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INDISCHE ALTERTHUMSKUNDE, l'Archéologie indienne, par M. Christian Lassen, professeur ordinaire de langue et de littérature sanscrite à l'université royale de Bonn, 1 vol. 1847; 2° vol. 1849-1852; 3o vol. 1858; première moitié du 4o vol. 1861; en allemand, grand in-8°. Bonn, Londres et Leipsick1.

DEUXIÈME ARTICLE 2.

Chez tout autre peuple que les Indiens, deux grands poëmes épiques tels que le Râmâyana et le Mahâbhârata auraient dû jeter une très-vive lumière sur les origines nationales. Le Râmâyana raconte une des expéditions les plus fameuses des Âryas et leur première invasion dans le sud au delà des monts Vindhyas et jusqu'à Ceylan. Le Mahâbhârata consacre le souvenir d'une longue et terrible lutte entre deux familles de cette race; et, de plus, il est le recueil très-fidèle, quoique très-indigeste, d'une quantité prodigieuse de traditions locales. A ces deux poëmes, sans même parler des Védas, joignez les Pourâņas, au nombre de dix-huit, qui, comme leur nom l'indique, ont la prétention de garder le dépôt des choses antiques, et il semble qu'il y a là plus d'éléments qu'il n'en faut, sinon pour reconstituer les âges primitifs de l'Inde, du moins pour y porter autant de jour qu'il est permis d'en demander dans ces temps reculés. Pourtant il n'en est rien, et ces matériaux mêmes démontrent, par leur abondance stérile, qu'il faut se résigner à laisser dans une ombre á peu près impénétrable les commencements de la race des Aryas. Les généalogies dynastiques qu'on trouve dans les épopées et dans les Pourâņas ne peuvent être non plus d'aucun usage 3. Selon toute apparence, elles ne sont que des fantaisies poétiques qui ont acquis de l'autorité en passant de siècle en siècle, et qui, des épopées, ont été reçues dans les ouvrages subséquents. On en peut dire autant de la chronologie brah

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Le premier volume se compose de 862 pages, plus un appendice de cvIII pages et une courte préface; le second se compose de 1182 pages, plus un appendice de LII pages; le troisième se compose de 1199 pages; enfin, la première moitié du 4 volume en a 528.- Voir, pour le premier article, le Journal des Savants, cahier d'août 1861, page 453. M. Chr. Lassen a donné ces généalogies comparées dans l'appendice du tome I, p. 1 à XXXIV, d'après le Râmâyana, le Mahâbhârata et le Vishnoupourâņa, pour les rois d'Ayodhya ou la race du soleil, avec ceux de Mithila et de Viçâla, et, pour les rois du Pratisthâna ou la race de la lune, avec ceux de Bénarès et du Magadha, etc. etc.

manique; et ces quatre âges du monde, si parfaitement symétriques dans les 4,320,000 années qu'ils forment, ne sont qu'une rêverie, à laquelle ne peut s'attacher la moindre importance historique.

M. Chr. Lassen croit que le Râmâyaṇa et le Mahâbhârata, sous la forme où nous les avons aujourd'hui, sont antérieurs au bouddhisme; et que c'est vers l'époque où il a paru que les remaniements des épopées ont dû cesser, sans que, plus tard, aucun changement essentiel ait été introduit1. Les Pourâņas sont beaucoup plus récents; mais ils ont puisé à des sources anciennes, et, sans l'incurable défaut de l'esprit indien, ils auraient pu nous fournir aussi les renseignements les plus authentiques, au lieu de tant d'imaginations extravagantes. Quant aux Védas, qui sont de beaucoup antérieurs à tous les autres monuments, M. Chr. Lassen ne pense pas davantage qu'on puisse en tirer des indications satisfaisantes sous le rapport de l'histoire. C'était là, il est vrai, l'opinion de M. Chr. Lassen il y a près de vingt ans; peut-être aujourd'hui la modifierait-il en quelque mesure après les récents travaux dont le Véda a été l'objet. Mais cependant le Véda lui-même, tout précieux qu'il est, ne nous apprendra que peu de chose de l'histoire proprement dite, et les Brahmanas ne sont guère plus raisonnables historiquement, ni plus instructifs, que les épopées 2.

Il n'y a qu'un moyen d'employer ces éléments informes : c'est d'extraire de la légende ce qu'elle peut renfermer de réel; c'est de faire sortir de tant de symboles, d'allégories et de divagations, le sens caché qu'elles recélent, et les faits que sans doute elles indiquent, tout en les voilant.

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Indische Alterthumskunde, I, page 491. M. Chr. Lassen tire ses preuves du silence des épopées sur le bouddhisme, du caractère tout vishnouvite qu'elles portent, et enfin du style dans lequel elles sont écrites. Sans doute l'opinion d'un juge aussi compétent que M. Lassen mérite la plus grande confiance; mais je ne puis être tout à fait de son avis, quoiqu'il m'en coûte de me séparer de lui. Je pense bien aussi que le Mahâbhârata et le Ramâyâņa sont à peu près contemporains du bouddhisme; mais ils ont bien pu l'ignorer complétement, et la religion nouvelle paraît, à son début, avoir fait assez peu de bruit. Le style des deux épopées me semble, en outre, révéler un temps de raffinement littéraire. (Voir le Journal des Savants, cahier de février 1860, p. 121.) — M. Chr. Lassen aura à revenir plus tard sur les Védas, en traitant de la littérature sacrée des Aryas; mais c'est surtout dans l'ouvrage de M. Max Müller qu'on pourra trouver tout ce qu'on sait aujourd'hui de plus positif et de plus nouveau sur la partie légendaire et historique des Mantras, des Brahmanas, des Oupanishads et des Soutras. En rendant compte de ce remarquable ouvrage, j'ai essayé d'en faire ressortir tout le mérite; mais, tout excellent qu'il est, et malgré tous les faits inconnus jusque-là qu'il a révélés sur la vie religieuse des Aryas, il est une preuve de plus qu'il n'y a point à espérer d'histoire pour ces temps obscurs. (Voir le Journal des Savants, cahiers d'août 1860 et de janvier 1861.)

Je conviens qu'une interprétation de ce genre est toujours une ressource périlleuse; mais c'est la seule qui reste; et, à moins de négliger absolument tant de matériaux, il faut bien les transformer pour y découvrir quelques débris de la vérité. L'historien de l'Inde est donc forcé de donner une longue attention à la légende; et c'est pour lui un devoir aussi nécessaire que délicat. M. Chr. Lassen a touché ce point dans la préface de son premier volume; et je cite ce qu'il a cru devoir dire sur l'obligation où il s'est trouvé, et qu'il a remplie, d'ailleurs, avec beaucoup de sagacité et de prudence:

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« Pour me justifier d'avoir accordé tant de place à la légende, dit « M. Chr. Lassen, je remarque d'abord que, dans la conscience de l'Inde <«< antique, la légende était une vérité, et qu'elle forme une partie essen« tielle de l'esprit indien, qu'on ne saurait bien comprendre sans la <«< connaître aussi. En second lieu, il se présente pour les Hindous cette <«< circonstance toute spéciale, que la légende nous a été conservée par «<eux sous une forme beaucoup plus complète que l'histoire réelle, qui « n'a été recueillie qu'avec de très-grandes lacunes. Ainsi l'exposé de la <«<légende doit tenir, dans l'histoire des Indiens, beaucoup plus d'espace « que dans celle d'aucune autre nation. Le seul moyen de pouvoir con« naître leur histoire la plus reculée, c'est de dégager la portion histo<< rique de la légende. Mais, comme mon ouvrage est le premier essai qui « soit fait en ce genre, je n'ose pas me flatter d'avoir rencontré toujours «l'explication exacte des choses, et je suis tout prêt à mettre des idées plus plausibles à la place des miennes 1. »

Si l'on interroge la légende sur l'origine des Âryas, elle nous répond orgueilleusement qu'ils sont autochthones; et cette vanité ne doit pas nous surprendre, car elle est le partage de tous les peuples anciens. Tous ils ont cru déroger en avouant qu'ils sortent d'une autre contrée que celle qu'ils occupent; ou, plus simplement peut-être, ils ont toujours perdu le souvenir de leur passé. Cependant la tradition, toute précise qu'elle est à cet égard, laisse soupçonner plus qu'elle ne dit; et il semble bien, même d'après elle, que les Âryas, par le nom qu'ils se donnaient et par certaines qualités physiques, se distinguaient des populations indigènes, qu'ils soumirent à leur domination en venant au milieu d'elles. Le mot qui, en sanscrit, exprime la caste, signifie aussi la couleur (Varṇa), et il paraît constaté que les trois premières castes, et surtout celle des Brahmanes, sont, même encore aujourd'hui, plus blanches que les dernières, celles des Çoûdras et des Tchandâlas. Il était donc permis de

Indische Alterthumskunde, préface du I" volume, page VII.

supposer que les Âryas, justement à cause de leur couleur, étaient des peuples du nord, pénétrant dans l'Inde, où ils rencontrèrent des prédécesseurs moins puissants qu'eux. La philologie de nos jours a mis ce fait hors de doute; et, comme les affinités de langue sont de toute évidence entre les autres branches de la famille indo-européenne et celle des Âryas, il n'y avait que deux hypothèses possibles : ou tous les peuples indo-germaniques sont sortis de l'Inde, qu'habitent les Aryas, ou bien les Aryas, pour parvenir dans l'Inde, sont sortis des mêmes contrées où d'abord ils ont été unis avec tous les rameaux de leur famille conmune. M. Chr. Lassen a parfaitement prouvé que cette seconde hypothèse est la seule qui soit admissible, et il est avéré désormais que les Âryas sont entrés dans la péninsule à travers le Pandjâb, et en venant du Kaboulistan occidental1. D'une autre part, comme c'étaient des peuples pasteurs, ils n'ont pu prendre avec leurs troupeaux que les chemins les plus accessibles, et il n'y a guère, dans ces montagnes, presque partout infranchissables, qu'une seule route, celle qu'ont suivie tous les conquérants et les peuples guerriers pour venir de la Bactriane dans l'Inde, c'est-à-dire les passes occidentales de l'Hindoukoush.

Dans le pays que quittaient les Âryas, au moment de la séparation, ils se sont trouvés en contact avec les Iraniens, qui sont allés peupler la Perse et la Mésopotamie, en y portant la langue Zende, la plus rapprochée de toutes les sœurs du sanscrit, et en y portant aussi une religion qui a beaucoup de points de ressemblance avec celle du Véda. Les Iraniens et les Âryas devinrent bientôt d'implacables ennemis, et le voisinage ne fit qu'accroître l'hostilité de deux races sorties d'un même berceau. De plus, dans ces antiques séjours, les Aryas ont été en relation très-probablement avec les peuples sémitiques, dont les traditions font également remonter vers cette partie de l'Asie leur douteuse origine. L'Éden, dans les croyances hébraïques, n'est pas loin de ces lieux, qui doivent être sacrés, non pas seulement pour le peuple juif, mais, en outre, pour l'humanité tout entière 2. Ainsi les Aryas tiennent à tout ce qu'il y a de plus grand dans ces lointaines annales de la civilisation.

1 M. Chr. Lassen, Indische Alterthumskunde, tome I, page 515. Ce fait est aujourd'hui accepté par tous les philologues et les orientalistes; mais M. Chr. Lassen est un des premiers qui l'aient mis en pleine lumière. 2 M. Chr. Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 528. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le remarquer, cette coïncidence des traditions indo-européennes et sémitiques est du plus haut intérêt, et c'est une confirmation bien inattendue, si ce n'est entière, du récit biblique; mais ce n'est toujours qu'une explication partielle des origines de l'espèce humaine.

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Pour leur part, c'est au sud-est qu'ils se sont dirigés, tandis que les autres courants descendaient à l'ouest et au sud-ouest pour peupler l'Asie Mineure et l'Europe.

Le Râmâyana et le Mahabharata ne fournissent que très-peu de données sur les progrès des Âryas après leur arrivée dans l'Inde. Des recherches attentives et minutieuses de M. Chr. Lassen il résulte que le premier de ces deux poëmes, en décrivant les exploits de Râma, représente un état de choses moins avancé. Dans le Mahâbhârata, au contraire, les Âryas n'ont pas seulement franchi par des courses rapides les monts Vindhyas, ils se sont, de plus, établis solidement dans le sud; et les ascètes, qu'on peut comparer à de dévots pionniers, y paraissent bien plus à l'abri des Râkshasas, qui représentent, sans doute, les indigènes et leur résistance aux envahisseurs. Mais il est impossible de tracer nettement, d'après les deux épopées, les limites géographiques de la domination des Aryas, et il faut se contenter des indications les plus générales et les plus vagues. La conquête, partie du nord-ouest, s'étend déjà de l'Indus jusqu'à la moitié du cours du Gange; elle ne s'étend peut-être pas jusqu'à la mer du côté de l'orient, et les Indiens ne connaissaient alors l'Océan que vers les bouches de l'Indus, dont ils avaient d'abord suivi le cours, et vers l'extrémité de la presqu'île. Il est tout aussi difficile de savoir, d'après les deux poëmes épiques, quelque chose de précis sur les temps antérieurs à la guerre des Pândavas. Ce qu'il y a de moins douteux, c'est qu'à cette époque le Madhyadéça est partagé en deux royaumes principaux, les Kourous à l'ouest, et les Pantchâlas à l'est, jusqu'au Magadha, dont les souverains jouent déjà un assez grand rôle.

Les Kourous, après une longue domination, voient affaiblir leur puissance, et ils sont obligés, pour se défendre, de recevoir le secours d'un chef d'une tribu belliqueuse, qui arrive aussi du nord-ouest, comme le reste des Aryas. Ce chef est Pândou, l'auteur de la famille héroïque qui remplit alors de sa gloire la Péninsule entière. Les fils de Pândou, qui semblent unis à la fois par les liens de la parenté et par l'ambition, continuent, quelque temps après la mort de leur père, de servir d'auxiliaires aux Kourous. Mais bientôt cette situation subalterne ne peut plus convenir à leur courage et à leur fortune. Ils s'allient avec d'autres peuples, les Yâdavas et les Pantchâlas, et ils contraignent les Kourous à leur céder la moitié du royaume. Ils fondent sur les bords de la Yamounâ la ville sainte d'Indraprastha, qu'ils fortifient et qu'ils embellissent de toutes les manières. Mais la guerre ne tarde pas à éclater entre eux et les Kourous, leurs anciens alliés. Tous les peuples de la presqu'île

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