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rières où ils s'étaient cachés 1. » Voilà ce que le premier président du Parlement disait en face à Henri II, comme pour l'exhorter au carnage.

C'est qu'il faut bien le dire, messieurs, à cette époque de l'histoire, l'intolérance et même la persécution étaient populaires. N'est-ce pas sous François II que le peuple des villes inventa de placer des statues de saints au coin des rues, de les entourer de cierges, de disposer au-dessous un tronc pour recevoir les offrandes, et d'aposter près de ces chapelles improvisées des valets et des porteurs d'eau qui chantaient des cantiques, parodiaient les cérémonies de l'Église, et obligeaient les passants à payer, à saluer, à chanter, sous peine d'être déclarés protestants, traînés dans le ruisseau, roués de coups, jetés en prison, quelquefois même assassinés? Traqués par le peuple et par le pouvoir, les religionnaires prenaient la fuite; ils quittaient Paris, devenu pour eux inhabitable, abandonnant leurs maisons et leurs affaires; mais alors on vendait leurs biens à l'encan. « Tout Paris retentissait de la voix des huissiers, qui proclamaient des meubles ou appelaient à ban des fugitifs. On ne voyait partout que des écriteaux sur des maisons vacantes, où étaient restés encore dans quelques-unes de jeunes enfants que la faiblesse de leur åge n'avait pas permis aux pères et aux mères d'em

1. De Thou, liv. XXII.

mener avec eux, et qui remplissaient les rues et les places de leurs cris et de leurs gémissements, spectacle qui tirait des larmes des yeux même des ennemis les plus déclarés des protestants1. »

Je ne veux pas parler des vengeances qui suivirent la conspiration d'Amboise, de ces protestants pendus aux créneaux ou noyés, pour ne pas faire couler trop de sang sous les yeux du peuple, ou suppliciés durant le jour sans qu'on sût leur nom. La Loire était couverte de cadavres, le sang ruisselait dans les rues, les places étaient remplies de corps attachés à des potences. » Le massacre de Vassy signala les commencements du règne de Charles IX. La même année le parlement de Paris rendit un arrêt qui fut lu en chaire tous les dimanches, et qui ordonnait à tous les catholiques de courir sus aux protestants. On les traita, dit un historien, comme des chiens enragés. Vous vous demandez, messieurs, ce que faisaient les protestants? Les protestants se

1. De Thou, liv. XXIII.

2. De Thou, liv. XXIV. Les protestants prirent les armes dans plusieurs villes; mais ils furent massacrés. Maugiron se signala à Valence et à Montélimart. Il promit amnistie si on mettait bas les armes; on le crut: alors il livra la ville au pillage. « Truchon, magistrat prudent et modéré, dit de Thou (liv. XXV), fut d'avis de faire une prompte justice des plus coupables, afin d'ôter à Maugiron et à ceux de sa sorte toute occasion de piller.... Deux ministres furent condamnés au dernier supplice comme chefs de la sédition et de la révolte, ainsi que marquait l'inscription qu'on leur mit sur la tête. Le conseiller Laubespin fut d'avis qu'ils eussent un linge sur la bouche, afin qu'ils ne pussent haranguer le peuple.... »

vengeaient. On n'était plus aux temps de la primitive Église, où toute une légion déposait les armes et se laissait égorger par obéissance aux lois de César. Le fanatisme changeait la France en champ de bataille. Je voudrais ne pas entendre le glas funèbre de la nuit du 24 août 1572. Je voudrais ne pas même prononcer le nom de cette nuit fatale. Savez-vous, messieurs, ce qu'il y a de plus navrant dans les souvenirs de la Saint-Barthélemy? Ce n'est ni la trahison ni le massacre, ni les rues jonchées de cadavres, ni le roi tirant sur son peuple; c'est le peuple imbécile criant au miracle et se croyant approuvé par le ciel, parce qu'après ces trois jours de meurtre l'aubépine du marché des Innocents se couvre de fleurs; c'est la reine Catherine allant aux flambeaux faire la visite de ses cadavres; c'est le parlement de Paris adressant au roi des actions de grâces, faisant porter à son audience, sur une claie, le cadavre de Coligny, et l'envoyant pendre avec des chaînes au gibet de Montfaucon, comme pour donner au parjure et à l'assassinat une consécration légale.

Tous ces règnes des derniers Valois sont pleins de guerres civiles, et toujours les haines religieuses pour cause ou pour prétexte. Voulez-vous que j'apporte aussi des exécutions juridiques? La liste en est longue depuis Louis Berquin et Anne du Bourg, et parmi les premiers et les plus célèbres. Voici d'abord, à Genève, un protestant, Michel Servet, con

damné au feu, comme hérétique, par Calvin. Michel Servet avait publié son livre en France; le cardinal de Tournon ordonna des poursuites contre lui; menacé de mort par les catholiques, Servet se réfugia à Genève, où il ne trouva que le bûcher. Le 17 février 1600, à l'aurore du xvII° siècle, c'est Giordano Bruno que l'inquisition fait brûler à Rome sur le champ de Flore. Le cardinal Bellarmin, une des lumières de l'Église, avait figuré au procès comme un des juges de la foi. Vingt ans après, le bûcher s'allume pour Lucilio Vanini; mais cette fois c'est en France, et par arrêt du parlement de Toulouse, qu'un philosophe est publiquement condamné pour le crime d'avoir pensé sur la nature de Dieu autrement que ses juges. Descartes vivait alors; Bacon avait publié son Novum Organum, Corneille avait treize ans; nous entrions dans le grand siècle de notre littérature.

A coup sûr, messieurs, quand Louis XIV monte sur le trône, nous sommes bien loin de la barbarie du moyen âge, l'esprit humain est bien en possession de lui-même. C'est l'époque des plus parfaits écrivains, des artistes les plus accomplis, des mœurs les plus raffinées, de la société la plus élégante. La France, à ce moment-là, est partagée entre deux croyances; l'une souveraine, et l'autre seulement tolérée, mais tolérée en vertu d'un pacte solennel. Les

protestants, grâce à l'édit de Nantes, jouissent de tous les droits de citoyens; ils peuvent aspirer à tous les emplois; ils ont des villes où leur culte se célèbre sans entraves, des chambres mixtes dans les parlements, où leurs affaires sont examinées par des juges qui appartiennent à leur croyance. Cette paix aurait pu être durable, même dans un pays où les fils des victimes de la Saint-Barthélemy coudoyaient à chaque pas les fils des ligueurs, si l'on avait eu dans le cœur des sentiments véritablement chrétiens. Mais le feu des haines religieuses n'était que comprimé sans être éteint. Les hommes d'État et les fanatiques aspiraient avec nne égale ardeur au renversement de l'édit de Nantes. Henri IV, disaient les politiques, a organisé le parti protestant comme parti, non comme religion, il a constitué un État dans l'État; cette égalité armée de deux religions en présence l'une de l'autre ressemble plutôt à une trêve qu'à la paix. Ces raisons n'étaient pas sans force. L'intolérance de son côté ne songeait pas à la politique, ou elle n'y songeait qu'en sous-ordre, pour trouver des auxiliaires dans les hommes d'État; elle avait ses arguments à elle; elle combattait pour sa propre main. Qu'était-ce à ses yeux qu'un huguenot, sinon un homme obstiné dans l'erreur, et qu'il fallait contraindre à rentrer dans le bon chemin, s'il n'écoutait pas les raisons et refusait de se laisser convaincre? Et qu'était-ce qu'un ministre huguenot, sinon l'apôtre d'une erreur mor

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