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I ø système de la nature le prouve, selon lui, dans son ensemble, tandis qu'il ne le pourrait faire dans ses details. Après avoir refuté plusieurs demonstrations de l'existence de Dieu, il pretend la faire reposer sur la loi d'economie, en vertu de laquelle la nature emploie toujours, pour atteindre son but, la moindre quantite de force, ce qui exclut l'idée du hasard; supposition fausse, dont la consequence n est pas necessaire.

Maupertuis, du reste, ciait tres-ioin de la vivacité avec laquelle Voltaire exposa les nouvelles theories, en marchant sur ses traces; aussi est-ce à ce dernier que l'on attribua le mérite d'avoir fait connaître le premier ie philosophe anglais. Mais tandis que Newton admirait le Createur dans ses œuvres, Voltare, homme de lutte, faisant arme de tout, partit de l'attraction pour declarer qu'un Dieu etait superilu, ou pour le considérer comme identique avec le monde, et pour supposer la matière eternelle, capable de penser et de vouloir. Il fouilla de même dans les reeits des missionnaires pour parler de la Chine et de l'Inde; il voulut montrer dans la première le type d'une societe bien ordonnee, et une chronologie qui démentit la Bible; dans les poetes indieus, une morale plus pure que celle de Moise et antérieure à sa loi, une serie de siècles écoulés avant l'époque adamite : choses qu'il débitait avec d'autant plus de confiance qu'elles etaient moins generalement connues.

Buffon ne nie pas Dieu; mais il place son trône dans des profondeurs infinies. Cette nature, « système de lois établies par le Createur pour l'existence des choses et pour la succession des ètres,» lui semblait se reveler assez par les deux phénomènes de la conservation et de la reproduction. Après avoir à peu près réduit les lois générales et necessaires à ces deux-là, il laisse Dien « exercer, du sein de son repos, les deux pouvoirs extremes de créer et de détruire, tandis que l'homme reste sous la main de la nature, dans laquelle consiste le bien et la convenance, à la condition que l'homme y concoure et s'y coordonne, en réagissant contre l'excès des forces motrices. » On conçoit combien dut plaire un roman qui substituait au bras de Dieu le

indiscret d'une planète, pour créer ce bel ordre du monde. 16 1793.) Bailly adopta la partie la plus faible de Buffon,

c'est-à-dire les hypothèses, le refroidissement progressif de la terre, la température élevée des pays septentrionaux; et pour rivaliser avec Voltaire, qui faisait dériver toute sagesse des brahmines, il alla en chercher l'origine dans une Atlantide, où l'homme se serait élevé de la condition de brute à l'état d'être raisonnable; puis, dispersé sur la terre lorsque cette île fut engloutie, il aurait porté sur tous les points du globe quelques parcelles des connaissances primitives.

(1753-1820.) Volney lança des blasphèmes lyriques du fond des ruines de l'Orient, qu'il interrogea pour y chercher ce « juste équilibre de force et de sensibilité qui constitue la sagesse; » et il leur demanda des témoignages d'une antiquité en opposition avec les traditions bibliques.

(1742-1809.) Dupuis crut « qu'il ne suffit pas d'analyser les fables sacrées, mais qu'il faut examiner le culte en lui-même. Le mal que les religions ont fait à la terre est infini; une histoire philosophique des cultes et des cérémonies religieuses, du pouvoir sacerdotal sur les différentes sociétés, serait le tableau le plus épouvantable que l'homme pût avoir de ses malheurs et de son délire. » En conséquence, il fait un pêle-mêle de l'astronomie et de l'érudition, pour rechercher l'origine des cultes dans les phases des astres, converties en légendes de héros. En conséquence, l'Ancien et le Nouveau Testament ne sont pour lui que des légendes calendaires, la religion qu'une imposture; et il en conclut que « l'homme, pour prendre son rang naturel, devrait se placer dans la classe des animaux, aux besoins desquels la nature pourvoit par des lois généreuses et invariables. » Laissezle aller, et bientôt il condamnera Robespierre, parce qu'il « voulut un Être suprême et des autels; parce que, dans ses derniers discours, il déclama contre la philosophie, et sentit le besoin de se rattacher à une religion 1. »

(1757-1808.) Le médecin Cabanis, tout occupé de lever les barrières qui séparent la médecine de la philosophie, prétendit réunir et confondre l'ordre matériel et l'ordre spirituel, expliquer l'imagination et l'esprit sans Dieu, et, dans les Rapports du

1 Abrégé de l'origine de tous les cultes, c. 10.

physique et du moral, il montre que le tempérament, les maladies, la nourriture, décident de la vertu, du génie, ou de leurs contraires.

Bien d'autres cimentèrent cette alliance des lettres avec les sciences pour combattre la Divinité. Paris voulait des divertissements, de la variété, des sujets de conversation, et en même temps de la culture intellectuelle, mais à condition de l'acquérir à peu de frais. Les questions abstraites relatives à la nature de l'homme, aux mystères de la vie et du monde, réclament du temps, du sérieux, de la conscience. Les grands écrivains du siècle précédent, comme Pascal, Malebranche, Descartes, Huet, semblèrent des pédants tout hérissés de latin, qu'il fallait laisser au rebut comme les costumes de leur siècle. On voulait une philosophie commode qui expliquât tout, qui réunît tout, et qui n'exigeât aucun travail.

Condillac satisfit à ce besoin; et en adoptant la doctrine de Locke, qu'il appauvrit, il réduisit toute la philosophie à la sensation. Se rappeler, imaginer, c'est sentir. Galilée vit que la terre tournait; Kepler vit l'harmonie des astres. La métaphysique, dont l'ambition est de découvrir la nature des êtres qui échappent à nos sens, est une folie; toucher, voir, expérimenter, voilà en quoi consiste la philosophie. Condillac n'admet pas seulement que les connaissances s'acquièrent uniquement à l'aide des sens; il rejette aussi cette faible part que Locke avait faite à la spiritualité, en nommant l'attention. Locke avait supposé une table rase; Condillac ennoblit l'idée anglaise, et il en fait une statue on lui présente une rose, elle en sent l'odeur, elle l'aperçoit, puis elle se rappelle cette impression, la désire de nouveau, distingue cette impression, se plaint d'en être privée, et connaît la succession, le temps, le possible, l'impossible. Du parfum d'une rose, voilà que notre statue arrive aux théorèmes de l'astronomie.

C'était là un joli petit roman pour faire comprendre la succession des idées à une infante d'Espagne ou à quelque femmelette, qui ne réfléchit pas que, pour sentir, cette statue devait avoir certaine chose que n'ont pas les statues; qu'il l'appelle ame ou esprit, il faudrait que notre philosophe nous l'expli

quât. Il est étrange que cette plaisanterie ait été prise au sérieux, et soit devenue le fondement de toute la métaphysique du siècle passé. Mais Condillac a pour lui toutes les apparences de la méthode; et avec d'autant plus de clarté qu'il est moins profond, il réduit la science de la pensée à l'état de connaissance vulgaire, en la dégageant de ce qu'elle avait d'élevé. Triste philosophie qui se croyait complète et dispensée d'études, et qui semblait grandir ses disciples alors qu'elle rabaissait la science! Tout le monde s'enorgueillit de pouvoir philosopher à si bon marché; et, la curiosité satisfaite, on contesta au génie et au temps la possibilité de faire un pas de plus.

Voltaire avait le secret de tout rendre intelligible; tout sortait de ses mains façonné, embelli, et le monde en extase lui faisait un mérite de ces métamorphoses. Mais lui se plaisait à rire de ses prosélytes, de l'esprit de Montesquieu, de la géologie de Maupertuis, de la chimie de Lavoisier, et de l'emphase des novateurs littéraires. Il trouve Rousseau bien insolent d'avoir osé proclamer l'égalité des hommes, ce qui est, à ses yeux, l'orgueil d'un fou 1. Ce n'est qu'à lui-même que son encens s'adresse; et il va jusqu'à demander naïvement: Croyez-vous que le Christ eût plus d'esprit que moi?

C'est ainsi qu'il distribuait la gloire et les injures. Dégoûté de Paris, dégoûté de Frédéric qu'il avait quitté après maints orages, Voltaire se réfugia sur le lac de Genève, allant de Ferney aux Délices, alternant ainsi entre la Suisse et la France. Il s'aperçut alors que sa puissance pouvait se passer d'appui, et déclara une guerre sans merci aux rois comme aux prêtres, aux lois et aux cultes, aux préjugés funestes comme aux vérités nécessaires. Dans sa correspondance avec d'Alembert, il attaque surtout la religion comme une conjuration de soixante siècles contre la liberté et le bon sens, pouvant à peine être de quelque utilité pour la vile multitude. Lorsque sa force vint à décliner avec les années, la Bible et ses ennemis firent tous les frais de ses derniers ouvrages. Derrière tout champion vigoureux, vient une tourbe d'imitateurs qui, ne pouvant le surpasser, l'exagèrent.

1 Lettres au duc de Richelieu, du 15 février 1774 et du 11 juin 1770.

Un baron allemand d'Holbach, établi à Paris, esprit trèsmédiocre, qui écrivait au hasard et déraisonnait de propos délibéré, donnait des soupers, chaque semaine, où l'on faisait une guerre ouverte à Dieu et aux autres préjugés. On y proposait les réformes sociales les plus hardies qui aient pu venir à l'esprit des révolutionnaires, dans aucun pays. D'Holbach est l'auteur du Système de la nature, quoique, selon l'usage introduit par Voltaire de mettre ses ouvrages sous des noms supposés, celui-ci eût été attribué à un certain Mirabaud, obscur traducteur du Tasse, qui s'écriait un jour, dit-on : Je suis le bienfaiteur du genre humain, puisque je le délivre de Dieu. C'était en réalité l'œuvre collective des convives habituels de d'Holbach, qui, échauffés par les joyeux soupers de leur hôte, se proposèrent de ne rien laisser debout au ciel, sur la terre, ni dans le cœur humain : l'âme, le corps, l'amour paternel, la gratitude, la conscience, furent pulvérisés, ruinés, honnis.

(1704-1771.) Le marquis d'Argens, grand ami de Frédéric, qui lui donna la présidence de la section des belles-lettres dans l'Académie de Berlin, imita Voltaire et Montesquieu dans ses Lettres chinoises, juives et cabalistiques; puis, avec cette érudition facile qui séduisait alors, il sapa les croyances dans la Philosophie du bon sens, ainsi que dans les Réflexions philosophiques sur l'incertitude des connaissances humaines, où il ne conserve qu'aux mathématiques un caractère positif, et où il se déchaîne contre les dogmatiques.

́(1670-1733.) L'Anglais Mandeville, observateur sagace et triste, avait fait, avec de l'esprit, la satire de la société, en mettant en relief ces absurdités qui frappent tout homme de bon sens quand elles sont isolées des circonstances qui les environnent. Dans son ouvrage intitulé les Vices privés font la fortune publique, il représente l'immoralité comme la cause déterminante de la prospérité d'une nation. La morale n'est, selon lui, qu'un artifice du législateur, et la société ne subsiste que par l'égoïsme, l'astuce, l'envie. Il fait ensuite le tableau d'une république d'abeilles, qui, d'heureuse qu'elle était, se trouve bouleversée dès que Jupiter lui a accordé la vertu. En conséquence, la bienveillance n'est qu'imbécillité; c'est une folie que d'ou

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