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(Suite et fin)

Effets de la politique économique et financière
du Gouvernement roumain

Nous connaissons les conséquences immédiates de l'inflation monétaire en Roumanie. L'avilissement du leu fut suivi de près par la diminution du crédit extérieur du pays. Là malheureuse affaire des Bons du Trésor et d'autres dettes de l'État restées en souffrance pendant des années, déterminèrent ce revirement d'opinion dont nous avons parlé au début de notre étude. La méfiance grandit avec chaque nouveau refus, soit de l'État, soit des particuliers, de régler leurs engagements.

La consolidation des Bons du Trésor et les différents arrangements conclus avec les créanciers étrangers n'ont pas rendu à la Roumanie la confiance dont elle jouissait autrefois. Le leu continue à être négligé sur les marchés des changes; quelques pays ne l'inscrivent même pas à la cote officielle de la Bourse. Ainsi en Belgique, la monnaie roumaine n'est plus cotée depuis 1921.

Cet ébranlement du crédit extérieur, si nécessaire aujourd'hui à la Roumanie, n'est que la conséquence logique de la politique gouvernementale et de la situation créée à l'intérieur du pays.

précédents, jetons un coup d'œil sur l'ensemble de cette situation. Pour en offrir une synthèse, nous ne trouvons rien de mieux que citer quelques passages d'une étude remarquable publiée récemment à Bucarest par le Dr G. Creanga (1).

«... Il y a dans certaines classes de la population tant d'abondance et de luxe, et dans certaines autres, tant de privation et de misère ; il y a tant de facilité de s'enrichir pour les uns et tant de difficulté de vivre pour les autres ; on voit tant de désordre et même d'anar-chie dans les services administratifs, tant de langueur ou, plutôt, de décadence dans plusieurs domaines de la vie nationale; on rencontre, dans ce pays béni de richesses naturelles incalculables, tant de chaos moral et matériel que nous tous, qui avons encore d'autres besoins à satisfaire que les besoins de l'estomac, nous devons ramasser toute notre énergie et nous poser cette question angoissante: Où allons-nous et comment allons-nous ? »

« Nous allons bien », répondra le petit nombre de ceux qui ont réussi à porter leur revenu au niveau du coût de la vie. « Nous allons très bien », diront ceux qui ont su profiter de la situation actuelle et qui ont pêché en eau trouble afin de se créer des fortunes immenses. « Nous sommes sur un volcan », clamera la masse du peuple qui, n'étant pas assurée de son pain quotidien, voit anxieusement venir le lendemain... »

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<< Où allons-nous ? Vers la normalisation de la vie, s'exclameront les gens de la première catégorie ; vers le paradis économique, diront ceux qui, n'étant pas habitués à l'économie, dépensent leur fortune facilement gagnée ; vers l'abîme, répondront tous ceux qui gémissent sous le régime de la dépréciation du leu et qui, avec ce qu'ils gagnent, ne savent ni vivre, ni mourir... »

Cette situation est-elle normale ? Évidemment non.

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« Étudiant avec la plus grande objectivité la vie actuelle du pays, continue Dr Creanga, nous constatons tout d'abord que chez beaucoup de personnes, la frivolité est tellement grande qu'elles ne s'aperçoivent plus de l'abîme et dépensent non seulement leurs revenus, mais aussi le capital qui donne ces revenus. La seconde constatation est plus générale et d'une signification plus néfaste. Tous, aussi bien les riches que les pauvres, nous

(1) Cinci ani de politicà economicà financiarà în România Mare, par le Dr G. Creanga, Bucarest, 1924.

vivons dans une incertitude telle que nous ne savons même pas si nos salaires, nos revenus seront suffisants demain ou après-demain...»

Cette incertitude a donné naissance à l'agitation des esprits, aux frictions entre les diverses classes de la population. Le pays se trouve ainsi en pleine guerre économique et financière. On se livre bataille pour l'accroissement de ses ressources. Guerilla sans effusion de sang, certes, mais très pénible et combien démoralisatrice.

De cette lutte pour l'existence le nombre des victimes est énorme. Ainsi, la classe qui assure la marche de l'organisme de l'État, les fonctionnaires, mène une vie des plus misérables. Pour équilibrer son budget, le Gouvernement leur paye des traitements franchement dérisoires. Tandis que l'index-number des prix de détail atteint aujourd'hui, 25 février, le chiffre de 4300 (la base est de 100, calculée au 1er août 1916), les salaires ne dépassent pas, en moyenne, 22 fois leur montant de 1916.

Pour vivre, les fonctionnaires cherchent des revenus. supplémentaires en gratifications payées par le public. Là se trouve le résultat le plus déplorable de la gestion financière du Gouvernement. La corruption est devenue le trait caractéristique des mœurs, et les fraudes se font en grand, sans étonner personne.

Notons le côté tragique de la situation : ce n'est pas seulement qu'un fonctionnaire prend une gratification pour le service rendu. Le pire est que les personnes dénuées des moyens d'offrir semblable récompense se voient refuser tout service, tout droit d'obtenir satisfaction, d'où résultent des frictions et surtout cette révolte de la conscience contre l'État et ses gouvernants.

Ensuite, il y a encore cette conséquence malheureuse, cette loi de la faiblesse humaine qui veut que le fonctionnaire, une fois corrompu, persiste dans la concussion même quand il n'en a plus besoin. Combien d'années

Une autre classe de la population, la classe historique des grands propriétaires, n'a pas été ménagée non plus par la misère. Reconnaissant la nécessité d'une réforme agraire, ils ont offert de donner aux paysans une partie de leurs terrains ; ils se sont soumis à la loi de l'expropriation qui pourtant les ruinait complètement.

Pour leur attitude vraiment patriotique, beaucoup de propriétaires expropriés sont restés impayés jusqu'à ce jour. Quant à ceux qui eurent la chance d'être indemnisés, ce ne fut pas en numéraire, en lei si dépréciés qu'ils soient maintenant, mais en rentes de l'État, dont les titres sont cotés à 50% de leur valeur nominale. Cela fait mille lei par hectare exproprié, soit cent francs français au cours actuel du change.

Les autres classes de la population roumaine sont aussi dans une situation précaire. Les industriels et les commerçants luttent de toutes leurs forces pour surmonter les difficultés de la vie présente, mais ils n'y réussissent pas toujours. Bien loin de les encourager, la politique gouvernementale annihile leurs efforts.

Les paysans constituent la classe la moins atteinte. par la misère. Et pourtant! Bien qu'ils aient reçu la propriété du sol qu'ils cultivent, ils se voient dans l'impossibilité de déployer toute leur activité, de travailler à leur guise et d'accroître ainsi leur patrimoine.

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« Vous possédez la terre tant souhaitée - leur dit le Gouvernement, – réjouissez-vous maintenant. N'oubliez pas, cependant, de payer votre part de terrain ; surtout, ne tardez pas à porter chez le receveur des contributions l'argent dû pour les impôts; cultivez vos champs d'après les instructions que je vous donne (1) et observez les prix maxima... »

(1) Voici un passage de la circulaire ministérielle envoyée de Bucarest aux conseillers agricoles et aux agronomes régionaux IVe SÉRIE. T. VII.

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Mais les paysans ne se réjouissent guère. Ne pouvant ni acheter, ni vendre, ils vivent, somme toute, dans un état misérable et regrettent comme une faute impardonnable de ne pas avoir été plus loin, il y a six ans, dans leurs revendications....

Telle est la situation véritable en Roumanie. « Pour les hommes du pays, qui vivent et qui comprennent la cruauté de l'état des choses existant, pour ces hommes, le spectacle auquel ils assistent les fait souffrir jusqu'au plus profond de leur cœur. Quant à ceux du dehors, ils en rient ou, tout au plus, nous plaignent » (Bursa, du 2-11-1923, Bucarest).

Malgré les résultats malheureux obtenus jusqu'ici, le Gouvernement n'entend pas renoncer à sa politique. Cela ne veut cependant pas dire qu'il reste indifférent devant la situation créée. Pendant l'année 1924, il a fait preuve d'une activité prodigieuse. De nombreuses lois. économiques et financières d'une portée considérable ont été soumises au Parlement, votées et mises en exécution. Nous avons déjà cité la loi des mines. Mentionnons maintenant << la loi de commercialisation des entreprises de l'État » (1), qui a donné lieu à des objections multiples

(octobre 1924)... Nous vous engageons à intensifier votre propagande et à user de tous les moyens qui sont à votre disposition, afin de déterminer les cultivateurs de toutes catégories et spécialement les paysans, à ensemencer le plus possible de blé. Vous rappellerez aux paysans récalcitrants les dispositions de l'art. 137 de la loi agraire, lequel oblige (!) les paysans à suivre les conseils à eux donnés...».

Ainsi, on va forcer les cultivateurs à semer le blé, c'est-à-dire la céréale qui ne leur rapporte absolument rien, à cause de la taxation exagérée à la sortie du pays.

(1) D'après la loi de commercialisation du 1er mars 1924, les entreprises de l'État sont divisées en deux catégories: 1o celles d'intérêt général appelées à assurer les services publics importants dont dépendent l'existence de l'économie nationale et la sécurité du pays (y figurent les chemins de fer, P.T.T., arsenaux, etc.); 2o celles de caractère purement commercial, mais qui ne constituent pas

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