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Que ces deux personnages aient été de bonnes mœurs et aient eu l'habitude de respecter la vérité, la chose est possible, mais c'est un point sur lequel nous n'avons aucun renseignement certain; car on ne sait sur eux que ce que rapportent leurs propres évangiles. Eusèbe a, en outre, recucilli sur Jean quelques légendes qui ne nous instruisent en rien de sa moralité. Il est un passage de Jean, de nature à nous inspirer de la défiance sur sa véracité, c'est le dernier verset de son Évangile ainsi conçu : « Jésus a fait en outre beaucoup d'autres choses; et si on les rapportait en détail, je ne crois pas que le monde même pût contenir le livre qu'on écrirait. » Un écrivain capable de pousser à ce point l'exagération, peut être à bon droit suspecté d'avoir eu pour habitude de tout amplifier.

On a allégué comme gage de leur sincérité cette circonstance qu'ils ont souffert le martyre pour défendre la vérité de leur témoignage. Mais ce fait n'est rien moins que prouvé. Tillemont cite, au contraire, des auteurs fort anciens, d'après lesquels Matthieu, Luc et Jean auraient fini par une mort tranquille, et telle était l'opinion de saint Grégoire de Nazianze. Héracléon, auteur du second siècle, assure que Matthieu, Thomas, Philippe et plusieurs autres apôtres sont morts naturellement (1). Ruinart convient qu'on ignore quel a été le genre de mort des apôtres, et que les auteurs anciens nous ont transmis fort peu de chose à ce sujet (2). Ceux qui ont voulu leur décerner les honneurs du martyre, sont beaucoup plus récents et ont cédé à un entraînement systématique; on crut devoir, même sans aucun titre, placer au nombre des martyrs tous les apôtres et les premiers chrétiens; et à défaut de documents, on n'était jamais embarrassé pour leur composer une légende.

Quant à Jean, on prétend que, sous Domitien, il fut persécuté, jeté dans une cuve d'huile bouillante, et que, par conséquent, bien que n'ayant pas succombé dans cette épreuve, il doit être regardé comme un martyr. C'est Tertullien qui le premier rapporte (Des Prescriptions, ch. xxxvi) cette tradition évidemment légendaire, à l'appui de laquelle il ne fournit aucun document sérieux. Mais quand

(1) SAINT Clément d'Alexandrie, Stromates, liv. IV.

(2) Acta sincera, P. 1, Admonit. martyr. Sancti Jacobi.

II.

même il serait établi que Jean a été persécuté pour la foi chrétienne, on ne pourrait en tirer en faveur de son témoignage aucune conséquence décisive. En effet, du moment qu'on persécutait les chrétiens, on y comprenait tous ceux qui étaient connus comme appartenant à cette secte, et Jean qui, dit-on, était évêque d'Éphèse, a dû être considéré comme un des chefs et signalé un des premiers à la haine des ennemis du christianisme; il n'est pas certain qu'il eût pu, quand même il en aurait eu la volonté, échapper par la fuite ou par la rétractation. Tous ceux qui, placés dans les mêmes circonstances, ont subi des supplices, ne doivent pas nécessairement être regardés comme sincères dans leur foi il a pu s'en trouver dans le nombre qui aient embrassé la secte par calcul ou par des motifs trèsdivers, sans prévoir les dangers auxquels ils s'exposaient, puis ont été victimes, sans que pour cela leur parole mérite une grande confiance; quant à Jean en particulier, nous ne savons rien de précis. - Un temps assez long s'est écoulé depuis la persécution de Domitien jusqu'à l'époque où l'apôtre est censé avoir écrit son évangile, ce qui eut lieu, nous dit-on, peu avant sa mort, sous le règne de Trajan, alors que l'Église était tranquille et que rien ne faisait présager de nouveaux orages. Or, de ce qu'un homme a souffert, dans des temps fâcheux, pour la cause à laquelle il s'est attaché, on ne peut en conclure que si, plus tard et dans des temps calmes, il écrit ses mémoires, il sera toujours véridique, exempt de prévention et d'esprit de parti. Nous voyons souvent, au contraire, dans des cas semblables, l'écrivain arranger les faits pour présenter son parti sous le jour le plus favorable.

On a encore invoqué en faveur des évangélistes leur ton de candeur, la naïveté avec laquelle ils conviennent de leurs faiblesses et de leur difficulté à comprendre leur maître. Mais toutes ces qualités se trouvent au même degré dans les évangiles apocryphes, qui ont avec les canoniques une conformité si frappante, que le flambeau de l'orthodoxie peut seul les distinguer. Si des faussaires comme les auteurs des apocryphes peuvent si facilement revêtir les apparences de la candeur et de la bonne foi, ce ne sont donc pas là des indices certains de la véracité des narrateurs. Quant au défaut d'intelligence attribué aux disciples, c'est habituellement chez les évangélistes, el

surtout chez le quatrième, une sorte de tactique pour faire ressortir la supériorité du maître au moyen d'un contraste tranché. On conçoit aisément de tels aveux si les évangiles ne sont pas authentiques; s'ils le sont, les auteurs ont bien racheté ce qu'il peut y avoir d'humiliant dans leur abaissement passager, en se faisant octroyer par Jésus les plus hautes prérogatives, telles que le jugement des douze tribus d'Israël (Mat., xix, 18; Luc, XXII, 29, 30); Jean particulièrement ne s'est pas oublié dans le cours de son livre il s'attribue la première place dans toutes les occasions remarquables, se donne comme le plus chéri des disciples de Jésus, et a soin de se désigner sans se nommer; une assez belle part a donc été réservée à l'amourpropre.

Il faut bien reconnaître que nous n'avons rien qui recommande d'une manière particulière la personne des deux apôtres-évangélistes, et que nous devons peser leurs témoignages comme nous ferions à l'égard de gens tout à fait inconnus.

Parmi les faits qu'ils racontent, il en est beaucoup dont ils n'ont pas été témoins, tels que la naissance de Jésus, l'adoration des mages, celle des bergers, le jeûne de quarante jours, les tentations dans le désert, etc. Il en est même dont la vérification était impossible, tels que les songes de Joseph et des mages, la virginité de Marie, etc. Ils ne disent pas comment ils ont acquis la connaissance de ces événements, dont le récit annonce déjà une extrême crédulité et un penchant prononcé à accueillir le merveilleux.

Si nous arrivons à la partie de la vie de Jésus où les apôtres commencent à intervenir comme témoins oculaires, en confrontant leurs récits, nous les voyons fourmiller de contradictions (1). Il paraît qu'elles ont été signalées de bonne heure, puisque plusieurs des anciens pères ont cru devoir chercher à concilier ces divergences. Malgré leurs efforts pour torturer les textes, malgré la facilité avec laquelle ils ont recours à la supposition de fautes de copistes dès qu'un passage les embarrasse, ils ne sont parvenus qu'à des résultats fort peu satisfaisants. Saint Augustin l'a si bien senti, qu'à la suite d'une de ces tentatives désespérées pour accorder des passages évidemment

(1) Nous en donnerons plusieurs exemples dans l'appendice.

contradictoires, il ne trouve rien de mieux à dire, sinon que tout chrétien doit respecter les Écritures comme l'œuvre de Dieu, et croire qu'il existe des conciliations, quand même nous ne pourrions les découvrir, entre les passages qui semblent contradictoires (1). Un homme sensé ne peut accepter un pareil argument, et décidera au contraire que deux témoins qui ne sont pas d'accord s'annibilent réciproquement. Deux relations contradictoires ne peuvent être vraies l'une et l'autre ; il ne peut y avoir tout au plus qu'un seul des témoins qui dise vrai, et l'autre, par conséquent, se trouve convaincu de fausseté. Mais comme les motifs de crédibilité sont égaux de part et d'autre, il est impossible de discerner celui des deux témoins dont la déclaration doit être préférée à celle de l'autre ; on devra donc, dans le doute, les rejeter également. D'ailleurs, si un seul des évangélistes est dans le faux, il en résulte le rejet du christianisme qui les déclare tous divinement inspirés et par conséquent infaillibles. Si ensuite ces témoins s'accordent sur d'autres faits, il sera impossible d'ajouter foi à des historiens déjà trouvés en défaut, puisque celui qui ment une fois est suspecté de mentir toujours; et ici l'erreur venant de personnes qui ont dû être bien informées, et portant sur des faits censés accomplis sous leurs yeux, ne peut être involontaire et mérite le nom de mensonge. Voilà donc l'autorité des Évangiles mise au néant.

Les théologiens, que rien n'embarrasse, loin d'être accablés sous le poids de ces contradictions, ont voulu les faire tourner à leur avantage comme une preuve que les évangélistes ne s'étaient pas entendus pour tromper, et que par conséquent ils étaient de bonne foi.

Il est certain que des imposteurs habiles se concertent quelquefois de manière à faire des témoignages parfaitement concordants; mais il ne s'ensuit pas que quand des témoins sont en désaccord sur quelques points, ils soient nécessairement de bonne foi; il peut se faire aussi qu'ils aient menti isolément et sans se concerter, ou qu'ils aient tenté de s'entendre pour tromper, et s'y soient mal pris pour exécuter leur plan de fraude. Mais, à part la question de bonne foi,

(1) De Consensu evangeliorum, III, 13.

il est certain que des témoins qui ne sont pas d'accord ne peuvent dire tous la vérité. Et si les divergences portent sur des faits importants qui se seraient passés sous leurs yeux et auxquels ils auraient pris part, on en conclura, non-seulement que leurs dépositions ne sont pas vraies, mais encore que ces témoins cherchent sciemment à tromper.

Il arrive quelquefois, devant les tribunaux, qu'on admet les dépositions de témoins discordants, mais c'est malgré leur discordance et non à cause de cette discordance. Que, dans un procès, des témoins déposent d'une manière conforme sur des faits majeurs, et ne soient en désaccord que sur des circonstances secondaires; si ces contradictions peuvent s'expliquer par le défaut de mémoire ou par la difficulté qu'ils auraient eue à observer, on admettra leur témoignage, tout en reconnaissant que ces témoins, sans mauvaise intention, ont déposé de faits partiellement faux. Mais si les divergences portent sur le fait principal duquel dépend tout le procès, et qu'on ne puisse en rendre raison par l'inadvertance ou le défaut de mémoire des témoins, on ne dira pas qu'ils doivent être crus parce qu'ils ne se sont pas concertés; sans examiner si, ou non, ils se sont concertés, on refusera de les croire sur les faits à l'égard desquels ils ne sont pas d'accord, puisqu'on ne peut admettre en même temps des récits contradictoires, et une juste défiance empêchera de les croire, même sur les faits où ils sont d'accord.

§ 2. - Du merveilleux des récits.

Un point qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est la nature exceptionnelle des faits sur lesquels nous cherchons la vérité, et des écrits qui en transmettent le souvenir. Nous n'avons pas affaire aux historiens ordinaires : les évangiles sont présentés comme l'œuvre du Saint-Esprit; on ne peut donc réclamer en leur faveur aucune indulgence. Quand il s'agit d'un écrivain ordinaire, on peut faire la part de l'imperfection inséparable de toute œuvre humaine; mais un livre divin doit être irréprochable, toutes les parties doivent être en parfaite harmonie, il ne doit pas y avoir un mot à reprendre; tout doit en être admirable et porter le cachet de la divinité. Si, au

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