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l'Église tient compte du poids accablant de l'infirmité humaine, et elle n'ignore pas le mouvement qui entraîne, à notre époque, les esprits et les choses. Pour ces motifs, tout en n'accordant de droits qu'à ce qui est vrai et honnête, elle ne s'oppose pas cependant à la tolérance dont la puissance publique croit pouvoir user à l'égard de certaines choses contraires à la vérité et à la justice, en vue d'un mal plus grand à éviter ou d'un bien plus grand à obtenir ou à conserver. Dieu lui-même, dans sa providence, quoique infiniment bon et tout-puissant, permet néanmoins l'existence de certains maux dans le monde, tantôt pour ne point empêcher des biens plus grands, tantôt pour empêcher de plus grands maux. Il convient, dans le gouvernement des États, d'imiter celui qui gouverne le monde. >>

Et, pour mieux préciser la pensée chrétienne, Léon XIII déclare que le but et les limites de la tolérance se trouvent dans le salut public.

Telle est la très imparfaite esquisse de cette lettre sur la liberté, où se trouvent condensés et résumés tous les enseignements de l'Église à travers les âges. Nous resterons sur cette dernière parole de Léon XIII : « Il est absolument impossible de comprendre la liberté de l'homme sans la soumission à Dieu et l'assujettissement à sa volonté. »

Malheureusement, les esprits paraissent, à notre époque, vouloir échapper à la règle de toute autorité. Le vigilant observateur signale à la société moderne le péril menaçant; il en indique à la fois les causes et les remèdes.

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La guerre redoutable, depuis longtemps entreprise contre la divine autorité de l'Église, a eu l'issue qu'elle devait avoir : elle a mis en danger la société en général et tout spécialement le pouvoir civil, qui est le principal soutien du bien public 1. »

Inspiré par l'orgueil et par l'esprit de rebellion, l'homme a vainement cherché à se soustraire à toute autorité. «< Mais, à défaut d'une destruction totale de l'autorité politique dans les États, destruction qui eût été impossible, on s'est appliqué du moins par tous les moyens à en énerver la vigueur, à en amoindrir la majesté..., et aujourd'hui nos contemporains marchent sur les traces de ceux qui, au siècle dernier, se sont décerné le titre de philosophes, prétendant que tout pouvoir vient du peuple; que, par suite, l'autorité n'appartient pas en propre à ceux qui l'exercent, mais à titre de mandat populaire, et sous cette réserve que la

1 Diuturnum.

volonté du peuple peut toujours retirer à ses mandataires la puissance qu'elle leur a déléguée. »

Une pareille théorie suffirait à justifier les révolutions quotidiennes : « C'est en quoi les catholiques se séparent de ces nouveaux maîtres; ils vont chercher en Dieu le droit de commander et le font dériver de là comme de sa source naturelle et de son nécessaire principe. >>

Sans doute, le peuple peut être libre de désigner ceux qui doivent gouverner la chose publique. La doctrine catholique ne fait pas le moindre obstacle à ce choix, elle déclare seulement qu'il ne constitue pas l'autorité, mais décide celui par lequel elle devra être exercée. C'est en Dieu seul que l'Église place la source du pouvoir. « Il n'y a de pouvoir que celui qui vient de Dieu, a dit l'Apôtre..., le souverain est le ministre de Dieu. >>

Cette doctrine rend la soumission bien plus acceptable à la dignité humaine; elle nous éloigne des honneurs divins réclamés par les empereurs païens, et il est vrai de dire que pas un homme n'a, en soi, le droit de lier la conscience d'un autre.

D'autre part, celui ou ceux qui exercent l'autorité la tenant de Dieu, il n'est permis de leur refuser l'obéissance que lorsque le pouvoir établi donne un ordre contraire au droit naturel ou

divin; car, où il n'y a plus de justice, il n'y a plus d'autorité.

Léon XIII donne en exemple la conduite des premiers chrétiens : « Tourmentés avec autant de cruauté que d'injustice par les empereurs païens, ils n'ont jamais failli au devoir de l'obéissance et du respect, à ce point qu'une lutte semblait engagée entre la barbarie des uns et la soumission des autres... Aussi, ceux qui entreprenaient auprès des empereurs l'apologie publique du christianisme n'avaient pas de meilleur argument, pour établir l'iniquité des mesures législatives prises contre les chrétiens, que de mettre sous les yeux de tous leur vie exemplaire et leur respect des lois... « Le chrétien, disait << Tertullien, n'est l'ennemi de personne; com<«<ment le serait-il de l'empereur qu'il sait éta« bli par Dieu, qu'il a pour cela le devoir d'ai«mer, de révérer, d'honorer, dont enfin il doit << souhaiter la prospérité avec celle de tout l'Em(( pire?» Et, dans son épître à Diognète, le même auteur disait : « Les chrétiens obéissent << aux lois établies, et, par le mérite de leur vie, <«< ils vont plus loin que les lois mêmes. >>

Aux gouvernants comme aux gouvernés l'Église trace leurs devoirs : « Il importe avant tout que les chefs des États comprennent bien que la puissance politique n'est faite pour servir l'intérêt privé de personne, et que les fonctions

publiques doivent être remplies pour l'avantage non de ceux qui gouvernent, mais de ceux qui sont gouvernés. » Ces paroles redoutables des saintes Lettres en témoignent : « Le Très-Haut interrogera vos actions et sondera vos pensées; parce que, aux jours où vous étiez les ministres de sa royauté, vous n'avez pas jugé selon la justice... Son apparition soudaine vous glacera d'effroi; car ceux qui gouvernent doivent s'attendre à un jugement plein de rigueur... Dieu ne fera aucune acception de personne, il n'aura d'égard pour aucune grandeur : c'est lui qui a fait les petits et les grands, et il prend le même soin de tous les hommes. Seulement aux plus puissants il réserve un supplice plus redoutable. » Avertissements aussi terribles pour les puissants que consolants pour les humbles, paroles qu'à l'exemple du Vicaire du Christ les ministres de l'Évangile ne devraient cesser de faire entendre aux grands.

En prétendant faire dépendre la puissance publique de la volonté du peuple, non seulement on commet une erreur de principe, mais on donne en outre à l'autorité un fondement fragile et sans consistance. Elle est alors à la merci du caprice des foules, de leurs passions, de leurs violences, et c'est de cette fausse doctrine que sont nés le socialisme, le communisme, le nihilisme. Les chefs d'État effrayés pensent sauver

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