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de la Palestine, lui découvrit tout un monde nouveau. Il se rendit compte de la vie de ces pays et des efforts accomplis par les nations européennes et par les missionnaires pour attirer les populations à la civilisation moderne. C'est au cours de ces visites qu'il apprécia surtout le rôle bienfaisant de la France et de l'Église dans toutes les Échelles de la Méditerranée, qu'il s'initia aux mystères de la politique coloniale et qu'il sentit naître en lui le désir ardent de consacrer sa vie à cette œuvre civilisatrice. Il trouva sur les routes de Syrie, comme il l'avouera plus tard, son chemin de Damas. L'Orient l'avait conquis et le rêve qu'il avait entrevu, l'obséda désormais si fortement que, quelques années plus tard, le 11 novembre 1866, quatre jours avant la mort de Mgr Pavy, évêque d'Alger, il eut un songe curieux, à Tours, auprès du tombeau de saint Martin. Il lui semblait, pendant son sommeil, qu'il était transporté « dans un pays inconnu, lointain, où des formes humaines, de figure bistre ou noire et de langue barbare, se présentaient à lui... »

On comprend, dès lors, la facilité et la joie avec lesquelles il acceptera, en 1867, le nouvel archevêché d'Alger, lui qui était destiné aux plus importants sièges de France. Un instinct mystérieux le poussait vers cette Afrique où il pourra développer son génie.

Lorsque sa mission en Syrie fut achevée, l'abbé Lavigerie rentra en France avec toute la renommée qui s'attache à de pareilles circonstances. Il s'arrêta d'abord à Rome et Pie IX le reçut avec beaucoup de bienveillance. Il parla Sa Sainteté des besoins religieux des peuples orientaux et de leurs rites. Le Pape fut frappé des vues lumineuses de ce jeune prêtre. Il le remarqua et ne le perdit plus de vue. Après Rome, l'abbé Lavigerie se dirigea sur Paris. Les ministres furent très accueillants. Il parla à nos gouvernants de l'action généreuse de la France dans

ces pays, de la place prépondérante qu'elle tenait et les ministres furent captivés par sa largeur d'esprit politique. Il les entretint en particulier de la constitution nécessaire d'un gouvernement chrétien dans le Liban, tenant en respect les Mahometans, étendant sa protection sur la Syrie tout entière, depuis Jérusalem jusqu'à Alep, et depuis Beyrouth jusqu'à l'Euphrate, ramenant le Liban à sa constitution avant 1849, enfin plaçant le pays sous le protectorat de la France. «Etre placé sous notre protectorat, disait-il, est le premier des désirs des catholiques orientaux. Eux-mêmes se nomment frangis, c'est-à-dire Français pour désigner à la fois leur nationalité et leur religion1».

Honorant les services et le patriotisme de l'abbé Lavigerie, le gouvernement le nomma chevalier de la Légion d'honneur, le 8 février 1861.

Bientôt une autre circonstance vint encore aider à la formation politico-religieuse du directeur de l'OEuvre des écoles d'Orient.

L'auditorat de Rote pour la France, venait d'être vacant 2. On jeta les yeux à Rome et à Paris sur l'abbé Lavigerie pour remplir cette mission importante. Le nouvel auditeur ne resta qu'un an et demi à la cour pontificale, mais il eut le temps d'étudier le maniement des affaires auprès des congrégations romaines, les rapports de l'Église et de l'État, les menées des partis politiques qui s'agitaient autour du Vatican. Il se lia aussi intimement avec les principaux personnages ecclésiastiques et en particulier avec le cardinal Antonelli, secrétaire d'État. Ce séjour à Rome lui fut très utile. Mais son activité et ses capacités le destinaient à des fonctions encore plus importantes. Le 5 mars 1863, il fut choisi pour l'évêché de Nancy,

1. Cf. Mgr BAUNARD, la Vie du cardinal Lavigerie, t. I, p. 90. 2. Mgr de la Tour d'Auvergne, auditeur de Rote, était appelé à la coadjutorerie de l'archevêché de Bourges.

en remplacement de Mgr Darboy, appelé à l'archevêché de Paris, Il était prêt à jouer un rôle public. II demeura sur les confins de nos frontières à peine quatre années. Il s'occupa à réorganiser l'administration épiscopale et les œuvres d'enseignement, mais il eut aussi l'occasion d'exprimer ses idées sur la politique intérieure du pays et il le fit avec une netteté remarquable.

Alliant à la connaissance précise des affaires politiques et religieuses, un esprit de haute envergure; nullement embarrassé par des préjugés de race, de tradition ou d'éducation; poussé par un réel et grand amour de la France et de l'Église, il se porta, dès les premiers jours de sa vie à Nancy, sur le terrain de la conciliation. Il a toujours eu une vive répulsion pour les systèmes absolus en politique.

En juin 1864, on procédait aux élections des Conseils généraux. Mgr Lavigerie saisit cette circonstance pour adresser aux prêtres de Nancy une lettre circulaire, où, après les avoir engagés à exercer leur rôle d'électeur suivant leur conscience de citoyen et de chrétien, il ajoutait : « Mais en dehors de l'accomplissement de ce devoir, je vous demande de ne mettre jamais votre ministère, ni l'autorité propre qu'il vous donne, au service des intérêts de parti... II ne faut pas que vous, dans vos paroisses et moi dans mon diocèse, nous puissions jamais voir désigner notre place dans les rangs des vainqueurs ou dans ceux des vaincus de nos débats politiques... Tous les partis ont le droit de trouver en nous les pères, les amis, les consolateurs de tous, sans être ni effrayés, ni arrêtés par le souvenir de divisions, même passagères. Répondons à ce désir, Messieurs : c'est celui de l'Église, c'est celui des hommes vraiment sages. Et que, même au milieu des luttes les plus vives, si elles venaient à se produire, nos demeures soient pour tous des asiles pacifiques où l'on ne trouve

d'autre drapeau que celui de Dieu et de son Église et d'autre devise que: Charité. »

Il ne faut pas oublier qu'à ce moment, le clergé et les catholiques, en grande partie, se montraient hostiles à la politique italienne de l'empereur et lui faisaient une vive opposition. Mais, pour Mgr Lavigerie, se tenir en dehors des luttes de partis, pratiquer la conciliation entre les différents adversaires, c'était deux principes politiques qui ne varieront jamais. Il en ajoutera un troisième : accepter toujours le gouvernement établi.

Citoyen de deux sociétés, la France et l'Église, également jalouses de leur indépendance, destinées cependant à vivre quotidiennement côte à côte, le jeune évêque de Nancy pensait qu'il était sage d'observer une attitude pleine de sympathie aux points de contact, de tendre toujours la main à l'une et à l'autre. Il préférait l'entente et la cordialité des relations, lorsque l'honneur et la conscience n'y étaient point engagés. Mais cette attitude et les relations qu'il entretenait avec les libéraux, l'avaient fait aussitôt noter comme un libéral.

En mai 1864, il avait adressé à son clergé une lettre circulaire et une ordonnance réorganisant l'enseignement religieux dans son diocèse et nommant une commission épiscopale destinée à faire passer des examens à ses religieuses et à leur délivrer des diplômes épiscopaux indispensables pour diriger une école publique dans le diocèse. La mesure était sage, car elle assurait, en ce temps, une valeur scien. tifique à l'enseignement des religieuses. Cependant il fut vivement contredit par plusieurs de ses collègues. On jeta les hauts cris, la nonciature s'en mêla. On déclara qu'il touchait aux immunités ecclésiastiques. Deux évêques « moins avancés dans les voies de l'avenir», dit Mgr Baunard, le dénoncèrent au Saint-Siège.

Mgr Lavigerie l'apprit bientôt par un de ses amis qui était à Rome et qui avait été reçu par Pie IX. Dans l'audience, le Pape avait dit que l'évêque de Nancy appartenait au groupe des personnes qui s'efforçaient d'aller contre les principes romains 1. Le jeune prélat s'en plaignit amèrement au cardinal Secrétaire d'État, tout en lui assurant son dévouement au Saint-Siège et aux maximes romaines. Le cardinal Antonelli arrangea l'affaire, affirma que le Pape lui gardait sa confiance et lui envoyait la bénédiction apostolique.

Lorsque l'encyclique Quanta cura, avec le Syllabus qui faisait suite, parut le 8 décembre 1864, Mgr Lavigerie fut réellement mis à l'épreuve dans ses idées politiques.

La doctrine exposée dans l'encyclique et les propositions contenues dans le Syllabus étaient absolues. Les tendances modernes étaient combattues avec une vive énergie. Suivre la direction pontificale à la lettre était rien moins que convier les catholiques à une opposition intransigeante contre l'opinion et les gouvernements établis.

Mgr Lavigerie n'en approuvait pas tous les points. Quelle attitude devait-il prendre? Il se tint sur la réserve. Il attendit d'abord un mois avant d'aborder ce sujet.

<< Vous connaissez déjà par la voie de la presse, écrivit-il à ses prêtres, le 11 janvier 1865, et tous les fidèles du diocèse connaissent également la récente encyclique de Notre Saint-Père le Pape... Je me propose de revenir plus tard sur les questions si graves qui s'agitent en ce moment, dans les esprits, à l'occasion de cet acte solennel du Saint-Siège. Je ne crois pas le moment venu. » Et il n'en parla que dans son

1. Cf. Lettre inédite du cardinal Antonelli à Mgr Lavigerie. Rome, 13 août 1864.

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