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produisit un effet que l'orateur n'avait point prévu: il dit quelques mots sur l'impôt vexatoire des gabelles, et tout-à-coup des applaudissemens éclatèrent dans toutes les parties de l'église. La sainteté du lieu, l'exposition du Saint-Sacrement, la présence du roi, rien ne put contenir cet élan qui décela l'esprit de l'auditoire.

Le lendemain, 5 mai 1789, l'un des jours les plus mémorables dans les fastes de la France, Louis XVI présida la séance d'ouverture des étatsgénéraux. Ceux qui ont assisté à cet auguste spectacle en conserveront long-temps le souvenir. La vaste salle des Menus avait été disposée avec une magnificence digne de cette imposante solennité. Le fond était occupé par les membres des étatsgénéraux, divisés en trois ordres. Le clergé et la noblesse occupaient en grand costume les deux côtés; et derrière les deux premiers ordres, on voyait les cinq ou six cents députés du tiers-état, sans épée et vêtus de noir; un seul d'entre eux, cultivateur breton, avait gardé son vêtement rus— tique, et offrait, avec un air embarrassé, son front chauve, son visage fatigué par des travaux utiles '. Ce cultivateur député se nommait Gérard.

Le roi, assis sous un dais très-riche, attirait les regards. La reine siégeait un peu plus bas : les princes, les princesses, les grands-officiers de la

'Histoire de la Révolution, par deux amis de la liberté ; tome I, page 189.

couronne, dans un costume pompeux, étaient rangés à la gauche du trône, autour duquel on distinguait les ducs et pairs. Non loin les ministres entouraient une table couverte d'un tapis vert. Le garde-des-sceaux Barentin, en simarre, s'était placé près des marches du trône. Huit hérauts d'armes, richement habillés, figuraient au-devant des bancs du tiers-état. Une réunion de femmes élégantes, une foule immense de citoyens, remplissaient les tribunes pratiquées entre les colonnes; l'ensemble de ce spectacle était d'un effet magnifique; le souvenir des grands intérêts qui devaient se débattre dans cette illustre assemblée, imprimait sur tous les visages un recueillement qui ajoutait encore à la grandeur de cette auguste réunion.

Toutefois, nous l'avons déjà fait observer, on s'était étudié, comme le jour précédent, à rendre le tiers-état l'objet d'une humiliante distinction. Sans parler de son humble costume et du rang secondaire occupé par les représentans du peuple, on leur avait affecté une entrée particulière; ils devaient passer par une porte de derrière dont l'accès n'était abrité que par un hangar. Ils y restèrent plusieurs heures, entassés comme le public destiné au parterre de nos théâtres, tandis que les députés du clergé et de la noblesse partageaient, avec le roi, l'honneur de passer par la porte principale. Un long appel précéda leur entrée dans la salle; et ce ne fut qu'après avoir fatigué leur patience, qu'on leur permit de paraître dans une as

semblée où bientôt ils devaient exercer l'empire que donne la force numérique unie aux talens et à l'amour éclairé de la liberté.

On remarqua, comme un symptôme de l'opinion publique, que le duc d'Orléans, lorsqu'il parut, fut applaudi par les tribunes. Quand chacun eut pris place, le roi, au milieu du plus religieux silence, prononça, d'une voix ferme et sonore, le discours suivant :

Messieurs, ce jour que mon cœur attendait depuis long-temps est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentans de la nation à laquelle je me fais gloire de commander.

>> Un long intervalle s'était écoulé depuis les dernières tenues des états-généraux ; et quoique la convocation de ces assemblées parût être tombée en désuétude, je n'ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir à la nation une nouvelle source de bonheur.

» La dette de l'État, déjà immense à mon avénement au trône, s'est encore accrue sous mon règne. Une guerre dispendieuse, mais honorable, en a été la cause : l'augmentation des impôts en a été la suite nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition.

» Une inquiétude générale, un désir exagéré

d'innovations, se sont emparés des esprits, et finiraient par égarer totalement les opinions, si l'on ne se hâtait de les fixer par une réunion d'avis sages et modérés.

» C'est dans cette confiance, Messieurs, que je vous ai rassemblés; et je vois avec sensibilité qu'elle a déjà été justifiée par les dispositions que les deux premiers ordres ont montrées à renoncer à leurs priviléges pécuniaires. L'espérance que j'ai conçue de voir tous les ordres, réunis de sentimens, concourir au bien général de l'État, ne sera point trompée.

» J'ai déjà ordonné dans les dépenses des retranchemens considérables. Vous me présenterez encore, à cet égard, des idées que je recevrai avec empressement. Mais, malgré la ressource que peut offrir l'économie la plus sévère, je crains, Messieurs, de ne pouvoir pas soulager mes sujets aussi promptement que je le désirerais. Je ferai mettre sous vos yeux la situation exacte des finances; et quand vous l'aurez examinée, je suis assuré d'avance que vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour y établir un ordre permanent, et affermir le crédit public. Ce grand et salutaire ouvrage, qui assurera le bonheur du royaume au dedans, et sa considération au dehors, vous occupera essentiellement.

>> Les esprits sont dans l'agitation, mais une as

semblée de représentans de la nation n'écoutera sans doute que les conseils de la sagesse et de la prudence. Vous avez jugé vous-mêmes, Messieurs, qu'on s'en est écarté dans plusieurs occasions récentes. Mais l'esprit dominant de vos délibérations répondra aux véritables sentimens d'une nation généreuse, et dont l'amour pour ses rois a toujours fait le caractère distinctif. J'éloignerai tout autre souvenir.

» Je connais l'autorité et la puissance d'un roi juste au milieu d'un peuple fidèle et attaché de tout temps aux principes de la monarchie : ils ont fait la gloire et l'éclat de la France; je dois en être le soutien, et je le serai constamment.

>> Mais tout ce qu'on peut attendre du plus tendre intérêt au bonheur public, tout ce qu'on peut demander à un souverain, le premier ami de ses peuples, vous pouvez, vous devez l'espérer de mes sentimens.

» Puisse, Messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et la prospérité du royaume ! C'est le souhait de mon cœur; c'est le plus ardent de tous mes vœux; c'est enfin le prix que j'attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mes peuples.

>>

Ces paroles royales furent écoutées avec une

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