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changèrent aussi de langage ou d'attitude. Celui de Grenoble ne voulait plus d'états-généraux; il aurait éclaté contre l'ordonnance du 27 décembre, s'il n'eût été contenu par les menaces des habitans de cette ville. Celui de Besançon fit arrêter trentedeux personnes qui professaient les principes de cette ordonnance; le parlement de Rouen, ainsi que quelques autres, manifestèrent aussi leur mécontentement. Les parlemens voulaient des étatsgénéraux comme d'une arme contre les ministres; ils cessèrent d'en vouloir, et commencèrent à les craindre, dès que le gouvernement consentit à les

accorder.

Dans cet exposé, on a dû remarquer que les résistances aux volontés royales, que ces dissensions civiles, ces révoltes sanglantes, enfin ces préludes de la révolution, furent l'ouvrage des ministres, des parlemens et de la noblesse de quelques provinces, et que le tiers-état y fut étranger, ou n'y joua qu'un rôle très-secondaire. Bientôt on le verra, imitant les exemples des hautes classes, figurer au premier rang sur la scène politique. En attendant, un parti, que je ne dois pas encore désigner, préparait des scènes violentes, propres à flétrir d'avance ce tiers-état dont on redoutait les futurs succès.

En parlant des premières émeutes qui éclatèrent à Paris, on a soupçonné que des hommes soudoyés portaient le peuple à des excès auxquels il n'avait pas pensé : l'événement suivant ne laissera plus de

doute sur l'existence d'une conspiration occulte, sur ses moyens criminels et sur l'atrocité de ces agens.

Peu de jours avant l'ouverture des états-géné

raux,

le 27 avril 1789, à deux heures après-midi, des hommes attroupés parurent dans le faubourg Saint-Antoine, prononcèrent, avec injures, le nom d'un riche et respectable fabricant de papier, du sieur Réveillon, habitant dans ce faubourg un magnifique hôtel, et qui venait d'être nommé électeur à Paris. Ces hommes, portant un mannequin ou effigie de ce fabricant, se rendent à la PlaceRoyale, y prononcent une prétendue sentence du tiers-état, qui condamnait le sieur Réveillon comme coupable d'avoir dit que le prix de la journée des ouvriers devait être réduit à quinze sous, et ajoutent que ce fabricant venait, en conséquence de ces paroles, d'être chassé de son district et de l'assemblée électorale.

M. Réveillon, ainsi menacé, va promptement demander du secours auprès du lieutenant de police, et en demande sans succès à plusieurs reprises; ce ne fut qu'à dix heures du soir qu'il obtint un sergent et trente hommes des gardes-françaises, troupe qui, vu le grand nombre des assaillans, était très-insuffisante. Le lendemain l'attroupement s'accrut; une foule d'ouvriers séduits ou entraînés par force, attaque la maison de Réveillon; la garde chargée de la protéger n'oppose qu'une faible résistance et ne tire pas un seul coup de fusil.

Réveillon en danger échappe aux meurtriers, cherche un asile à la Bastille, et sa famille fugitive n'ose de plusieurs jours paraître en public. Une force armée imposante arrive enfin lorsque le mal est consommé. « Quelle négligence! s'écrie M. Ré

veillon dans sa lettre au roi, et quand le mal » est au comble, que les têtes sont exaltées et que » l'embrasement est presque général, c'est alors >> que des troupes fondent de tous côtés. >>

Écoutons M. de Besenval, alors commandant la force armée, et remarquons combien lui et M. Du Châtelet mettent de lenteur à porter des secours, et de promptitude à punir.

« Dès le lendemain, vers les dix heures du ma» tin, M. Du Châtelet arriva chez moi, et m'ap>> prit que le plus grand tumulte au faubourg Saint>> Antoine et l'apparition d'une foule de brigands, >> annonçaient de grands désordres. Nous nous >> rendimes sur-le-champ à la police, où nous sû» mes que de moment en moment le tumulte aug» mentait... Bientôt on nous apprit que l'établis» sement de Réveillon avait été pillé sous les yeux » de la garde qu'on y avait envoyée, et qui n'a» vait pas tiré un seul coup de fusil. M. Du Châ>> telet fit marcher des compagnies de grenadiers avec ordre de faire feu. On dépêchait émissaires sur émissaires pour avoir des nouvelles; ils >> tardaient beaucoup à reparaître... M. Du Châ>> telet fit marcher de nouveaux détachemens à

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T. I.

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» l'appui des grenadiers. Nous sûmes que, malgré » le feu des troupes, les brigands n'en étaient que >>> plus acharnés, quoique la partie ne fût assuré»ment pas égale; car, contre des fusils, ces mal>> heureux n'avaient que des bâtons, et pour toute >> ressource celle de monter sur les toits d'où ils >> faisaient pleuvoir des pierres et des tuiles sur les >> soldats'. »

La nuit, l'apparition de deux pièces de canon et le carnage que commanda M. Du Châtelet rétablirent le calme. Une grande quantité de personnes coupables du désordre, ou attirées par l'ardeur du pillage ou seulement par la curiosité, furent couvertes de blessures ou perdirent la vie. M. de Besenval en fait monter le nombre à quatre ou cinq cents. Le lendemain, 29 avril, le Châtelet jugea, condamna et fit pendre, sur la place de la PorteSaint-Antoine, deux pauvres ouvriers trouvés dans les caves de la maison de Réveillon.

Ce fabricant perdit tous ses meubles, toutes ses marchandises, son porte-feuille, ses glaces, son linge, son argenterie, etc.

Pour ceux qui portaient leurs regards dans l'avenir, cet événement fut la preuve de l'existence d'un parti puissant et contraire au perfectionnement qui devait s'opérer dans les institutions; ils l'envisagèrent comme le présage des tempêtes politiques

Mémoires de Besenval, tome II, page 345. (Collection de Baudouin frères.)

qui allaient assaillir la France et lutter contre sa prospérité future.

Cette émeute ne résulta point de l'indignation simultanée du peuple; elle fut préparée de longue main. Les commis des barrières s'étaient aperçus que, depuis quelques jours, il entrait dans Paris un grand nombre de gens sans aveu; la police, qui en fut avertie, n'y fit nulle attention. « On y vit >> aborder une quantité d'étrangers de tous les » pays, la plupart déguenillés, armés de grands » bâtons, et dont l'aspect effrayant suffisait pour » faire juger ce que l'on devait en craindre '. »

Quels intérêts ont amené ces brigands? Quel chef de parti était assez riche pour soudoyer environ douze cents de ces hommes? Quels agens ont dirigé leurs coups? Voulait-on exciter des crimes pour avoir occasion de déployer, en les punissant, une force imposante? Voulait-on imprimer la terreur parmi les hommes d'un rang subalterne, ou accoutumer les soldats à diriger leurs armes contre eux?

On ne peut répondre à ces questions que par des conjectures. Je ne rapporterai que celles de M. de Besenval : « L'événement du faubourg Saint-An»toine était, disait-il, l'explosion d'une mine chargée par des mains ennemies. Je la jugeai

Histoire de la révolution de 1789, par deux amis de la liberté; tome I, page 177.

2 Mémoires de Besenval, tome II, page 344. (Collect. de Baudouin frères.)

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