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siége sacré. La sérieuse Allemagne n'y aperçut que le complément de la réforme religieuse en conséquence, les journaux se mirent à disséquer cette doctrine et à la propager, de telle sorte qu'elle parvint à pénétrer dans les masses.

Le scepticisme railleur se répandit en Allemagne; on y voyait les bustes de Voltaire et de Rousseau dans les cabinets des électeurs ecclésiastiques et des chanoines à seize quartiers. Wieland, avec son incrédulité moqueuse et son épicuréisme placide, y devint l'auteur à la mode. Lessing ne voyait dans les différentes religions qu'un progrès de l'esprit humain, et penchait vers Spinosa. Nicolaï et beaucoup d'autres proclamaient l'irréligion et le goût français.

Les Illuminés, société secrète fondée par Weishaupt, se donnaient pour but d'anéantir toute supériorité ecclésiastique et politique, et de rendre l'homme à l'égalité primitive, à laquelle il avait été enlevé par la religion et par les gouvernements. Weishaupt fit tant de prosélytes dans toutes les conditions, qu'il s'écria : O hommes, que ne peut-on vous faire accroire ?

Quelques écrivains firent la guerre aux philosophes, et se firent les champions de la religion à l'aide du seul raisonnement. Ainsi le Génois Bonnet, dans la Palingénésie philosophique, part du naturalisme et de la statue de Condillac pour s'élever, par induction, jusqu'au monde transcendental. Des maux et des désordres de cette vie, il conclut à un monde supérieur. Le Suédois Linné parle de la Divinité avec un respect qui alors était du courage; et dans ses travaux il saisit toutes les occasions de mettre en relief les œuvres admirables de Dieu. Le médecin suisse Haller s'inspire aussi du sentiment de la Divinité. Reimar prouve, dans les Vérités fondamentales de la religion naturelle, mises à la portée du peuple, que Dieu existe, attendu qu'il faut nécessairement admettre que l'homme et les animaux furent créés par une intelligence supérieure, et parce que la nature inanimée tend constamment à un but général. Le juif allemand Mendelssohn établit l'immortalité de l'âme dans son Phédon, et l'existence de Dieu dans ses Heures matinales. Lamberti, Haman, Jacobi combattent tous le matérialisme; Novalis considère la nature comme une révélation des harmonies

divines, une sympathie entre l'homme et toute la création. Kant prétend affermir et diriger la science, et la mettre en accord avec le bien général, en ce qui touche à la connaissance transcendentale, la vie, et l'homme. Quoiqu'il protestât de son respect pour l'expérience et la foi, il dévia de la vérité. Klopstock sut, dans sa Messiade, s'inspirer de l'Évangile; Jean Müller, dans l'histoire, reconnaissait la main de Dieu, et admirait l'œuvre civilisatrice des pontifes romains.

Cependant le besoin de croire à la morale, à la vertu, à ce que les matérialistes appelaient des illusions, se faisait sentir, même à plus d'un d'entre ceux qui s'enivraient des idées nouvelles; c'est ce qui fit que la réaction de Jean-Jacques Rousseau produisit tant d'effet. Il révéla lui-même dans ses Confessions ses vices et ses faiblesses: se prenant lui-même pour type moral de l'humanité, il entreprend la justification systématique des plus tristes égarements. Il a beau se peindre envieux, égoïste, orgueilleux, nous sommes portés à croire bon celui qui déclame contre les méchants 1.

Rousseau commença à écrire selon le goût du temps, que Diderot lui avait enseigné. Il soutint, pour son début, cette thèse, que le progrès de la nature intellectuelle corrompt les mœurs. C'est l'œuvre d'une âme indignée de l'outre-cuidance des gens de lettres, du despotisme des académies, du dédain qui l'accueillit lorsqu'il était copiste ou apprenti horloger, lorsqu'il arrivait à Paris avec deux découvertes, l'une pour voler dans l'air, l'autre pour copier la musique avec plus de facilité. Il y flagelle les écrits immoraux et obscènes, non moins que les ouvrages impies; mais, en maudissant les lettres, il maudit le siècle, comme si les torts du siècle provenaient de la culture de l'esprit. Dans l'Origine de l'inégalité parmi les hommes, il fit la guerre à toutes les institutions sociales, et cria au siècle

* C'est ce qu'il déclare avec emphase dès son début : « Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra... Être éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables ; qu'ils écontent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères... et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : Je fus meilleur que cet homme-là ! »

enivré de sa propre perfection : « Un sauvage, un Caraïbe qui écrase la tête de ses enfants pour les rendre imbéciles, est plus sage et plus heureux que vous. » Il n'entend pas seulement divorcer avec la société, mais encore avec l'intelligence. C'est le délire orgueilleux d'une sensibilité irritée : il prend pour la civilisation de l'humanité la corruption de la France; il s'indigne contre les richesses qu'il ne possède pas, et n'oublie plus une injure une fois qu'il l'a reçue. A ce sujet, Voltaire lui adressait des félicitations ironiques: En vous lisant, disait-il, il prend envie de marcher à quatre pattes.

Reconnaissant néanmoins qu'il ne suffisait pas de démolir, le philosophe de Genève répudia le sensualisme, et s'efforça de substituer à l'esprit raisonneur le sentiment religieux. Au lieu de l'épicurisme égoïste de son temps, il voulut corriger la morale et changer l'ordre politique, simplifier la vie domestique, raffiner l'éducation; il revêtit la philosophie de ce qu'on lui enlevait, c'est-à-dire d'éloquence et de sentiment, ce qui lui gagna les femmes et ceux qui abhorraient l'athéisme. Rousseau a très-peu de théories; mais il les répète sous cent formes diverses, et leur donne ainsi de la force: esprit, faux, armé de connaissances incomplètes, il a moins de science que les encyclopédistes, et sa profondeur n'est que dans les mots. Son style, attrayant par le ton impérieux et par les axiomes tranchants, tourne à l'emphase et à la recherche. Vrai parfois, il n'est jamais simple, et laisse apercevoir que l'expression ne naît pas en même temps que la pensée. Dans un temps où s'abandonner à son cœur passait pour une faiblesse, où les romans n'étaient remplis que des égarements sensuels, la Nouvelle Héloïse dut produire un effet immense. H y peignit la nature morale, substitua l'étude du cœur à l'intrigue à la mode, et préluda aux romans intimes de notre siècle. A la vérité, l'exemple n'était pas d'un heureux choix : Saint-Preux est un pédant; Julie dit ce que les autres ont éprouvé sans le dire; elle analyse ses sentiments, calcule chaque progrès de sa passion, décrit les impressions qu'elle excite et celles qu'elle ressent: véritable spiritualisme du libertinage, auquel on ne peut se livrer sans enlever à la femme le charme divin de la pudeur, l'ignorance d'elle

même, son abandon involontaire, en un mot, ce qui fait sa puissance et sa grâce.

Au milieu de vérités qu'il gâte, Rousseau représente le mouvement du peuple vers l'avenir. Peut-être vit-il seu qu'une grande catastrophe était imminente, et qu'il n'était possible d'en prévenir les effets qu'en revenant à l'ancien culte, en sauvant la morale du naufrage où périssait le dogme.

Tel est le but de son Emile; telle est la pensée du Contrat social.

Le vide des doctrines philosophiques apparut toutes les fois qu'elles furent appliquées aux faits, et que l'on voulut fournir, à l'aide d'abstractions, une morale aux individus ou aux nations. Les rapports internationaux avaient été réglés au moyen âge par un droit supérieur; mais lorsqu'il fut tombé, il fallut chercher d'autres bases; et l'on inventa des systèmes tantôt vains, tantôt funestes, tous déduits du sujet, mais non de la vérité éternelle, et où l'on prenait la société non pour moyen, mais pour fin.

L'époque qui suivit le traité de Westphalie peut être désignée comme le point de départ du droit international en tête des écrivains qui en ont traité, on voit Fénelon, et à sa suite Puffendorf, Leibniz, Spinosa, Zonck, Jenckins, Selden, Samuel Rachel, qui proposèrent des systèmes dans le but de maintenir l'équilibre entre les puissances.

Avec le traité d'Utrecht commença la seconde époque, où le droit des gens, fondé par Grotius sur les exemples anciens, devint rationnel, ou, comme on disait alors, philosophique, et se confondit avec le droit naturel. Ceux qui avaient dans le droit romain la même foi que les théologiens dans la Bible, y adaptèrent de leur mieux les idées de perfectibilité humaine et d'association universelle.

De même que Grotius, Puffendorf et Barbeyrac, le Genevois Burlamachi (1694-1748) sortit du giron de la religion réformée, pour compléter cette jurisprudence de la république humaine. Dans son traité Du droit politique et des gens, ainsi que dans les Principes du droit naturel, qui furent publiés après sa mort, il résume en langue vulgaire, refond et expose clairement les

doctrines de ses trois prédécesseurs. Protestant, il fait toujours dériver le bonheur de l'homme de la loi positive, et non de la vérité éternelle; et il pose pour règle, non pas la volonté générale, mais celle de chaque individu.

Si un seul homme refuse son consentement à une loi acceptée par tout le genre humain, il n'y est pas obligé. Dans l'impossibilité d'obtenir cette unanimité de tous les contractants, les institutions humaines ne doivent jamais être réformées, toute innovation est illégitime, quelque nécessaire qu'elle soit; tandis qu'il n'est pas d'iniquité ni d'usurpation qui ne puisse se légitimer par quelque convention tacite.

Cette origine humaine efface le droit divin, mais elle supprime aussi le droit populaire; il n'y a plus de liberté nécessaire que la liberté individuelle: de là cette admiration générale, dans le dix-huitième siècle, pour la constitution anglaise.

Pendant que l'école de Puffendorf considérait la science du droit international comme une branche de la philosophie morale, c'est-à-dire comme le droit naturel des individus appliqué aux sociétés, aux États, Wolf donna, dans son Jus naturæ (16791764), le premier traité systématique du droit isolé de la morale et des autres sciences. Grotius regardait le droit des gens comme d'institution positive, et fondait l'obligation sur le consentement général des nations; Wolf, au contraire, y voit une loi imposée par la nature aux hommes, comme conséquence nécessaire de leur union sociale, et à laquelle aucune nation ne peut refuser son assentiment. Grotius confond ce droit des gens volontaire avec le droit coutumier; Wolf soutient que le premier est obligatoire pour toutes les nations, et que le second ne l'est que par l'effet du temps et le consentement tacite.

Son ouvrage volumineux, hérissé de formules scientifiques, est difficile à lire; mais on peut le retrouver dans le Droit des gens, ou Principe de la loi naturelle appliquée à la conduite des nations et des souverains, par Vattel (1714-1767); ouvrage qui a réussi, grâce à un style assez clair et à des conclusions libérales. Il considère le droit des gens dans son origine comme le droit naturel appliqué aux nations, mais modifié par la différence qui existe entre les nations et les individus. Une partie

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