le nombre des Députés du TiersEtat étoit à-peu-près égal au nombre des Députés réunis de la Noblesse et du Clergé.

La différence se trouva plus grande aux Etats de 1614, et cependant elle ne fut pas d'un contre deux, mais de huit

contre onze.

Enfin, aux petits Etats de Pontoise (1561) qui précédèrent les Etats de Blois dont je viens de parler, et où cependant on accorda un impôt sur les boissons, con

sidérable pour le tems, les Députés de la Noblesse et les Députés du Tiers - Etat étoient en nombre égal. Les Députés du Clergé n'assistèrent point à cette Assemblée; ils étoient alors réunis à Poissy pour les affaires de la Religion, et ils promirent un secours particulier.

Que signifie donc, près de ces divers éclaircissemens, le nom de doublement du Tiers appliqué si légérement à l'égalité de nombre entre les Députés du Tiers-Etat et les Députés réunis du Clergé et de la No

blesse ?

La grande question, en 1789 et en tous les tems, n'étoit pas le nombre respectif des Députés des trois Ordres, mais leur manière de délibérer, , par tête ou par Bailliage, les Ordres réunis ou les Ordres séparés. Questions que je traiterai dans la suite et à leur place.

Elles n'appartiennent point au Résultat du Conseil du 27 Décembre, puisque ce Résultat ne changeoit point les anciennes formes de discussion, et qu'au contraire il les rappeloit. Mais une observation plus importante sur le prétendu doublement du Tiers, c'est que le Roi en déterminant comme il le fit; le nombre respectif des Députés des trois Ordres, restreignit en réalité