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Enfin arrive à Clermont la voiture si long-temps attendue; les personnes qu'elle contenait eurent l'imprudence d'adresser diverses questions à M. de Damas qui, n'étant pas sans inquiétude sur la disposition des esprits des habitans, regarda comme un instant très-heureux celui où il vit les chevaux attelés, les postillons à cheval et la voiture partir et se diriger sur Varennes.

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Après ce départ, M. de Damas instruit de la vive résistance qu'avait éprouvée le détachement placé à Sainte-Menehould, voulut en prévenir une semblable; il se disposait à partir avec sa troupe, lorsque la municipalité de Clermont se présente dans son logement, et lui intime l'ordre de rester dans cette ville jusqu'au lendemain. M. de Damas n'obéit point à cet ordre, monte à cheval, se rend sur la place où sa troupe se rassemblait, et dit à un officier : Il faut nous tirer d'ici comme nous pourrons. Il dépêche à Varennes un quartiermaître appelé Remi qui s'égare en chemin. Il veut ensuite faire partir ses dragons. La municipalité, la garde nationale s'y opposent. Ses soldats n'obéissent point à ses ordres; il s'éloigne avec quelques officiers, abandonne sa troupe indocile, et prend la route de Montmédy.

La voiture du roi, partie de Clermont sans accident, parut à onze heures et demie du soir aux premières maisons de Varennes. Dans cette ville se trouvait un détachement de soixante hussards de Lauzun et un relais pour la voiture du roi. Les

membres de la famille royale, ni les gardes-ducorps qui les escortaient, ne savaient dans quel quartier, dans quelle auberge de cette ville était placé ce relais, ne savaient à qui s'adresser pour s'en informer. Les inquiétudes naquirent et s'augmentèrent. M. de Valory, qui faisait les fonctions de courrier, allait à la découverte dans les rues de cette ville, et ne découvrait rien. Il était tard, et très-dangereux d'éveiller les habitans pour les questionner. La reine prit des informations dans deux maisons voisines de sa voiture; on allait, on venait sans succès de la voiture à la ville et de la ville à la voiture; on perdait un temps précieux. Enfin la famille royale, après être restée pendant trentecinq minutes dans cette position désespérante, apprit que les chevaux de relais étaient dans la basse-ville et à l'auberge du Grand-Monarque. Alors la voiture fut dirigée vers cette auberge. Ce retard, amené par les précédens retards, par une grande négligence d'exécution dans les subalternes et une imprévoyance notable dans les chefs, fut très-fatal au succès du voyage.

Pendant que la famille royale attendait dans sa voiture la découverte du relais, Drouet et son compagnon Guillaume arrivaient à Varennes. Ils descendirent dans une auberge d'où ils firent avertir plusieurs personnes, vinrent au pont par lequel la berline du roi devait sortir de cette ville, le barricadèrent, en plaçant, à travers sa route, plusieurs charrettes vides ou chargées; puis ils se

rendirent chez le maire, chez le commandant de la garde nationale. Ceux-ci arrivèrent à l'auberge du Grand-Monarque au moment où le roi descendait de voiture, et demandèrent le passe-port des voyageurs. On leur en montra un qu'ils jugèrent en règle; mais, d'après les observations qui leur furent faites à l'égard des divers détachemens placés sur la route, la municipalité délibéra et décida que les voyageurs ne partiraient que le lendemain. Sausse, procureur de la commune, dont la maison était située dans le voisinage, l'offrit aux voyageurs pour s'y reposer; ils l'acceptèrent.

M. le chevalier de Bouillé et M. le comte Charles de Raigecourt étaient à Varennes chargés du relais. Après avoir attendu fort long-temps sur la route, désespérant de voir arriver le roi, et craignant de devenir suspects aux passans, ils s'étaient retirés, après dix heures du soir, dans leur auberge. Ils avaient chargé un aide-de-camp de surveiller l'arrivée de la voiture, et de venir aussitôt leur en donner avis; leur précaution fut inutile : ils n'apprirent la présence du roi à Varennes que lorsqu'il était arrêté.

M. Deslon, qui devait commander le détachement d'hussards placés à Varennes, accusé' près du général de Bouillé de n'être pas doué d'un royalisme assez prononcé, avait été retiré de cette ville, envoyé à Dun, et remplacé par un jeune officier de dix-sept à dix-huit ans, nommé Rohrig, qui, au premier bruit du dessein d'arrêter le roi,

monta à cheval, sortit de la ville en toute hâte, et courut du côté de Montmédy pour avertir le général de Bouillé des événemens de Varennes '; ainsi le roi n'eut encore aucun secours à attendre de ce détachement.

La famille royale, descendue chez M. Sausse, fut installée dans un appartement composé de deux pièces au premier. Le roi demanda à se rafraîchir; M. Sausse lui porte une bouteille de Bourgogne; le roi semble la vider avec plaisir, et conversė assez long-temps avec son hôte. Chaque fois que le procureur de la commune s'éloignait, soit pour ses fonctions municipales, soit pour apaiser le tumulte que faisait à la porte un attroupement de curieux, le roi lui disait : Hátez-vous de revenir; j'ai besoin de vous; votre conversation me plaît. il lui parla du pont de Varennes. Sausse répondit qu'il était embarrassé par des voitures. Je passerai le gue, dit le roi. Le gue, répliqua Sausse, c'est bien pire; nous craignons les Autrichiens; je me suis avisé d'y mettre des grippes-loups, des piquets; il n'est pas possible de le traverser.-Eh bien! faites donc débarrasser le pont.

Le roi gardait encore l'incognito; un garde national lui dit à plusieurs reprises: Vous êtes le roi, je vous reconnais, convenez-en de bonne foi. La reine, piquée de ce ton familier, oubliant qu'elle

'Précis historique du comte de Valory. Mémoires sur l'affaire de Varennes, p. 281, 282. (Collect. B. F.)

jouait le rôle d'une dame étrangère, dit d'une voix imposante au questionneur : Si vous le connaissez, traitez-le donc avec plus de respect. Dès-lors toute dissimulation dut cesser.

Le roi fit des promesses séduisantes et des caresses même au procureur de la commune, qui lui répondit: Je dois beaucoup à mon roi, mais je dois tout à ma patrie1.

Cependant on barricadait les rues de Varennes; le tocsin sonnait, appelait les gardes nationales des villages voisins, et la ville était illuminée.

MM. de Choiseul et de Goguelat arrivèrent de Pont-de-Sommevelle à Varennes avec leur détachement de quarante hussards, forcèrent le poste qui gardait l'entrée de cette ville du côté de Clermont', furent à la caserne et y placèrent les rante hussards en bataille.

qua

M. de Choiseul apprit avec peine que les soixante hussards, en détachement à Varennes, étaient sans officier et dispersés dans les cabarets de la ville. Il reçut la visite de deux officiers municipaux qui le sommèrent de se rendre à la commune ; il les renvoya en leur disant qu'il irait à la municipalité quand il en aurait le temps. Il déclara à ses quarante hussards que la famille royale était prisonnière à Varennes, qu'il s'agissait de la délivrer;

• Histoire du départ du roi, pag. 184.

2 Suivant le Mémoire de M. de Bouillé, p. 119, M. de Choiseul entra dans Varennes par une espèce de capitulation. (Collect. B. F.)

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