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138. A la vérité, saint Augustin suppose en plusieurs endroits qu'il n'y a pas de milieu, pour les enfants morts sans baptême, entre le paradis et le supplice de l'enfer; il le dit même formellement dans un sermon où, parlant du jugement dernier, il place ces enfants, non à la droite du souverain juge, mais à sa gauche, parmi ceux qui doivent être condamnés au feu éternel. Mais ce qu'il avait dit dans la chaleur du discours, étant aux prises avec les pélagiens, qui prétendaient que ces mêmes enfants n'étaient point privés de la vie éternelle, quoique exclus du royaume des cieux, il l'a beaucoup adouci dans les livres contre Julien, où il est plus didactique. Voici ses expressions: « Je ne dis pas que les enfants qui sont morts sans avoir été régénérés doivent subir « une si grande peine qu'il leur eût été plus avantageux de n'être point nés, puisque le Seigneur n'a pas dit cela de tous les pécheurs, quels qu'ils fussent, mais seulement des impies et de «< ceux qui ont commis le crime. Car s'il n'a pas voulu restreindre - aux seuls habitants de Sodome ce qu'il dit, qu'au jour du juge⚫ment l'un sera traité moins sévèrement que l'autre, qui peut << douter que les enfants non baptisés n'ayant pas d'autre péché

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que le péché originel, la peine de leur damnation ne soit la plus « légère de toutes ? Quoique je ne puisse définir quelle est cette « peine, ni quel en est le degré, cependant je n'ose pas dire qu'il « serait mieux pour eux de n'être point du tout, que d'être où ils « sont (1). Elle sera certainement la plus douce de toutes les - peines, celle de ceux qui, outre le péché originel qu'ils ont contracté, n'en ont commis aucun autre (2). » Aurait-il pu parler de la sorte, et d'une manière si absolue, s'il eût pensé que la peine d'un enfant mort sans baptême fût la peine du feu, ou une peine du même genre que celle du feu?

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139. Nous irons plus loin, sans danger de nous écarter de l'esprit de l'Église ; et nous dirons, d'après saint Thomas, que, quoi

(1) Ego autem non dico parvulos, sine Christi baptismate morientes, tanta pœna esse plectendos, ut eis non nasci potius expediret ; cum hoc Dominus non de quibuslibet peccatoribus, sed de scelestissimis et impiis dixerit. Si enim quod de Sodomis ait, et utique non de solis intelligi voluit, alius alio tolerabilius in die judicii puniretur, quis dubitaverit parvulos non baptizatos, qui solum habent originale peccatum, nec ullis propriis aggravantur, in damnatione omnium levissima futuros? Quæ qualis et quanta erit quamvis definire non possim, non tamen andeo dicere quod eis ut nulli essent, quam ut ibi essent, potius expediret. Contra Julianum, lib. v, c. x1. —(2) Mitissima sane omnium pœna erit eorum, qui, præter peccatum quod originale traxerunt, nullum insuper addiderunt. Enchyridion, c. xcIII.

que privés pour toujours du bonheur des saints, les enfants morts sans baptême ne ressentent ni douleur ni tristesse par suite de cette privation. En effet, ou ils connaissent la félicité surnaturelle qu'ils ont perdue par le péché originel, ou ils ne la connaissent nullement. Dans la première hypothèse, il n'y a pas de raison pour eux de s'affliger; soit parce qu'en connaissant cette félicité qui n'était pas due à l'homme, ils savent en même temps qu'ils en ont été privés justement; soit parce qu'ils ont le sentiment qu'il n'a pas dépendu d'eux d'acquérir ce qu'ils n'ont pas. Dans la seconde hypothèse, qui nous paraît plus vraisemblable que la première, vu qu'ils n'ont pu connaître la vision intuitive que par la foi, et qu'ils n'ont eu ni la foi actuelle, faute de l'usage de raison, ni la foi habituelle, faute du sacrement de baptême, ils ne peuvent évidemment s'affliger d'être privés du royaume céleste, puisqu'ils l'ignorent entièrement. Ils possèdent sans douleur ce qu'ils ont par nature, en dehors de l'ordre surnaturel, dont ils sont déchus. Non-seulement ils ne souffrent point du tout de la privation de la vision intuitive, mais ils se réjouissent même des biens naturels qu'ils tiennent de la bonté divine, tels que la connaissance et l'amour qu'ils ont naturellement de Dieu. Telle est la doctrine de saint Thomas (1). C'est aussi le sentiment de Pierre Lombard, évêque de Paris (2), de saint Bonaventure (3), de Jean Duns, plus connu sous le nom de Scot (4).

140. Longtemps avant le maître des sentences, saint Grégoire de Nazianze s'était exprimé dans le même sens : « Les enfants « décédés avant le baptême ne seront point condamnés aux supplices par le juste juge; ils ne doivent pas être rangés parmi les

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(1) Se privari tali bono (supernaturali) animæ puerorum non cognoscunt, et propter hoc non dolent, sed hoc quod per naturam habent absque dolore possident.... Pueri in originali decedentes sunt quidem separati a Deo perpetuo quantum ad amissionem gloriæ quam ignorant, non tamen quantum ad participationem naturalem bonorum quæ cognoscunt. Quæstiones, quæst. v, de pœna peccati originalis, art. m. Pueri nunquam fuerunt proportionati ad hoc quod vitam æternam haberent; quia nec eis debebatur ex principiis naturæ, cum omnem facultatem naturæ excedat, nec actus proprios habere potuerunt quibus tantum bonum consequerentur : et ideo nihil omnino dolebunt de carentia visionis divinæ, immo magis gaudebunt de hoc quod participabunt multum divina bonitate, et perfectionibus naturalibus.... sibi (Deo) conjunguntur per participationem naturalium bonorum et ita etiam de ipso gaudere poterunt naturali cognitione et dilectione. In lib. 1, Sent. dist. xxxm, quæst. 11, arı. 11. — (2) Lib. 1, Sent. dist. xxxm. - (3) In lib. 11, Sent. dist. xxxIII. (4) Sur le même livre.

:

« méchants, pour n'avoir pas reçu le sceau du chrétien. Celui qui «<est indigne d'une récompense ne mérite pas pour cela d'être a puni (1). Suivant saint Grégoire de Nysse, « la mort prématurée « des enfants nous donne à entendre qu'ils ne sont, après cette vie, ni dans la douleur ni dans la tristesse (2). »

141. On voit, par le peu que nous avons dit des effets du péché originel, que le sentiment qui exempte les enfants morts sans baptême, non-seulement de la peine des sens, mais encore de toute peine intérieure, en nous les représentant comme jouissant d'un certain bonheur naturel, n'est point un système forgé après coup, comme moyen de répondre aux attaques des hérétiques et des rationalistes contre le dogme catholique, et de justifier la providence ou la conduite de Dieu à l'égard du genre humain.

(1) Nec cœlesti gloria, nec suppliciis a justo judice afficientur; utpote qui, licet signati non fuerint, improbitate tamen careant.... Neque qui honore indignus est, statim etiam pœnam promeretur. Orat. XL.— (2) Immatura mors infantium, neque in doloribus ac maestitia esse eum qui sic vivere desiit, intelli. gendum esse suggerit. Orat. de infantibus, etc.

DE LA DIVINE PROVIDENCE.

142. La providence n'est point proprement un attribut de Dieu; elle suppose la création; c'est l'action ou la volonté constante du Créateur, gouvernant le monde par les lois qu'il a lui-même établies, et conduisant toutes choses en général, et chaque chose en particulier, à la fin qu'il s'est proposée dans sa sagesse. D'après l'idée que nous avons de la providence, Dieu dispose, arrange et règle tous les événements; il place chaque créature dans son rang, en donnant à chacune sa mesure, son degré, sa proportion; il les régit toutes par une opération aussi douce que puissante; il opère dans les hommes, et souvent par les hommes, tout ce qui lui plaît, quand il lui plaft, et de la manière qu'il lui plaît, sans être jamais arrêté dans l'exécution de ses desseins par l'opposition de la part des hommes Attingit ergo a fine usque ad finem fortiler, et disponit omnia suaviter (1).

Comme la divine providence s'étend à ce qui a rapport au monde physique et au monde moral, à l'ordre naturel et à l'ordre surnaturel; après avoir montré qu'on doit la reconnaître en tout, nous parlerons de la volonté de Dieu touchant le salut des hommes, de la prédestination et du bonheur des prédestinés, de la réprobation et du malheur des réprouvés, de la résurrection des corps, et du jugement dernier.

CHAPITRE PREMIER.

De l'existence de la Providence.

143. Ce que nous avons dit, dans le premier volume, de l'existence et de la nécessité de la religion, des miracles et des prophé

(1) Sagesse, c. VIII, v. 1.

ties de l'Ancien et du Nouveau Testament, de la révélation primitive, mosaïque et chrétienne, comme ce qui a été dit, dans ce second volume, des attributs de Dieu, de la création du monde en général, de la création des anges et de leur ministère, de celle de l'homme et de ses facultés, de l'immortalité de l'âme et de l'existence d'une autre vie où chacun reçoit selon ses œuvres; tout, dans l'histoire de la religion, prouve le dogme de la divine providence. On ne peut, en effet, nier la Providence sans nier toute religion; comme on ne peut admettre une religion quelconque sans admettre en même temps la Providence. Aussi, parce que tous les peuples ont eu des croyances religieuses, ils ont tous reconnu que la Divinité gouverne le monde; partout, et dans tous les temps, les hommes se sont adressés à Dieu comme à leur souverain maître, comme au souverain modérateur de toutes choses (1). L'action de Dieu sur les créatures n'a jamais été méconnue que par ceux qui ont dit dans leur cœur, ou dans le délire de l'orgueil : Il n'y a point de Dieu.

ARTICLE I.

La divine providence s'étend à toutes les créatures.

144. Pour avoir une idée juste de la Providence, nous devons recourir aux enseignements que Dieu a bien voulu donner luimême au genre humain. Ce n'est que par une révélation surnaturelle que nous pouvons connaître jusqu'où s'étend son intervention dans le gouvernement du monde et des choses humaines. C'est la foi qui nous apprend que le Tout-Puissant pourvoit à tout; que les destinées de l'homme, le sort des empires et des peuples, sont entre les mains de Dieu. Les livres saints contiennent l'histoire de nos premiers parents, des patriarches, des Hébreux sous la conduite de Moyse, du peuple juif sous les prophètes, de Jésus-Christ, des apôtres, et des premiers chrétiens; et cette histoire sainte n'est autre chose que l'histoire de la providence, de la puissance, de la sagesse, de la bonté et de la justice divine. Dieu s'y montre partout comme l'auteur et le conservateur de toutes choses, comme le roi des rois, le seigneur des seigneurs, le législateur suprême, vengeur du crime et rémunérateur de la vertu ; comme l'arbitre souverain du sort des nations, les abaissant ou les élevant à son gré; disposant comme il lui plaît, dans sa miséricorde ou sa colère, de la paix et de la guerre, de la vie et de la mort, sans que personne

(1) Voyez le tome 1, no 445, etc.

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