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Le roi refusa, et la guerre entre les ministres et les parlemens fut de nouveau allumée.

On se combattit à coups d'arrêt, à coups d'arrêtés; le parlement contesta au roi le droit d'user de lettres-de-cachet: ces querelles, que le public partageait avec chaleur, durèrent jusqu'à la fin de l'année et se continuèrent pendant la suivante. Le 4 janvier 1788, le parlement rendit contre l'émission des lettres-de-cachet un arrêt que le roi cassa treize jours après.

La lutte dont Paris était le théâtre se reproduisait dans les provinces. Les parlemens de Toulouse, de Rennes, de Metz, de Bordeaux, de Grenoble, entravaient, par leurs arrêtés, la marche administrative. A Paris, on demandait la démolition de la Bastille et la liberté des deux conseillers.

A cette guerre sourde succédèrent quelques mois de calme; les ministres semblèrent se relâcher de leur rigueur; on avait rappelé le duc d'Orléans de son exil, et les deux conseillers Sabatier et Fréteau, mis en liberté, eurent la permission de se rendre dans leurs terres. Le gouvernement publia son compte des finances; le garde-des-sceaux Lamoignon demanda qu'il fût formé dans le parlement un comité qui pût concourir avec lui à la discussion des nouvelles lois; et le parlement, après bien des lenteurs, enregistra l'édit sur l'état des protestans. Tout présageait un concert de volontés dans les différens pouvoirs et l'oubli des troubles passés.

Cependant les ministres, n'oubliant pas la résistance qu'ils avaient éprouvée dans leurs entreprises, préparaient dans le plus profond mystère les moyens de se débarrasser des parlemens. Sans égard à l'extrême fermentation des esprits, sans connaître leur propre faiblesse, sans calculer les résistances ni prévoir les résultats, enfin sans s'apercevoir qu'en faisant la guerre aux parlemens, ils faisaient la guerre à l'opinion publique, guerre toujours funeste à ceux qui l'entreprennent : ils jetèrent étourdiment le feu sur des matières très-inflammables, allumèrent un incendie qu'ils ne purent éteindre, et qui les dévora.

Des mesures préliminaires et indispensables à l'exécution du mystérieux projet des ministres venaient d'être prises. Tous les commandans, tous les intendans de provinces avaient reçu l'ordre de se rendre à leurs postes, d'y attendre les instructions qui leur seraient adressées, et de les exécuter à la rigueur. Les lettres et les édits s'imprimaient secrètement à l'imprimerie royale de Versailles. On avait remarqué que les portes et les fenêtres en étaient gardées par des sentinelles; que les ouvriers mangeaient, couchaient dans cette imprimerie, et ne pouvaient en sortir; de plus le bruit de la tenue prochaine d'un lit de justice circulait dans les salons. Ces indices suffisaient pour inspirer des soupçons et des craintes aux membres du parlement. Un de ces membres, d'Éprémesnil, parvint à corrompre la femme d'un des ouvriers de cette impri

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merie; et son mari, corrompu par elle, prit et ploya les feuilles des lettres et édits imprimés, les enveloppa dans une poignée de terre glaise, et en forma une boule qu'il lança par la fenêtre dans la rue où elle fut recueillie par les affidés de ce conseiller. Ainsi furent dévoilés les secrets du ministère.

Possesseur de ces feuilles, d'Éprémesnil va aussitôt demander l'assemblée des Chambres, et y dénonce les projets ministériels. Les parlementaires et les pairs indignés prêtent le serment de n'autoriser aucune innovation, et de n'occuper aucune place dans une compagnie qui ne serait pas le parlement; prennent un arrêté dans lequel ils déclarent que la nation seule a le droit d'accorder les impôts par l'organe des états-généraux; déclarent en outre que les magistrats sont inamovibles, et qu'aucun citoyen ne doit être privé de sa liberté que pour être traduit devant ses juges compétens. Cet arrêté est daté du 3 mai 1788.

Les ministres, furieux d'apprendre que le parlement s'était prémuni contre leurs coups, et que leurs trames secrètes étaient divulguées, cassèrent, par un arrêt du conseil, celui du parlement, et donnèrent l'ordre d'arrêter le sieur d'Éprémesnil, ainsi que le sieur Goislard, autre conseiller qui l'avait secondé dans sa manoeuvre. Les deux magistrats, sans doute avertis, échappent déguisés aux agens du gouvernement, se retirent au Palais, y font assembler les Chambres et inviter les pairs.

Le parlement arrête qu'il prend sous sa sauvegarde les deux proscrits, qu'il sera sur-le-champ envoyé une députation au roi, et qu'il restera en séance jusqu'au retour de ses députés.

Le roi refusa de les entendre, dit qu'il voulait être obéi, et prescrivit aux deux magistrats de se rendre en prison. Nouvelle députation qui n'eut pas plus de succès; le parlement restait en séance au Palais qui se remplissait de curieux.

A minuit, trois détachemens de gardes-françaises, de gardes-suisses et de cavalerie, avec leurs sapeurs, marchèrent vers le Palais, l'investirent et en occupèrent les avenues, les corridors et les salles. Le marquis d'Agoult, chef de cette expédition nocturne, pénétra dans la grand'Chambre. Il ne put se défendre d'un sentiment de respect à la vue de cent cinquante magistrats et de dix-sept pairs de France, tous revêtus des insignes de leurs dignités. Il lut d'une voix altérée l'ordre du roi; en voici la teneur : « J'ordonne à >> M. le marquis d'Agoult de se rendre, sans délai, >> au Palais, à la tête de six compagnies de mes » gardes, de s'emparer de toutes les issues, et d'ar>> rêter dans la grand'Chambre ou partout ailleurs, >> MM. Duval d'Éprémesnil et Goislard de Mont» sabert, pour les remettre entre les mains des » officiers de la prévôté de l'hôtel, chargés de mes ordres. Signé Louis. » D'Agoult témoigna ses regrets d'avoir à exécuter une mission aussi rigoureuse, et ajouta qu'il fallait obéir aux ordres du roi.

Ensuite, plus rassuré, il répondit d'un ton de rudesse au président qui demandait du temps pour délibérer : Vos formes sont de délibérer ; mais je ne connais pas ces formes-là. Je suis chargé des ordres du roi; ils ne souffrent pas de délais ; il faut que je les exécute. Puis il somma le président de lui livrer les deux magistrats nommés dans l'ordre du roi, ou de signer son refus. Le président lui dit que, l'ordre n'étant point adressé au parlement, c'était à celui qui en était porteur à l'exécuter. Désignez-moi ces messieurs, reprit d'Agoult, je ne les connais pas. Alors d'un des coins de la salle, partit une voix qui fut répétée par tous Nous sommes tous d'Éprémesnil et Goislard; puisque vous ne les connaissez pas, emmenez-nous tous, ou choisissez.

Le parlement attendait la réponse du roi à sa seconde députation, mais les ministres avaient refusé de la recevoir. Il voulut en envoyer une troisième ; mais d'Agoult s'opposa à ce qu'elle sortît du Palais.

Ce marquis d'Agoult, ayant reçu de nouveaux ordres, rentra dans la Chambre et somma le sieur d'Éprémesnil de le suivre ; à la suite de plusieurs incidens et difficultés, il fallut céder à la force. D'Éprémesnil se nomma, se livra lui-même, et Goislard l'imita. Après avoir protesté contre la violation du sanctuaire des lois, et s'être arrachés des bras de leurs collègues éplorés, ils furent, comme prisonniers, transférés, l'un aux îles Sainte-Marguerite, et l'autre à Pierre-Encise.

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