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prouve l'intercalation. Le passage où il est parlé si brièvement de Jésus, se trouve entre le récit d'une sédition étouffée par Pilate et l'aventure galante d'un chevalier qui joua auprès d'une dame le rôle du dieu Anubis. Josèphe, qui montre beaucoup de méthode, n'aurait pas commis un mélange aussi inconvenant. C'est dans des chapitres spéciaux qu'il parle des diverses sectes religieuses; et s'il eût eu à parler des chrétiens ou de leur chef, il l'aurait certainement fait, ou dans ces mêmes chapitres, ou mieux encore dans un chapitre exclusivement consacré à un sujet d'une si haute importance, auquel il aurait indubitablement donné les développements convenables. Lui qui raconte d'une manière très-détaillée les miracles d'Élie et d'Élisée, il ne se serait pas borné à quelques lignes pour celui qui est plus qu'un homme, pour le Christ, pour l'envoyé de Dieu, Dieu lui-même. Pour les événements anciens, il avait été réduit à recourir à la Bible et à la tradition; mais pour les faits contemporains dont un grand nombre de témoins existaient de son temps, et sur lesquels il lui était facile de faire une enquête, Josèphe était à même de rédiger une relation complète qui aurait donné un immense intérêt à son livre, et qui entrait parfaitement dans son plan, puisqu'il s'agissait d'événements arrivés en Judée et qui surpassaient en gravité tous les sujets des histoires précédentes. Josèphe, dans son Histoire de la guerre des Juifs contre les Romains, reprend les faits antérieurs à partir des commencements de la race asmonéenne; mais, pour ne pas se répéter, il abrége les événements qu'il a déjà rapportés plus au long dans ses Antiquités, et il ne commence à raconter en détail que depuis l'époque où s'arrête son premier ouvrage ; et de la période antérieure au commencement de la guerre, il ne fait entrer dans son second ouvrage que les événements qu'il juge les plus mémorables. Ce qui regarde le Christ, devait certes mériter une pareille distinction, et pourtant il n'en dit rien. Il y a un chapitre où l'occasion de parler de Jésus s'offrait d'elle-même; car Josèphe ne juge pas inutile de rappeler en peu de mots ce qu'il avait déjà dit, dans ses Antiquités, sur Judas, le fondateur d'une petite secte politique et religieuse; et il aurait regardé comme indigne d'une semblable mention le Christ, l'être divin qui avait opéré de si grands miracles! Une telle omission serait aussi

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inconcevable qu'elle est naturelle si l'on rejette comme intercalé le passage des Antiquités sur Jésus. Il est encore à remarquer que Josèphe écrivant sa Guerre des Juifs après la ruine de Jérusalem, c'est-à-dire au plus tôt en l'an 70, mentionne la secte de Judas comme la quatrième, et énumère les trois autres qui sont bien connues, savoir les Pharisiens, les Saducéens, les Esséniens; il est donc clair qu'il ignorait l'existence de la secte chrétienne et que, par conséquent, il ne peut être l'auteur du passage dont il s'agit (1).

Que conclure d'une falsification aussi impudente? C'est que les chrétiens sentaient parfaitement que le silence de Josèphe les atterrait et ruinait de fond en comble toute l'histoire de Jésus; c'est que chacun comprenait que si les miracles et la résurrection de Jésus avaient eu quelque chose de réel, Josèphe ne pouvait pas les ignorer, et que, les connaissant, il ne pouvait manquer de les rapporter. On se décida donc à le faire parler; mais quel langage lui prêter? Là était la difficulté. S'il faisait mention de Jésus en taisant ses miracles, on devait en conclure qu'ils n'avaient eu ni éclat ni publicité, ce qui était démentir les évangiles. S'il parlait des miracles en en reconnaissant la réalité, il ne pouvait s'empêcher d'en proclamer l'auteur comme prophète et comme Messie. L'artisan de la fraude n'a pas reculé devant ces conséquences; mais il n'a pas réfléchi qu'il s'arrêtait sur une pente où il devait nécessairement

(1) Cette question d'intercalation a été traitée ex professo par Tannegui Lefèvre (Tanquillus Faber), Epistolæ, SAUMUR, 1657, liv. I, Ep. 44. Ce savant regarde Eusèbe comme l'auteur de la falsification. Voyez aussi sur ce sujet :

BLONDEL, Traité des Sibylles, 1649, p. 28; PIQUES, docteur en Sorbonne, dissertation formant le ch. n du t. II de la Bibliothèque critique de Richard Simon, publiée sous le nom de M. Sainjore, Amsterdam, 1708; DU PIN, Biblioth. ecclés., t. I, p. 72.

Il y a encore, dans Josèphe, un autre passage contenant des mots qui paraissent intercalés. Il est dit (Antiquités, xx, 8) que, sous le gouvernement d'Albinus, le grand sacrificateur Ananias fit condamner à mort et lapider Jacques, frère de Jésus nommé Christ: ces derniers mots ont sans doute été ajoutés par l'auteur du passage de Jésus, Josèphe n'ayant pu, comme nous l'avons prouvé, appeler Jésus le Christ.

être entraîné, et que du moment que Josèphe confessait le Messie, il fallait aller jusqu'au bout et le faire chrétien. Malheureusement ses écrits ne peuvent se prêter à cette transformation et prouvent que, loin d'être chrétien, il n'a même eu aucune connaissance ni de Jésus, ni de la secte fondée sous son nom.

Ce fait est accablant et donne le démenti le plus énergique aux récits évangéliques on est en droit d'en conclure que Jésus a mené une vie extrêmement obscure; que son école a été, de son vivant, excessivement restreinte et concentrée dans un petit nombre d'hommes de la dernière classe; que son enseignement n'eut aucun retentissement, passa presque inaperçu, et même que, longtemps encore après sa mort, son parti était si peu nombreux et si obscur, qu'on ne daignait pas même le compter au nombre des sectes entre lesquelles se partageaient les Juifs. Il est probable que les premiers progrès se firent plutôt en dehors de la Palestine, d'abord parmi les Juifs dispersés, et ensuite parmi ceux qu'ils appelaient les Gentils, c'est-à-dire les habitants des diverses parties de l'empire romain. C'est ce qui explique comment Tacite constate que les chrétiens se trouvaient, sous Néron, en assez grand nombre à Rome, tandis que Josèphe, à peu près dans le même temps, ne paraît en avoir aucune connaissance. Les chrétiens étant presque inconnus en Palestine, ne jouant aucun rôle dans les dissensions intestines qui amenèrent la ruine des Juifs, Josèphe a pu ignorer leur existence au point de ne voir dans le meurtre de Jacques qu'un fait accidentel, sans le rattacher à aucune secte.

La vie de Jésus, bien qu'appartenant à une époque historique, a donc été tellement obscure, que rien n'en est parvenu à la connaissance des écrivains vivant dans le même temps et dans le même pays. Il n'existe sur lui aucun document réellement historique, et la postérité est dans l'impossibilité de rien savoir des actes ni de la doctrine de ce personnage.

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Il résulte de notre examen que, même en supposant constante l'authenticité des Évangiles, nous n'avons aucune garantie de la vérité des récits qu'ils contiennent. L'énorme invraisemblance des

faits, leur caractère miraculeux et légendaire, les contradictions innombrables des narrateurs, le silence des historiens les mieux placés pour connaître les événements, tout se réunit pour faire reléguer au rang des fables les récits évangéliques dont les auteurs ont pu être trompés ou trompeurs, ou peut-être l'un et l'autre. Quant à la question de savoir comment ces récits ont pu se former et s'accréditer, voici ce qui nous paraît le plus vraisemblable. Un certain nombre d'hommes ayant accepté Jésus pour Messie, lui ont attribué tout ce qui, d'après leurs opinions, devait être l'apanage du Messie. En vain objecterait-on à cette manière de voir que si Jésus n'avait pas réuni en sa personne les attributs que ses contemporains prêtaient au Messie, il n'aurait pu se faire accepter en cette qualité. Il faut remarquer que les prophéties juives sont, comme toutes les prophéties, excessivement obscures et peuvent se prêter à une foule d'interprétations arbitraires. Le langage poétique et figuré où il était question d'un homme quelconque, sans désignation de temps ni de lieu, était appliqué au Christ futur; les passages mêmes où il était évidemment question de faits accomplis longtemps avant Jésus étaient réputés avoir au moins deux significations, l'une naturelle, concernant les événements passés ou prochains, l'autre symbolique concernant le Messie. Les portraits qu'on se faisait de cet envoyé de Dieu, qui devait être la gloire d'Israël, variaient selon le point de vue de chacun, et les traits en étaient tellement contradictoires, qu'il était impossible de les réunir sur un même individu. On ne peut donc pas dire que, pour être accepté comme Messie, il fallait d'abord réaliser en soi les prophéties messianiques. Sans doute, le plus grand nombre des Juifs attendaient un dominateur universel qui assurerait au peuple juif l'empire sur toute la terre. Mais d'autres s'en formaient une idée toute différente et pensaient que le Messie aurait de faibles commencements avant de s'élever à l'état glorieux et triomphant qui était le but définitif de leur attente. Quelques hommes illettrés, comme étaient les apôtres, ont pu reconnaître en Jésus une supériorité dont ils ont été vivement impressionnés, et voir en lui le Messie, malgré son obscurité, sans qu'aucune action extraordinaire l'eût encore distingué. Jean fait dire à Jésus par Pierre qui semble parler

en son nom et en celui des autres disciples: « Vous avez les paroles de la vie éternelle; nous savons que vous êtes le Christ, le fils de Dieu (v1, 69, 70). » Ce qui prouve que l'ascendant que Jésus avait acquis sur eux était fondé sur la beauté de son enseignement, et non sur aucun fait miraculeux. Néanmoins il n'est pas impossible que certains événements naturels aient été transformés en miracles par des hommes simples et enthousiastes, et aient contribué à leur donner une haute idée de Jésus. Celui-ci a pu guérir, au moins momentanément, par l'autorité de sa parole, des individus réputés démoniaques et qui n'étaient que fous ; des rencontres fortuites ont pu faire croire à des guérisons miraculeuses, à des pêches surnaturelles, à un empire exercé sur les éléments. Voilà donc les disciples convaincus qu'ils ont pour maître un envoyé de Dieu, un être surhumain. En conséquence, à peine est-il mort, que la légende lui compose une vie tissue de prodiges; et elle a d'autant plus de facilité pour y réussir, que l'obscurité réelle du héros laisse le champ libre à l'invention. On ne put en faire un messie triomphant; mais on plia les prophéties de manière à les faire cadrer avec la vie humble et la mort de Jésus; on interpréta dans le sens métaphorique tout ce qui était dit de la grandeur du Messie, et l'on prêta à Jésus une foule de traits qui pussent être considérés comme autant d'accomplissements des Écritures ainsi entendues. C'est à l'aide d'un tel travail qu'une vie simple et dénuée de tout événement saillant, a pu grandir et se transformer au point de devenir le roman féerique où la divinité intervient à chaque pas.

Les récits évangéliques étant dépouillés par la critique de toute autorité historique, la révélation chrétienne n'existe plus ; et cette conclusion reste définitivement acquise, quel que soit le mérite des systèmes à l'aide desquels on cherchera à rendre compte de la formation des légendes. Ces explications, curieuses au point de vue de la science, ne reposent le plus souvent que sur des conjectures plus ou moins ingénieuses, plus ou moins vraisemblables quand même elles seraient toutes rejetées, les faits auxquels elles s'appliquent, n'en resteraient pas moins frappés de discrédit. Celui qui prouve la fausseté d'un fait n'est pas obligé de rendre compte de la manière dont on est parvenu à l'accréditer; il est souvent impossible

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