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CHAPITRE X.

DÉPART DE LOUIS XVI POUR MONTMEDY, SON ARRESTATION

VARENNES, SON retour a parIS, DÉPART DE MONSIEUR,

DU ROI, POUR COBLENTZ.

A

FRÈRE

DEPUIS l'affaire des 5 et 6 octobre 1789, plusieurs projets d'évasion ou d'enlèvement du roi avaient été formés par la cour ou par la noblesse. On en proposait sans cesse de nouveaux, qui ne plaisaient pas également à la cour.

Le projet de fuite avait été suggéré à la famille royale « par M. d'Agoult, évêque de Pamiers, re>> venu de Suisse où il l'avait concerté avec M. le >> baron de Breteuil, qui, forcé par les événemens » de juillet 1789, s'était retiré à Soleure, et de là >> entretenait toujours, dans l'intérêt de Louis XVI, quelques correspondances avec les cabinets >> étrangers'. »

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Au mois de mars 1790, un député de la noblesse, le comte d'Inisdal, vint un soir dire à madame Campan que cette nuit même on devait enlever le roi, qu'une section de la garde nationale était gagnée, qu'on avait posé des relais de distances en distances, et qu'une réunion de nobles l'avait député vers elle

Mémoires du marquis de Bouillé, comte Louis, page 17.

(Collect. B. F.)

T. I.

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pour obtenir, avant minuit, parle moyen de la reine, le consentement du roi. Madame Campan lui témoigna son étonnement de ce que la noblesse avait concerté ce plan sans le consentement du roi, avait disposé de sa personne sans le prévenir. Elle ne se chargea point de cette commission; mais M. Campan, son beau-père, promit de s'en acquitter.

«Le roi, dit madame Campan, était à jouer au wisk avec la reine, Monsieur et Madame; ma>> dame Élisabeth était à genoux sur une voyeuse auprès de la table. M. Campan raconta à la reine >> ce qui venait de se passer chez moi personne

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ne dit mot. La reine prit la parole, et dit : Monsieur, entendez-vous ce que Campan vient de »> nous dire? - Oui, j'entends, dit le roi en con>> tinuant de jouer....Enfin, ajouta la reine, il faut pourtant bien dire quelque chose à Campan. Alors >> le roi adressa ces propres mots à mon beau-père : » Dites à M. d'Inisdal que je ne puis consentir à » ce qu'on m'enlève.

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>> La reine insista pour que M. Campan obser» vât de rendre fidèlement cette réponse. Vous » entendez bien, ajouta-t-elle, le roi ne peut con» sentir à ce qu'on l'enlève. M. le comte d'Inisdal >> fut très-mécontent de la réponse du roi, et sor» tit en disant : Il veut d'avance jeter tout le bláme sur ceux qui se dévoueront....

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Cependant la reine resta seule avec moi, jusqu'à minuit, à préparer ses cassettes, et m'or>> donna de ne point me coucher. Elle pensait

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qu'on interpréterait la réponse du roi comme un consentement tacite, et simplement comme >> un refus de participer à l'entreprise.... Le jour >> vint me confirmer dans l'idée que le projet était » abandonné. Il faudra pourtant bien s'enfuir, me >> dit la reine peu de temps après; on ne sait jusqu'où iront les factieux. Le danger augmente » de jour en jour.

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pas

La reine redoutait le parti de la noblesse, le parti de Coblentz, dirigé par Calonne qu'elle n'aimait pas''. « J'ai eu souvent, dit encore madame » Campan, occasion de juger, par ce que me di»sait la reine, qu'elle pensait qu'en laissant tout >> l'honneur du rétablissement de l'ordre au parti » de Coblentz, Louis XVI serait mis en tutelle au >> retour des émigrés; ce qui augmenterait encore ses propres malheurs. Souvent elle me disait : Si » les émigrés réussissent, ils feront long-temps la » loi; il sera impossible de leur rien refuser. C'est

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1

« Elle redoutait M. de Calonne, et c'était à juste titre; elle avait acquis la preuve que ce ministre était devenu son plus cruel ennemi, et qu'il se servait, pour noircir son caractère, des moyens les plus vils et les plus criminels. Je puis attester que j'ai vu, dans les mains de la reine, un manuscrit des Mémoires infâmes de la femme Lamotte, qu'on lui avait apporté de Londres, et qui était corrigé de » la main même de M. de Calonne dans les endroits où l'igno

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rance totale des usages de la cour avait fait commettre à

» cette misérable de trop grossières erreurs. » (Mémoires de

madame Campan, tom. II, pag. 107. Collect. B. F.)

» contracter avec eux une trop grande obligation de leur devoir la couronne 1. »

>> que

Ce que dit ici madame Campan est confirmé par le témoignage de M. le marquis de Ferrières. Il déclare la reine redoutait les princes émigrés, que détestait Calonne, et voyait avec peine cette foule de grands seigneurs, d'officiers et de nobles, abandonner le monarque, et aller chercher un asile auprès de deux princes dont les intérêts étaient très-différens des siens. Il ajoute : « La reine sen>> tait que si ces princes réussissaient dans leurs projets, ils en recueilleraient seuls tout l'avan>> tage; qu'elle ne sortirait de la dépendance de >> l'Assemblée que pour entrer sous la dépendance » des princes; qu'elle ne jouirait d'aucune auto>> rité, etc.">>

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On voit ici le motif de l'éloignement de la cour pour les plans de la noblesse et des émigrés, et le motif de cette réponse du roi : Je ne puis consentir à ce qu'on m'enlève.

Plusieurs autres plans d'évasion furent proposés au roi, et restèrent sans exécution. Madame Campan parle d'une tentative de cette espèce, faite pendant que la cour séjournait à Saint-Cloud. Cette dame fut par la reine instruite de ce projet; il devait avoir son exécution au mois de juin 1790; mais il fut abandonné parce que, lui dit la reine, « il fallait

'Mémoires de madame Campan, t. II, p. 107. (Collect. B.F.) 2 Mémoires de Ferrières, t. II, p. 321. (Collect. B. F.)

» d'abord attendre que Mesdames, tantes du roi, >> fussent sorties de France, et voir ensuite si le >> projet pourrait s'accorder avec ceux du de» hors 1. »

Ainsi la cour, ne voulant devoir qu'à elle-même sa propre émancipation, et manquant de force suffisante pour l'opérer seule, se trouva, dit-on, dans la nécessité d'intéresser à son sort ceux du dedans comme ceux du dehors; de leur prouver qu'elle n'était pas libre; que si le roi donnait des marques d'attachement aux principes de la révolution, s'il sanctionnait, sans opposition, tous les décrets que lui présentait l'Assemblée nationale, c'était pour dissiper les soupçons élevés contre lui; il lui fallait en outre prouver que, ne jouissant pas d'une liberté convenable, tous les actes auxquels il avait consenti se trouvaient frappés de nullité 2.

Il s'agissait de fournir une preuve publique de son état de contrainte, d'amener un fait constatant son défaut de liberté; on imagina donc un

Mémoires de madame Campan, tome II, pag. 114, 115. (Collect. B. F.)

• Un contrat est-il nul parce qu'un des contractans, par faiblesse ou par contrainte, prend des engagemens contraires à sa volonté, tandis que l'autre contractant croit à la sincérité du premier? Quel degré de liberté et d'oppression peut valider ou annuler le contrat? Les engagemens contractés entre unc nation et son roi sont-ils soumis aux mêmes règles que ceux contractés par des particuliers? Je laisse aux publicistes ces questions à décider.

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