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Les chefs de cette conspiration aristocratique agissaient donc de concert avec le patriote Santerre et le faubourg Saint-Antoine, puisque ce commandant avait conduit les démolisseurs à Vincennes? ou bien ces chefs aristocrates dirigeaient des agens de troubles qui, à l'instar de ceux du ministère anglais, sous le prétexte des intérêts de la liberté, avaient soulevé les habitans et entraîné leur commandant. En matière de manoeuvres politiques, il ne faut s'étonner nullement de ce qui étonne les hommes en toute autre matière : ainsi l'on peut croire aux associations les plus monstrueuses, les plus incohérentes '.

Le lendemain M. de La Fayette fit afficher une relation des événemens des Tuileries, dans laquelle MM. de Duras et de Villequier, premiers gentilshommes de la chambre, qui avaient favorisé l'introduction de ces conspirateurs dans le château, furent qualifiés de chefs de la domesticité. Ces deux ducs donnèrent leur démission et ne tardèrent pas à sortir de France.

Cette affaire, et surtout son résultat affectèrent tellement le roi qu'il en fut malade pendant plusieurs jours.

« Le roi et la reine, furieux de cette insolente

i Histoire de France, par Toulongeon, tom. Ier, pag. 267, 268. Mémoires de Ferrières, tom. II, pag. 234 et suiv. Précis historique de la révolution, par Rabaut, pag. 367. Révolu– tions de Paris, par Prudhomme, tom. VII, no 86, pag. 365, 366, 495. Notes manuscrites, etc.

» bravade, se tournèrent du côté de Mirabeau, >> espérant qu'il serait moins exigeant et qu'il abu>> serait moins des circonstances. Laporte, in» tendant de la liste civile, fut chargé de le » sonder '. ».

Laporte fait sa proposition : Mirabeau ne la rejette point; parle de l'Assemblée nationale, des partis qui la divisent, et ne voit partout que des intrigans. Il n'y voit nulle part le patriotisme pur, l'amour désintéressé de la liberté publique, qui cependant abondaient dans cette Assemblée; mais Mirabeau ne croyait point à la probité.

Il passe ensuite à la position du roi. «< Elle est » d'autant plus critique, dit-il, que ce prince est >> trahi par les trois cinquièmes des personnes qui >> l'approchent. Cette position exige de la dissimu>> lation; non pas de celle à laquelle on accoutume » les princes, mais de la dissimulation en grand » qui ôte toute prise aux malveillans, et acquière >> au roi et à la reine une grande popularité. Il est » nécessaire de sortir de Paris. Tant que le roi res» tera dans cette ville, il est impossible de rétablir >> l'ordre. La folle entreprise des nobles (la jour» née des poignards) a reculé de deux mois les >> mesures que l'on employait pour cela. La mala» die du roi réparera le mal. Il faut saisir habile>>ment cette dernière circonstance. Il serait fâ

Mémoires du marquis de Ferrières, tome II, page 241. (Collect. B. F.)

>> cheux que l'Assemblée fût dissoute; le moment >> n'est point venu; mais il est important de ne >> point le manquer. »

<< Mirabeau finit en se plaignant qu'on n'avait >> tenu aucune des promesses qu'on lui avait faites; qu'on n'avait point agi avec lui de bonne foi; » que Necker l'avait trompé; qu'il voulaít un re» venu assuré, soit en rentes viagères constituées, >> soit en immeubles '. »

Cette démarche de M. Laporte auprès de M. de Mirabeau se fit deux jours après l'affaire des poignards. Elle ne fut pas la première, comme l'annoncent les plaintes que ce député adresse à l'intendant de la liste civile, et comme le prouve une lettre du mois de juin 1790, où l'on voit qu'à cette époque la cour comptait déjà sur ses ser

vices 2.

Weber, dans ses Mémoires, parle ainsi de cette négociation : « Le comte de La Marck et le comte » de Montmorin consommèrent, dit-il, pour la » cour, l'acquisition de ce héros populaire 3.

3

Peu de temps après, la reine eut avec Mirabeau, dans les jardins particuliers de Saint-Cloud, une entrevue, dont parle madame Campan. Ce député

1 Mémoires du marquis de Ferrières, tome II, livre IX, pag. 242 et suiv. (Collect. B. F.)

Recueil premier des pièces trouvées dans l'armoire de fer, no 3, pag. 7 et 8.

3 Mémoires de Weber, tom. II, pag. 37. (Collect. B. F.)

obtint de la cour des sommes très-considérables '. On a dit qu'il en recevait 50 mille francs par mois. Ce subit accroissement de fortune, qu'il laissa trop apercevoir par des dépenses extraordinaires, lui devint funeste. Il avait abusé de sa jeunesse, il abusa de son âge viril. Des débauches, des travaux de cabinet, et trop de confiance dans sa robuste complexion, ne le laissèrent pas long-temps jouir des avantages de cette opulence. Tombé malade le 28 mars 1791, le 2 avril suivant il rendit le dernier soupir, à l'âge de quarante-deux ans. Ses obsèques magnifiques eurent la solennité d'une apothéose. Une nombreuse députation de l'Assemblée nationale, de la garde parisienne, les ministres, les corps administratifs, les diverses sociétés littéraires et politiques, et plus de deux mille particuliers, vêtus de noir, aux sons lugubres des tambours drapés et d'une musique plaintive et déchirante, suivirent, dans un morne silence, sa pon pe funèbre, qui occupait l'espace d'une grande lieue. Son corps, porté d'abord à l'église de Saint-Eustache, fut le même soir déposé dans la basilique de SainteGeneviève, à côté du tombeau de Descartes 3.

En ce jour de deuil tous les spectacles furent

1 Mémoires de madame Campan, t. II, p. 125. (Collect. B. F.) 2. Il acheta pour le prix de cent mille écus la bibliothèque de Buffon; il acheta de plus un superbe hôtel au quartier de la Chaussée-d'Antin, et la terre du Marais, près d'Argenteuil. 3 Robespierre fit, en 1793, enlever du Panthéon le corps de Mirabeau.

fermés. Le 4 avril l'Assemblée nationale décréta que le nouvel édifice de Sainte-Geneviève serait destiné à réunir les cendres des grands hommes, et que Honoré Riquetti Mirabeau était jugé digne de recevoir cet honneur; elle décréta de plus qu'elle porterait le deuil pendant huit jours. Cérutti prononça son oraison funèbre, et dans tous les chefslieux de département on entendit et on lut des discours tendant à célébrer sa mémoire.

On honorait le génie, le caractère énergique, l'éloquence facile et foudroyante de cet homme colossal. L'histoire n'avait pas encore révélé ses turpitudes; on ignorait que ses talens, sa conscience étaient prostitués et vendus à prix d'argent. On admirera sa puissante éloquence, on détestera ses actions abjectes, et sa gloire et son déshonneur passeront ensemble à l'immortalité 1.

1 Il était détesté par ceux-là même qu'il servait. Madame Campan, à propos de sa mort, dit : « Ce trop fameux Mirabeau, démocrate mercenaire, royaliste vénal, termina sa

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carrière; la reine le regretta, et s'étonnait elle-même en parlant de ses regrets; mais elle avait espéré que celui-là » seulement qui avait eu l'adresse et la force de tout désor›ganiser, aurait pu avoir celle de réparer le mal causé par

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son funeste génie.» (Mémoires, tom. II, pag. 135.) Collect. de Baudouin frères.

Mirabeau avait un plan de restauration de la monarchie, qui consistait à faire évader le roi, à annuler la constitution de 1791, à en accorder une autre dont ce député avait posé les bases; à convoquer de nouveaux états-généraux, et à proclamer, lui Mirabeau, premier ministre. Si les royalistes

T. I.

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