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Les Vénitiens se trouvèrent alors, avec les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, les principaux adversaires de Mahomet, et la guerre prit un caractère maritime. Négrepont (l'ancienne Chalcis), dans l'île de ce nom (ancienne Eubée), fut assiégée par une armée formidable. Le gouverneur vénitien Paul Erizzo la défendit avec un courage héroïque; obligé de céder, il obtint de Mahomet que sa tête serait épargnée : « J'ai juré d'épargner ta tête, dit le « féroce sultan, je tiendrai ma parole; » et il le fit scier par le milieu du corps (1470). Erizzo avait une fille nommée Anne, qu'on réservait pour le sérail de Mahomet'; la vierge chrétienne ne voulut pas sauver sa vie aux dépens de sa vertu; Mahomet lui trancha la tête d'un coup de cimeterre. La chute de Négrepont épouvanta l'Italie, dont les États se réunirent enfin dans une ligue commune.

Aidée des galères de Rome et de Naples, la flotte vénitienne put porter le dégât dans les Cyclades et sur les côtes de Natolie (1472), tandis que les armes de la répubilque défendaient Scutari, et que sa politique usurpait le royaume de Chypre (1475), du chef de Catherine Cornaro, Vénitienne, veuve de Jacques II, dernier roi réel de cette île. Les chrétiens étaient secourus dans leur lutte par le Mongol Ussum-Cassan (Ouzoun-Haçan), chef Turcoman du Mouton blanc, qui venait de renverser le Mouton noir en détrônant Géangir, fils de Tamerlan (1468). Ussum-Cassan avait épousé une sœur de David Comnène: sollicité par le Pape, par les Vénitiens et par les chevaliers de Saint-Jean, il se donna comme le vengeur de son beau-frère et envahit l'Asie

1 Le mot sérail, du turc séraï, désigne proprement le palais des sultans.

mineure (1472). Haçan, d'abord victorieux, fut défait dans plusieurs rencontres, et renonça à l'Asie mineure.

Après la défaite du Mouton blanc, Mahomet reprit l'avantage : il enleva Caffa aux Génois (1475) et rendit la Crimée tributaire; le Frioul envahi fut livré au carnage et à l'incendie (1477); Croïa, que ne défendait plus Scanderbeg, fut emportée d'assaut (1477), et les Turcs parurent aux bords de la Piave, en vue de Venise épouvantée, qui demanda la paix. Cette paix, honteuse pour la république, fut achetée par l'abandon de Scutari qui venait de soutenir glorieusement deux siéges, le premier illustré par le courage d'Antoine Lorédano (1474), le second par l'héroïsme du dominicain dom Barthélemy, resté vainqueur dans la place avec quatre cent cinquante hommes et cent cinquante femmes. Les chrétiens ne montrèrent pas moins de courage sur les bords du Danube. Trente mille Turcs périrent dans une bataille gagnée par Mathias Corvin. Mahomet se vengea de cet échec par la prise d'Otrante, dont les habitants furent massacrés (1479), et par le siége de Rhodes.

Les Hospitaliers, après la prise de Saint-Jean d'Acre (1271), avaient trouvé un refuge dans l'île de Chypre. Dégoûtés d'une position que le roi de Chypre, Henri II, leur rendait difficile, ils firent la conquête de l'île de Rhodes, alors occupée par les Grecs révoltés et par des musulmans (1309) et y fixèrent le siége de leur ordre, ce qui leur fit donner désormais le nom de Chevaliers de Rhodes. Les Turcs Ottomans essayèrent en vain de leur enlever cette île, ils les repoussèrent et se rendirent maîtres de l'île de Cos, et de Smyrne sur le continent (1344). Fidèles à la voix des Papes qui rappelaient les chrétiens à la croisade, ils entrèrent dans la ligue contre Bajazet, et prirent leur part dans le désastre

de Nicopolis (1396). Tamerlan, qu'ils osaient braver, leur enleva Smyrne; ils se dédommagèrent de cette perte par l'occupation d'une autre position sur la côte de Carie (Saint-Pierre ou Bidrou), et par de fréquentes excursions sur les côtes de Syrie. Les secours qu'ils prêtèrent aux rois de Chypre en guerre avec les Mamelouks d'Égypte, attirèrent ceux-ci deux fois sous les murs de la ville de Rhodes; les Mamelouks furent repoussés deux fois avec perte (14401444). Un ennemi plus redoutable, Mahomet II, maître de Constantinople, les somma de faire leur soumission et de payer un tribut. « Nous protégerons, avec l'aide de Dieu et de « nos épées,ce que Dieu et nos épées nous ont donné,» répondit fièrement le grand maître Jean de Lastic. Les guerres contre l'Albanie et contre Venise détournèrent les coups de Mahomet pendant plusieurs années; en 1480 parurent sous les murs de Rhodes, conduites par des renégats parmi lesquels se trouvait un Paléologue (Messih-Pacha), une flotte de cent soixante vaisseaux et une armée de terre forte de cent mille hommes, avec toutes sortes de machines de guerre et une formidable artillerie. Mais Rhodes avait pour grand maître Pierre d'Aubusson, qui mérita d'être surnommé le Bouclier de l'Église, et sous les ordres de Pierre combattait l'élite de la chevalerie européenne. En vain, pendant quatre-vingt-dix-neuf jours, les assiégeants multiplièrent-ils les assauts; en vain dévastèrent-ils la place les chevaliers se défendirent intrépidement sous les ruines de leurs remparts, et enfin, dans une dernière sortie, animés par la vue de leur grand maître criblé de blessures et toujours debout, ils taillèrent en pièces les assaillants et les forcèrent à une fuite honteuse.

Mahomet, plein de rage, jura de se venger. Il rassembla

une armée de huit cent mille hommes, sans dire contre qui les premiers coups devaient être dirigés. Rhodes, la Hongrie, l'Italie, dont il possédait la clef avec la ville d'Otrante, attendaient en tremblant. On savait que Mahomet s'était promis d'anéantir la chrétienté; il était encore dans la force de l'âge, n'ayant que cinquante-trois ans. Le pape Sixte IV faisait faire des prières publiques, lorsque tout à coup on apprit que, le 3 mai 1484, dans une bourgade de la Bithynie, Mahomet II, à la tête de trois cent mille hommes, était mort de la colique, comme le dernier des manants'. La chrétienté respira, délivrée de cet Attila plus féroce que le premier; la ville d'Otrante fut reprise par le roi de Naples, aidé des troupes du Saint-Siége; l'Europe catholique ne fut plus souillée par la présence des musulmans.

Mahomet était aussi cruel que voluptueux : ces défauts marchent ordinairement ensemble. Il conquit deux empires, douze royaumes, deux cents villes; nul ne saurait compter les victimes de sa barbarie. Il n'épargna pas son fils Mustapha, dont la gloire naissante lui faisait ombrage; il fit une loi à tous ses successeurs de mettre à mort, à leur avénement au trône, tous les frères et parents dont les prétentions pourraient leur paraître dangereuses, et cette affreuse loi fut exécutée jusqu'au règne du sultan Abdul-Medjid, au dixneuvième siècle. Tel était l'ennemi qui menaçait l'Europe; le triomphe du croissant eût été le retour à la barbarie; les Papes le comprenaient, et c'est pour cela qu'ils firent tant d'efforts pour réveiller l'Europe qui s'obstinait à ne plus les écouter.

Mahomet laissait deux fils: Bajazet et Djem ou Zizim;

1 Rohrbacher, Histoire de l'Église.

Bajazet était l'aîné; mais Djem était né depuis l'avénement de son père. Les armes seules pouvaient décider la querelle; Djem fut vaincu et se réfugia chez les chevaliers de Rhodes. Pierre d'Aubusson brava les menaces et rejeta les offres de Bajazet qui voulait à tout prix la tête de son frère; plus tard il envoya Djem en France; les chevaliers le remirent ensuite au pape Innocent VIII, comme un gage dans la croisade qu'on songeait à entreprendre; le roi de France Charles VIII, qui ne prétendait à rien moins qu'à conquérir Constantinople, le demanda au pape Alexandre VI, qui le livra; quelques jours après, Djem mourut d'un poison lent que lui avait administré un renégat payé par Bajazet1 (1495). Le successeur de Mahomet II aimait la paix; mais il fallait occuper les janissaires, qui s'étaient déclarés pour lui contre Djem, et à qui ne suffisait pas l'augmentation de solde qu'il leur avait accordée. D'ailleurs, ses ennemis ne le laissaient pas tranquille; il eut à combattre les musulmans, les chrétiens et ses propres fils. Les Mamelouks d'Égypte faisaient de continuelles incursions dans les provinces d'Asie; il envoya contre eux des armées qui furent battues, mais les incursions cessèrent. La Bosnie, la Croatie, la Moldavie, sur la rive gauche du Danube, furent ajoutées à la Valachie, déjà tributaire. Les Grenadins, vivement pressés par les Castillans, implorèrent le secours du Sultan; il ne les sauva pas, mais sa flotte ravagea les côtes d'Espagne. Venise n'avait pas eu honte de faire la paix avec les Turcs et de sacrifier la cause chrétienne aux intérêts de son commerce; la paix dura peu, et Venise perdit encore Lépante, Modon, Navarin et Coron (1500). Une diversion faite par Ismaël,

On reviendra sur ce fait dans l'histoire d'Alexandre VI.

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