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DE LA FRANCE ET DE L'EUROPE AU MOMENT
DE LA CRÉATION DU CONSULAT.

Retour rapide sur les événements qui eurent lieu antérieurement au 18 brumaire. A cette époque, Bonaparte était pour la France l'homme de la nécessité. Situation politique de l'Europe à la fin du dix-huitième siècle.

Un an encore, et un autre siècle allait commencer. Le dix-huitième, qui avait débuté par l'accroissement prodigieux de grandeur et de pouvoir de la maison royale de France (le don à Philippe V de la belle et immense succession des rois d'Espagne), finissait par le dernier coup mortel qui pût être porté à cette fa*, mille, l'établissement en France d'une monarchje encore engagée dans des langes républicains, et l'avénement d'une quatrième dynastie, s'annonçant avec tous les symptômes de l'énergie de la science et de la capacité.

M

Louis-le-Grand, à l'ouverture de ce siècle, régnait dans tout son éclat; les couronnes arrivaient à sa race par droit d'héritage, et cent ans après, ses descendants, égorgés ou trahis, persécutés, exilés, ne savaient en Europe où reposer leur tête; les ossements royaux même n'avaient pas obtenu la paix des tombeaux. Arrachés par une profanation inouïe à la plus sacrée des demeures, ils attendaient de la pitié orgueilleuse d'un étranger une seconde sépulture, sur laquelle celui-là fonderait son trône.

Les folies de la régence, l'agiotage mis en honneur, la philosophie protégée, les jésuites renvoyés, les parlements poursuivis avec un acharnement maladroit, le vice en honneur à la cour, un roi livré à une débauche éclatante, bien qu'il tentât de la cacher; les hommes de lettres voulant, ainsi que les banquiers, s'immiscer dans la politique; la désunion dans les ménages des grands, l'importance accordée aux théâtres, et de viles créatures ruinant les familles patriciennes ; puis la fureur du jeu poussée à l'excès, la protection malhabile accordée aux insurgens de l'Amérique, la destruction de l'étiquette, la renonciation aux vêtements d'apparat, une supériorité politique accordée à la science, qui n'aurait pas dû sortir de son cabinet; la désunion dans la famille royale, l'ambition de deux princes du sang, la révolte trop prouvée d'un au moins, la mobilité des ministères, l'incapacité des ministres dirigeants, le besoin de se créer des sensations nouvelles, qui est une nécessité pour la France; la richesse du clergé, le séjour à Paris et à Versailles de certains évêques, que, malgré leur minorité, on disait être la majorité ; en outre, l'autorité mesquine des gentilshommes de province, le désir de

les remplacer qui survenait à la riche bourgeoisie, les avocats impatients de faire assaut de faconde, l'imprévoyante résistance des cours souveraines, dégénérant en rébellion; la Bretagne, le Dauphiné, émus et fermentant: tels furent les leviers dont Dieu se servit pour châtier le roi, la famille royale, le clergé, les grands et toute la nation.

Une monarchie qui pendant quatorze cents ans avait résisté à toutes les secousses possibles, aux guerres du dehors et aux guerres intestines; qui, depuis cent quarante ans environ, jouissait d'une paix profonde, fut renversée en moins de deux mois; car l'ouverture des États-généraux eut lieu le 5 mai 1789, et Louis XVI abdiqua de fait en faveur de Mirabeau et des députés factieux, le jour fatal du 23 juin suivant, à la suite de la séance royale.

Dès lors, et sans retour, le pouvoir, sorti des mains du possesseur légitime, tomba dans celles d'une oligarchie démocrate, si on peut s'exprimer ainsi. La chute fut rapide; car vingt-trois jours après, la ville de Paris se gouvernait, indépendante et souveraine. Louis XVI était venu lui rendre hommage, et se faire son homme-lige en prenant ses couleurs (la cocarde tricolore), tandis que cinq princes du sang, que trois princesses et la fleur de la cour, fuyant hors des frontières, allaient porter à l'étranger la nouvelle étourdissante que le royaume de France était en deux mois et demi devenu un gouvernement républicain déjà hárgneux, injuste, avide, en attendant qu'il fût assassin et régicide.

On mit à peu près trois ans et deux mois à parfiler le diadème sur la tête du descendant de tant de poten

tats (1). Trois assemblées omnipotentes travaillèrent à ce triste et grand résultat, commencé par les Étatsgénéraux, devenus Assemblée nationale, poursuivi par l'Assemblée législative, et parachevé au 21 septembre 1792, lorsque, sur la proposition du comédien Collot-d'Herbois, appuyée par un prêtre schismatique, Grégoire, la Convention nationale abolit la royauté.

Ce fut un coup de géant; on ne recula pas devant un autre encore plus horrible. La Convention, usurpant tous les pouvoirs, se créa tout ensemble souveraine, tribunal de justice, et chambre de cassation; les accusateurs, les juges, les bourreaux, furent pris dans son sein: il n'y eut que les défenseurs qu'elle n'osa pas imposer à sa victime.

Des hommes qui se disaient les humbles mandataires du peuple se refusèrent à reconnaître la légalité de l'appel au peuple que faisait l'infortuné Louis XVI; doublement usurpateurs pour commettre le crime, ils réunirent, par une énormité sans exemple, l'autorité du roi et celle de la nation, et le 21 janvier vit monter au ciel, de l'échafaud du martyre, le meilleur des humains et le plus faible des princes, dont le courage consistait dans l'impassibilité de la souffrance, et qui, dans la crainte de verser quelques gouttes d'un sang vil et corrompu, fit répandre par torrents celui de tout ce que la France renfermait de digne, de juste et de pur.

La Convention, attaquée mollement par une coali

(1) Expression connue de la baronne de Staël.

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