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paration du pouvoir civil et du pouvoir spirituel est loin d'être aussi nettement déterminée qu'en France. Je citerai, par exemple, l'Espagne, où les curés n'ont pas cessé d'être exclusivement chargés de la constatation des actes de l'état civil. Dans le grand-duché de Toscane, un arrêté grand-ducal, en date de 1854, a enlevé cette attribution aux magistrats pour la restituer au clergé. Personne n'ignore que les mariages mixtes sont une source de persécutions et de troubles en Russie, en Pologne, en Prusse, dans un grand nombre d'États de l'Allemagne et de la Suisse, en Autriche depuis le Concordat. En Espagne et dans une grande partie de l'Italie, ils sont impossibles. Pour comprendre l'importance capitale de cette question, il suffit de penser que certains ministres du culte refusent péremptoirement de bénir l'union de deux personnes dont l'une n'appartient pas à leur communion, et que d'autres mettent pour condition à de pareils mariages, que les enfants seront élevés dans leur Église. Il résulte de ces exigences que l'indifférence religieuse se propage, ou que des consentements arrachés à la passion deviennent pour l'avenir une source de déchirements intérieurs. L'accaparement des enfants au profit du schisme est

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1. Vicissitudes de l'Église catholique des deux rites en Pologne et en Russie, traduit de l'allemand par un prêtre de la congrégation de l'Oratoire, et précédé d'un avant-propos par le comte de Montalembert, partie I, $ 3.

unc des persécutions les plus cruelles dont l'Église catholique ait eu à gémir en Pologne et en Russie sous le règne de l'empereur Nicolas. Ce système est ancien dans l'histoire des persécutions; et ce n'est pas sans un douloureux étonnement que l'on voit, en 1767, un ministre sceptique usurper dans de telles matières sur la puissance paternelle, et décider que le bâtard d'un juif sera nécessairement élevé dans la religion catholique, en dépit de l'opposition du père1. Croirait-on que la loi puisse troubler un homme même dans la mort? Cependant il y a des pays de l'Europe où il faut disputer pour savoir dans quel coin de terre on mettra pourrir un cadavre. C'est encore une des difficultés que le concordat autrichien vient de créer pour les quarante millions d'hommes qui appartiennent à l'empire d'Autriche, et sur lesquels il n'y a pas plus de vingt-deux millions de catholiques.

1. « Un bâtard, dit le duc de Choiseul (Lettre ministérielle du 24 juillet 1767), n'appartient pas à son père, mais à l'État, et ainsi il doit naître catholique; or, quand une fois on est catholique, on ne peut cesser de l'être. »

Dans deux circonstances récentes, l'une, en France, l'autre en Angleterre, la question de savoir si l'autorité paternelle peut être entravée dans son exercice, en ce qui touche à l'éducation religieuse, a été portée devant les tribunaux. En France, une famille catholique demandait à la cour d'Orléans de priver de la tutelle de ses enfants un père qui venait de se convertir au protestantisme. En Angleterre, une famille protestante plaidait devant la cour du banc de la reine, les 17 et 21 janvier 1857, pour soustraire la fille d'un protestant mort en Crimée à la direction de sa mère catholique. La justice, dans les deux cas, a maintenu les droits de l'autorité paternelle. Nous voilà bien loin du duc de Choiseul.

Grâce à Dieu, la loi française a tout réglé et tout prévu jusque dans les plus petits détails. Mais ce qui n'est plus dans la loi peut être resté dans les mœurs. En général, le clergé français est très-prudent et trèsréservé dans ces matières; il n'y a, pour ainsi dire,. pas d'exemples de difficultés élevées par lui dans ces dernières années au sujet des mariages mixtes. Sur un point qui, je le crois, est tout de discipline et n'intéresse pas essentiellement le dogme, notre clergé se montre assez difficile, et, tandis qu'on marie journellement un protestant à une catholique sans rien exiger du protestant, on exige d'un homme élevé dans la religion catholique, mais qui se déclare incrédule, la formalité de la confession auriculaire. J'avoue que le sacrement de la pénitence n'étant constitué que par l'absolution reçue à la suite de la confession, une simple confession sans absolution n'est pas une profanation du sacrement, un sacrilége proprement dit; mais le mariage n'est-il pas aussi un sacrement? Si la bénédiction nuptiale est donnée seulement à la femme, pourquoi exiger la confession du mari? Et si elle est donnée en même temps au mari, il reçoit donc un sacrement sans être en état de grâce, sans croire à l'efficacité du sacrement qu'il reçoit, à la mission du prêtre qui le lui confère et à la divinité de la religion qui l'a institué? Certes, puisque la bénédiction religieuse n'entraîne aucune conséquence civile, l'Église a le droit

rigoureux d'imposer ses conditions à ceux qui la lui demandent. Il y a pourtant une différence qu'elle devrait reconnaître entre l'acceptation de la bénédiction nuptiale, qui peut être considérée comme donnée seulement à la femme, et la confession auriculaire, qui est, en apparence du moins, un acte d'adhésion formelle et personnelle. Un très-grand nombre d'hommes se prêtent à cette formalité tout en persistant dans leur incrédulité. Est-ce un bien? Est-ce un mal? A mes yeux, c'est un mal; car c'est une hypocrisie, et cette hypocrisie, fréquemment répétée, tend à détruire le sentiment religieux, en faisant considérer les professions de foi comme des actes indifférents. Voilà un exemple entre mille des difficultés qui naissent de l'opposition établie entre les lois et les mœurs, entre les lois civiles et les institutions religieuses.

L'Église catholique n'a pas toujours pratiqué la même politique en France, quant à l'administration des sacrements; et, sans remonter très-haut, on trouve un exemple mémorable de ces revirements dans l'histoire du protestantisme sous Louis XIV et Louis XV. Le clergé de 1685, qui dirigea la conscience de Louis XIV à l'époque des dragonnades et de la révocation de l'édit de Nantes, demandait que l'on contraignît les nouveaux convertis à se conduire extérieurement en bons catholiques, à envoyer leurs enfants aux instructions, à assister eux-mêmes

aux offices, et à recevoir les sacrements de l'Église1.

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Il croyait, dit Malesherbes, que si un faux converti commettait un sacrilége en recevant indignement nos sacrements, celui qui les lui administrait n'en était pas responsable, et qu'au contraire il était avantageux pour la religion catholique d'engager les hérétiques à lui rendre cette espèce d'hommage. » Une preuve sans réplique que telle était l'opinion du clergé, c'est la déclaration du 29 avril 1686, par laquelle il fut ordonné que quand un nouveau converti, malade, aurait refusé au curé de recevoir les sacrements de l'Église, il serait condamné aux galères s'il recouvrait la santé ; et que s'il mourait, sa mémoire serait flétrie, son cadavre jeté à la voirie et ses biens confisqués. Il est bien évident que le prétendu converti qui, à l'article de la mort, marque de la répugnance pour les sacrements de l'Église, en est indigne. C'est donc le sacrilége que cette loi ordonne. Et cette loi a été renouvelée en 1715 et 1724, parce que le système qui était celui du clergé sous Louis XIV, a été celui des ministres et des magistrats sous Louis XV. Le cardinal de Noailles fut le premier qui éprouva des scrupules sur cette participation des faux convertis aux sacrements de

1. Mémoire sur le mariage des protestants, fait en 1785, par Malesherbes, p. 8 et 9.

2. 8 mars 1715 et 14 mai 1724.

3. Malesherbes, Mémoire, etc., p. 10.

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