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surgissent toujours devant nous comme des entités presque entièrement formées, et se prolongent parfois indéfiniment sans modification sensible de leurs caractères.

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La clef de ce double mystère est probablement à chercher dans une théorie très généralisée des « mutations », complétée par quelques considérations très simples sur les altérations que le mécanisme de la fossilisation fait subir à nos perspectives du passé, et soutenue (quoi qu'on en ait) par une interprétation psychique de l'évolution.

1) On parle souvent des mutations comme d'un événement extraordinaire, plus ou moins contradictoire aux démarches habituelles de la vie. Poussées à un certain degré, elles peuvent bien passer pour telles. Prises dans leur mécanisme essentiel, elles sont au contraire un élément constamment associé à la génération des formes vivantes. Le mouvement « phylogénique », il ne faut pas l'oublier, présente un caractère très particulier. Dans presque tous les autres mouvements que nous avons l'habitude d'étudier (déplacement spatial, transformations physico-chimiques, évolution ontogénique...), le sujet du changement forme un support continu aux modifications successives qui se succèdent. Dans le cas du développement d'une espèce zoologique, il en va tout autrement. Même si le germen devait être regardé comme formant, entre les individus d'une même série généalogique, un lien autonome, physiquement continu, il resterait que ce stolon mystérieux demeure, la vie durant, sous l'influence des êtres transitoirement éclos sur sa tige. Le mouvement de l'espèce se fait en sautant d'un individu à l'autre. Or que sont, au point de vue cinétique ou dynamique, ces mobiles sur lesquels se pose successivement le mouvement? Sans aucun doute ils représentent, chacun, un petit système indépendant, une possibilité de déviation morphologique. De même que, sur une tige végétale, chaque feuille (et parfois même chaque cellule) marque

un point de bourgeonnement, de bifurcation, possible, ainsi, le long d'une lignée zoologique, chaque individu est apte à dériver le mouvement de l'évolution vitale dans une direction particulière, conformément à des traits qui représentent précisément ce qu'il a d'individuel. Jusque dans une même et authentique famille, les vivants ne forment pas, au point de vue des caractères zoologiques, une ligne droite; mais ils dessinent une série d'indentations, ou de tangentes, à la courbe idéale représentatrice de l'espèce. Chaque individu est une petite création à part, une espèce nouvelle possible, une amorce de phylum, un « saut de côté » morphologique. Ceci est tellement vrai qu'il ne faudrait pas exagérer beaucoup les méthodes employées par la Paléontologie dans la reconstruction des phylums pour arriver à établir qu'un fils ne peut pas descendre de son père, sous prétexte que de l'un à l'autre la variation des caractères ne se fait pas d'une manière irréversible ou continue.

Ceci admis, il est bien clair que, dans la majorité des cas, les écarts individuels se compensent. Les bourgeons restent virtuels, ou ne s'accroissent pas. Mais qu'il se présente, dans la vie de l'espèce, certains ébranlements, ou certaines nécessités, ou certaines opportunités, qui ouvrent la voie à un changement de régime ou à l'adoption d'un nouveau mode de vie (vie aérienne ou aquatique, par exemple). Alors, on conçoit qu'il se produise ce que le grand anatomiste et paléontologiste américain W. K. Gregory appelle un «< changement révolutionnaire » : une refonte équilibrée de l'organisme. Les possibilités individuelles se révèlent, le bourgeon éclôt et pousse une branche nouvelle naît effectivement sur la tige, jusqu'alors à peu près lisse, de l'ancien phylum.

Changement révolutionnaire, refonte, avons-nous dit. Gardons-nous bien d'exagérer l'ampleur de la métamorphose à ses débuts. C'est l'habileté (certainement non voulue) de M. Vialleton de s'attacher, dans son livre.

à l'étude de types morphologiques notoirement très isolés, et parvenus, de l'avis unanime, à un paroxysme de spécialisation. La formation brusque d'un Chiroptère ou d'un Phoque actuels à partir d'un animal analogue à une Musaraigne ou à une Loutre est évidemment inimaginable. Mais les choses n'ont pas dû se passer ainsi. M. Vialleton fait observer, non sans justesse, que le plus ancien Équidé connu, l'Hyracotherium éocène, est déjà tout à fait Cheval par la légèreté de son port et le dessin général de son squelette. C'est vrai. Mais quel Cheval admirablement atténué ! Quatre doigts antérieurs, trois doigts postérieurs, des dents courtes, serrées, tuberculées, etc., etc... Reculons par la pensée en deçà de l'Hyracotherium de la moitié seulement de la distance morphologique qui le sépare du Cheval actuel. Nous trouvons encore, je le veux bien, un animal construit suivant la formule essentielle des Équidés. Mais, pour le coup, ses caractères « chevalins » sont si inchoatifs, si enveloppés, que leur acquisition ne paraît plus dépasser notablement les limites de la refonte organique qui accompagne la venue au monde de n'importe quelle individualité vivante. Observée en ce point, la naissance des Équidés ne paraît pas plus extraordinaire, morphologiquement, que l'apparition d'une variété zoologique quelconque. Seule la connaissance que nous avons maintenant du succès réservé à cette variation nous permet de la distinguer entre beaucoup d'autres. — De même pour les ChauvesSouris et les Phoques. Les premiers représentants de ces deux groupes n'avaient certainement pas de traits aussi accentués que leurs descendants actuels.Mais, s'ils avaient déjà en germe tous les caractères des Chiroptères et des Pinnipèdes, ce devait être, l'exemple de l'Hyracotherium en fait foi, d'une manière si estompée, si voilée, que leurs particularités morphologiques, pour être discernées par un observateur contemporain, eussent exigé, chez celui-ci, une merveilleuse prévision de l'avenir.

2) Comment se fait-il, maintenant, que ces formes estompées, atténuées, les plus intéressantes pour la Science, soient précisément toujours les formes qui manquent dans nos collections ? Pourquoi cette fatalité qui fait toujours disparaître de nos séries les termes où nous pourrions saisir avec le plus de certitude l'existence d'un mouvement de la vie ?

C'est ici le lieu de faire intervenir un facteur très humble et très accidentel, si accidentel même qu'il pourrait sembler inventé à plaisir par les transformistes aux abois si l'expérience continuelle de tous les paléontologistes n'était pas là pour garantir sa trop gênante réalité : je veux parler de la destruction automatique du pédoncule des phylums zoologiques, destruction tenant elle-même à deux causes : la taille très petite des êtres au niveau desquels se sont opérés les grands changements morphologiques, et surtout le nombre relativement faible des individus composant, à l'origine, les espèces vivantes.

Sans

Depuis longtemps (1) on a observé que les premiers représentants connus des diverses familles zoologiques sont beaucoup plus petits que leurs descendants. L'Hyracotherium est grand comme un Renard. Les premiers Ruminants sont plus petits qu'un Lièvre. Les petits Primates de l'Éocène inférieur sont de la taille d'une Musaraigne. La loi paraît absolument générale. nous attarder à rechercher si la petitesse absolue d'un animal ne serait pas, assez curieusement, une condition posée à l'ampleur possible de ses mutations, notons seulement ici que les dimensions souvent minuscules des types zoologiquement primitifs sont un obstacle très grand, à leur fossilisation d'abord, et à leur découverte ensuite. Si la grande dispersion des Mammifères, par exemple, s'est effectuée au sein d'un groupe d'animaux

(1) Voir, par exemple, ce qu'a écrit M, Depéret dans ses Transformations du Monde animal.

dont la taille moyenne était celle d'une Souris, nous avons bien peu de chances d'en retrouver les traces... à moins de supposer que la quantité d'individus mutés ait été immédiatement très considérable. Or, ce dernier point, nous allons y revenir bientôt, est fort invraisemblable.

M. Vialleton paraît croire qu'on tend à exagérer les lacunes de nos connaissances paléontologiques. Tout ce que m'a enseigné la pratique de la Géologie me persuade au contraire, et toujours plus, que ces lacunes sont si grandes qu'il faut un véritable effort d'esprit pour arriver à réaliser tant bien que mal leur énormité. Déjà en Stratigraphie, surtout continentale, les « blancs » sont impressionnants plus de terrains certainement nous manquent que nous n'en possédons. Paléontologiquement, la situation est encore plus défavorable. Même lorsque, pour une époque donnée, les couches géologiques existent, et qu'elles sont fossilifères (ce qui est loin d'être le cas général), il faut nous avouer que nous ne nous faisons qu'une très pauvre idée des formes animales qui peuplaient alors la Terre. Une preuve directe de cette déficience dans notre vision du passé est déjà donnée par ce fait qu'il suffit d'aborder une région nouvelle du Monde pour découvrir des formes zoologiques nouvelles : en Paléontologie on ne cesse pas de trouver du nouveau ! D'autres faits sont plus significatifs encore. Il est des cas, celui de l'Homme et des Autruches, par exemple, où, grâce aux instruments de pierre indestructibles abandonnés par l'un, et aux œufs très résistants laissés par les autres, nous pouvons nous faire une idée de la proportion qui existe entre le nombre des fossiles trouvés et le nombre des êtres ayant réellement vécu. Eh bien, le rapport est d'une petitesse invraisemblable! A une époque (le Chelléen) où nous connaissons tout au plus deux ossements humains, les pierres travaillées couvrent la Terre. Pour des millions de débris de Struthiolithus qui constellent les argiles rouges et les loess de Chine, on ne possède que deux ou trois os de l'oiseau qu

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