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justice et la puissance de Dieu, il est impossible qu'il puisse entrer dans son âme d'autres sentiments que ceux de la soumission et du regret. Narguer Dieu, comme on le suppose, ce serait aggraver sa faute et appeler une aggravation de châtiment.... Du reste, l'objection contre l'inefficacité des peines temporaires s'applique de tout point aux peines du purgatoire; puisque les catholiques admettent que ces dernières, loin d'être un sujet de dérision pour ceux qui les subissent, ont une vertu expiatoire, il n'y a pas de raison pour prétendre qu'il n'en serait pas de même des peines temporaires qui seraient infligées pour les péchés plus graves, et qu'elles ne suffiraient pas pour désarmer la sévérité de Dieu. L'auteur de l'objection avait, en la faisant, oublié le purgatoire.

Quand un prince ou un magistrat armé d'un pouvoir sans bornes, inflige à un coupable une peine excessive, hors de proportion avec la faute commise, il cesse d'être un juge équitable, il n'est plus qu'un despote barbare; ce n'est plus la justice qui le guide, c'est une misérable soif de vengeance, il perd tout droit à l'estime et au respect, et sa victime, bien qu'accablée par une force brutale, a le droit à son tour de juger son bourreau. Jacques de Molay sur son bûcher est plus grand que le roi qui ordonne ses tortures. De même, si le dogme de l'enfer était vrai, le damné, tout en subissant la violence exercée par un tyran cruel, serait plus grand que le Dieu auteur de son supplice, et aurait droit de lui dire « Frappe, infâme despote; plus la colère et ta vengeance se déploient, plus tu te rends méprisable, plus j'ai conscience de valoir mieux que toi. »

Nous n'avons parlé de la damnation que par rapport à Dieu et aux damnés; il faut aussi la considérer par rapport aux élus. Or, le bonheur de ceux-ci ne peut être parfait tant qu'ils savent qu'il existe des malheureux; la vue des supplices de l'enfer suffirait pour empoisonner les joies du paradis. Les élus étant les natures les plus élevées et les plus aimantes, on ne peut admettre que chacun d'eux se renfermant dans son égoïsme, se complaise dans sa propre béatitude et demeure étranger au reste du monde. L'élu ne peut rester indifférent au sort de ses frères et même à celui des créatures souffrantes, à quelque espèce qu'elles appartiennent. Or, de quelle douleur ne doit-il pas être navré quand il songe aux souffrances

II.

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inexprimables des damnés et des démons, à leurs angoisses sans fin, à leurs tourments, sans relâche, à leur affreux désespoir! Et parmi ces malheureuses victimes, si un fils voit les auteurs de ses jours, une mère son fils si tendrement aimé, un époux la compagne de sa vie terrestre; si ces objets de leur affection sont séparés d'eux par un abîme infranchissable et livrés à des maux qu'aucun espoir ne peut adoucir, ces élus ne seront-ils pas malheureux eux-mêmes dans le prétendu séjour du bonheur (1)? Une théologie sans entrailles a beau leur dire que la vue des souffrances des damnés sera pour eux un spectacle délicieux qui augmentera leurs jouissances, et que les damnés étant maudits de Dieu, ne doivent inspirer que de l'aversion (2); l'homme vraiment religieux repousse avec horreur une doctrine aussi odieuse et ne conçoit de félicité qu'autant qu'elle s'étendra à toute l'humanité et surtout à ceux pour lesquels il éprouve une affection particulière; il sent qu'il est membre du grand corps formé de l'ensemble de tous les êtres humains, qu'il y a solidarité entre toutes les parties de cette unité, et qu'une d'elles ne peut souffrir sans que toutes les autres partagent sa souffrance à quelque degré. L'homme, dit un fameux réformateur moderne, ne doit pas s'attendre à jouir d'un bonheur individuel, mais il ne se sauvera qu'en participant au salut de l'humanité entière.

Le dogme de l'enfer est tellement révoltant que, par une heureuse

(1) Un barbare donna une bonne leçon aux missionnaires qui voulaient le convertir. Fleury rapporte (Hist. eccl., liv. XLI) que le roi des Frisons, prêt à recevoir le baptême et entrant déjà dans les fonts, demanda s'il trouverait dans le paradis les rois ses aïeux. L'évêque lui ayant répondu qu'ils étaient en enfer, le roi sortit des fonts en disant : « Je ne quitterai point la compagnie des princes mes aïeux pour aller dans votre paradis chercher ces pauvres que je ne connais point; je ne puis croire ces nouveautés. >>

(2) C'est ce qu'enseignent les plus grands théologiens, tels que saint Thomas et Pierre Lombard. Voici comment s'exprime ce dernier : « Les élus s'avanceront pour jeter un regard sur les tourments des impies aux enfers ils n'en seront point affligés; au contraire, en voyant les ineffables douleurs des impies, ils remercieront Dieu du bienfait de la félicité céleste (liv. IV, Dist. 50, ch. 1v). »

inconséquence qui fait honneur à la bonté de leur cœur, plusieurs catholiques, même dévots, le repoussent, tout en se croyant orthodoxes et ne s'inquiètent pas de leur dissidence avec l'enseignement de l'Église. D'autres ont été plus loin, et sans cesser de professer un grand respect pour l'autorité de l'Église, ils ont cherché à corriger ce dogme que leur conscience ne pouvait accepter. Un poëte animé d'une inspiration religieuse, pensa que la rédemption ne pouvait être incomplète, et que, tant qu'il y avait des êtres souffrants, maudits, déshérités, le doux et miséricordieux Jésus n'hésiterait pas à se sacrifier pour les sauver. Il raconte, dans un langage sublime, le mystère de cette seconde rédemption qui s'accomplit dans les enfers (1); Jésus y va chercher pour lui-même des supplices encore plus affreux que ceux du Calvaire, il monte de nouveau sur la croix, il y verse son sang à flots; mais cette fois ce sang réparateur régénère l'univers, réconcilie avec Dieu tous les coupables sans exception; aussitôt s'éteint la flamme des bûchers infernaux, les damnés touchés par la grâce viennent baigner la croix des larmes de leur repentir; les anges réprouvés, et à leur tête le prince des ténèbres, l'orgueilleux Satan, viennent fléchir les genoux devant le Messie libérateur et implorer leur pardon. Toutes les créatures rentrent en grâce auprès de leur Père commun; plus de souffrances, plus de haines, l'amour a tout réuni; le péché est anéanti sans retour, l'enfer est supprimé, tout est ciel, un hymne d'amour part de tous les cœurs, il n'y a plus que des élus... Combien le poëte s'élève au-dessus du dogme! L'idée fondamentale de cette fiction grandiose est empruntée à l'une des plus anciennes religions du monde, au magisme qui, à cet égard, est bien supérieur au christianisme. Selon Zoroastre, le partage du monde entre le bien et le mal n'est qu'une collision temporaire. La lutte est destinée à finir par le triomphe des légions célestes et la soumission absolue de celles d'Arimane. A ce jour donc, l'enfer n'existera plus, la terre régénérée sera confondue avec le ciel, et le règne divin réunira la totalité de l'univers; dans ce système, nul être n'est essentiellement méchant, n'est irrémissiblement damné; aussi le mazdéisnan (sectateur de

(1) ALEX. SOUMET, la Divine Epopée.

Zoroastre), loin de maudire les démons et les damnés, les embrasse dans sa charité vraiment catholique, et implore pour eux, en même temps que pour lui, le souverain dispensateur des grâces : « Protége-moi, dit-il, rends-moi grand maintenant et pour toujours. Fais attention, ô saint Ormuzd, à celui qui fait le mal; que j'aie la pure satisfaction de le voir connaissant la pureté du cœur. Fais-moi cette grâce, ô Ormuzd ; accorde-moi ce saint avantage, que la parole détruise les démons, que leur chef prononce éternellement ta parole au milieu de tous les darvands (diables) convertis (1). »

(1) JEAN RAYNAUD, Encyclopédie nouvelle, v° Zoroastre.

FIN DU DEUXIÈME VOLUME

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