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Le lendemain, 8 mai, le roi manda le parlement à Versailles, y tint un lit de justice, et adressa à ses membres une vive réprimande sur leur indocilité. Ensuite le garde-des-scéaux lut trois édits : l'un sur l'administration de la justice et la création des grands bailliages, l'autre sur la réduction considérable du parlement et la création d'une Cour plénière chargée de juger en dernier ressort, et composée de princes, de pairs, de grands-officiers, de prélats, de maréchaux de France, etc. Le capitaine des gardes du roi devait y avoir voix délibérative.

Ce plan de bouleversement total de la magistrature française, ces changemens hors de saison, excitèrent de toutes parts les plus vives clameurs. Le parlement, en sortant du château, tint une séance dans une auberge de Versailles, ville où il avait reçu ordre de séjourner, et y arrêta une déclaration portant « que le silence des magistrats, >> en présence de Sa Majesté, ne devait pas être re» gardé comme un acquiescement aux édits; qu'ils se regardaient comme parfaitement étrangers à » ce qui venait de se passer, et qu'ils n'accepte>> raient aucune place dans la nouvelle Cour dé» nommée plénière. »

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Ces dispositions, ces résistances courageuses aux actes du ministère se reproduisaient dans les parlemens de provinces, où les édits trouvèrent la même opposition. A Rennes, le commandant pour le roi et l'intendant furent hués, baffoués, insultés, as

saillis à coups de pierre. Après avoir défendu aux membres l'entrée du Palais, ils voulurent les empêcher de se réunir dans une maison particulière ; la noblesse prit parti pour cette Cour, et envoya une députation auprès du roi. Des émeutes violentes, et plusieurs combats singuliers entre les gentilshommes bretons et les officiers des troupes du roi, signalèrent et neutralisèrent la tentative des ministres.

A Aix en Provence, le parlement protesta contre les nouveaux édits, et refusa d'entrer en négocia– tion avec le commandant de la province.

A Grenoble, scènes plus violentes encore. La noblesse s'unit au parlement qui fait des protestations menaçantes contre les ministres. Le commandant lance des lettres-de-cachet contre chacun des membres de cette Cour, pour les envoyer en exil dans leurs terres. Aussitôt le tocsin se fait entendre; ses sons alarment les habitans de la ville, et, en peu de temps, ceux des campagnes. Tous, armés à la hâte, assiégent, escaladent, dévastent l'hôtel du commandant de la province, et le forcent à signer une capitulation qu'on lui dicte. Le parlement, dans un procès-verbal, constate que la force l'avait empêché d'obéir aux lettres-de-cachet.

De pareilles résistances se manifestèrent à Pau, à Dijon, à Besançon. Le Châtelet de Paris voulut aussi signaler son opposition; et, le 16 mai, il prit un arrêté contre les édits.

Les ministres éprouvèrent d'autres disgrâces.

Le besoin d'argent les avait portés à convoquer extraordinairement une assemblée du clergé, et à lui demander un secours d'un million huit cent mille livres. Le clergé refusa, demanda la prompte convocation des états-généraux, et fit, sur la situation des affaires publiques et sur la Cour plénière, des représentations qui offraient une censure amère des actes du gouvernement. On lui demandait de l'argent, il ne fournit que des reproches.

Les ministres frappèrent un nouveau coup en faveur de leur Cour plénière : il fut le dernier. Le 20 juin, ils décidèrent le roi à casser les arrêtés pris contre les nouveaux édits, et à exiler huit parlemens. Nouvel aliment de révolte. La noblesse de Bretagne avait envoyé ses députés à Versailles ; on les reçut avec dédain; elle envoya une seconde députation dont les douze membres furent enlevés pendant la nuit et renfermés à la Bastille. A cette nouvelle, la noblesse bretonne s'attroupe à Rennes, met en fuite l'intendant de la province, et envoie une troisième députation auprès du roi. Les ministres prévinrent son arrivée, et l'obligèrent à rester à Saint-Denis. On allait en envoyer une quatrième beaucoup plus nombreuse; mais le roi la prévint en recevant celle qui séjournait à SaintDenis, et en lui faisant des promesses.

Les nobles du Dauphiné convoquèrent, pour le 21 juillet suivant, au château de Vizille, une assemblée des états de la province. Cette convocation fut votée par les deux premiers ordres, contre l'avis

du tiers-état; et ses séances furent tenues malgré les ordres du roi.

Le ministre de Brienne, qui répétait souvent ces mots: Il n'existe point d'opinion publique en France, sentit que cette opinion prenait une force qu'il n'avait pas su prévoir. Lamoignon n'osa plus insister sur ses grands bailliages et sa Cour plénière. L'un et l'autre, depuis quelque temps déconcertés par une opposition si imposante, n'étaient plus que sur la défensive; ils se trouvèrent bientôt dans la pénible situation de ceux qui, après avoir pris une attitude impérieuse et menaçante, sont forcés de reconnaître leurs fautes et leur faiblesse.

La noblesse, le clergé, les parlemens avaient, à plusieurs reprises, demandé les états-généraux. Les ministres qui les avaient promis crurent, en les convoquant, diminuer le blâme de leur conduite, et se tirer de l'embarras où leur imprudence les avait plongés. Le 8 août 1788 parut un arrêt du Conseil qui convoque les états-généraux, en fixe l'ouverture au 1 mai 1789, et suspend, jusqu'à cette épol'établissement de la Cour plénière.

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Cependant l'emprunt demandé à l'assemblée du clergé ayant été refusé, le Trésor royal se trouvait dans un tel état d'épuisement, que le service ne pouvant se continuer, le ministre eut recours à un moyen extrême, celui de payer, pendant le reste de l'année, avec des billets portant intérêt. Cet expédient, employé par un ministre discrédité, fit craindre l'établissement d'un papier-monnaie et

une banqueroute. L'alarme se répandit dans Paris. De Brienne, désespéré et craignant une insurrection, vint pleurer auprès de la reine, et demanda que M. Necker lui fût adjoint: celui-ci refusa. De Brienne voulait être secouru dans les travaux de sa place, mais ne voulait pas y renoncer entièrement; il fallut pourtant s'y résoudre..

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Le 24 août, il consentit à donner ou plutôt à vendre sa démission qu'on lui paya fort cher. «Il >> obtint pour lui-même le chapeau de cardinal; » pour son neveu, à peine d'âge, la coadjutorerie de son archevêché de Sens, jointe à une des plus » riches abbayes de France, et pour sa nièce, une >> place de dame du palais. Il s'était composé, pen»dant son court ministère, une fortune de cinq à >> six cent mille livres de rentes sur les biens de l'Église. Il laissait un frère ministre de la

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guerre, après l'avoir fait nommer chevalier des ordres du >> roi et gouverneur de province. Les plus éclatans, » les plus heureux services n'auraient pas pu être » mieux récompensés'. »

Ainsi, au lieu d'être puni de ses fautes inexcusables, de ses actes de tyrannie sans succès, actes qui remplirent la France de troubles, et compromirent éminemment l'autorité royale, ce ministre fut comblé des bienfaits de la cour.

Le jour même de la démission de l'archevêque, Necker fut placé à la tête des finances. Son nom

Mémoires de Weber, tome I, p. 251. (Collect. de Baudouin frères.)

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