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1o L'élection par les citoyens français, portés sur les listes municipales, des membres français des Conseils généraux;

2° L'agrandissement du Conseil supérieur, en y faisant entrer les hauts fonctionnaires et les délégués élus des Conseils généraux;

3o L'élection de trois députés au Corps législatif, un par province.

Mgr Lavigerie n'était pas resté étranger au développement de ce mouvement. Se trouvant, lui aussi, à Paris, en même temps que les délégués, il recommanda la note des colons au ministre d'État1. Il lui disait que cette note avait l'avantage :

«< 1° De conserver à l'armée sa situation actuelle en Algérie;

<< 2o De donner aux colons une juste satisfaction; «< 3o De préparer l'avenir, d'une manière infaillible; << 4° De permettre au gouvernement de l'Empereur de ne pas se jeter à Paris dans la discussion de détails qui ne pouvaient être traités convenablement qu'en Algérie et avec le contrôle des intéressés. »

Cette question avait du retentissement en France. L'opposition parlementaire voulait profiter des affaires d'Algérie pour soulever un débat à la Chambre et exploiter des actes malheureusement scandaleux de plusieurs fonctionnaires de la colonie.

L'archevêque d'Alger vit tout le danger d'une pareille alliance. Bien qu'il fût, lui-même, en lutte avec le gouvernement pour la liberté de son apostolat, il s'empressa de renseigner confidentiellement le cabinet impérial afin d'enlever le caractère purement politique qu'on n'aurait pas manqué d'attacher à ces revendications : « Il serait avantageux au gouver

1. Lettre inédite de Mgr Lavigerie au ministre d'État. Paris, le 7 juillet 1868.

nement de l'Empereur, écrivait-il1, d'éviter, s'il se peut, en ce moment, la discussion publique que l'opposition prépare, au Corps législatif, sur les affaires de l'Algérie.

« Cette discussion peut offrir, en effet, deux graves inconvénients:

« 1o Les députés de l'opposition ont reçu des colons algériens, dont l'exaspération contre l'administration militaire est à son comble, des détails précis sur les malversations et concussions d'un grand nombre de nos généraux. Ces colons ont fait des enquêtes. Ils savent ce que beaucoup de nos officiers supérieurs avaient en arrivant en Afrique, ce qu'ils ont emporté, ce qu'ils ont aujourd'hui de biens-fonds et de rentes. Ils savent comment beaucoup d'entre eux ont préparé leurs insurrections, leurs victoires, leur avancement. Ils savent que tout cela a été dit à l'Empereur, et il y a longtemps déjà que les colons l'ont écrit à MM. Jules Favre et consorts.

« Les conséquences de pareilles révélations ne peuvent être que désastreuses. On aura beau répondre, l'effet n'en sera pas moins produit dans l'opinion. Ce sera une seconde campagne Péreire et Cie et pis encore, parce que, ici, il s'agit de l'armée.

« 2o On soulèvera aussi, d'un autre côté (M. Berryer), la question religieuse, et, si elle est soulevée, il sera bien difficile, malgré la bonne volonté de l'archevêque, que les lettres des soixante-douze évêques et celle du Pape, qui sont restées secrètes jusqu'à ce jour, ne soient pas livrées au public. C'est une nouvelle bataille avec le clergé, bataille dangereuse, à l'approche des élections.

« Il semble donc que l'on doive éviter, à tout prix, de soulever ces questions.

1. Note inédite sur les affaires d'Algérie, 1868.

« Le gouvernement de l'Empereur peut obtenir, à peu près certainement, ce résultat.

<< Il n'a pour cela qu'à se mettre d'accord sur les concessions raisonnables à faire à l'opinion publique soit de l'Algérie, soit de la France, dans les modifications à opérer à notre régime africain.

« Cet accord réalisé, M. le Ministre d'État devrait déclarer au Corps législatif, avant toute discussion des affaires de l'Algérie, que le gouvernement étudie la question et se propose de la résoudre dans un sens qui donnera satisfaction à tous les intérêts sérieux. Il pourrait ajouter encore, utilement, que les modifications projetées auraient pour but d'associer les populations de la colonie à l'administration algérienne et qu'une discussion prématurée ne pourrait que gêner l'action du gouvernement. Il ne paraît pas douteux que devant une semblable déclaration, la majorité ne refuse d'entendre les députés de l'opposition et que ces députés eux-mêmes, fort peu au courant, au fond, de nos affaires africaines, ne se trouvent désarçonnés.

« Le gouvernement de l'Empereur éviterait ainsi une discussion périlleuse, dans un moment où l'opinion publique se trouve fortement surexcitée par les récents malheurs de l'Algérie. Il se donnerait à luimême le temps de la réflexion, permettrait aux passions de se calmer et attendrait le moment favorable pour décider une question aussi complexe. »

Il exposait ensuite les griefs des colons algériens contre le système suivi dans la colonie et présentait les réformes qui donneraient satisfaction à leurs desiderata.

Mgr Lavigerie, en s'occupant directement des questions de colonisation, semblait sortir de ses attributions religieuses. Au fond, en servant la cause

des colons, il servait surtout celle de son apostolat. Toutes les libertés à conquérir se tenaient ensemble, et il était précisément à Paris pour emporter de haute lutte la liberté d'exercer son ministère sur les musulmans. Pour mieux comprendre cette question, il faut revenir à d'autres événements qui se sont passés en même temps que ceux qui provoquèrent la crise de la colonisation. L'année 1867 avait été particulièrement funeste pour les colons et surtout pour les indigènes. En août et en septembre de la même année, une violente épidémie de choléra avait décimé une grande partie de la population arabe. D'autre part, les sauterelles étaient arrivées du désert, s'abattant, comme un épais tapis, sur les champs, et dévorant les maigres moissons. Déjà une sécheresse persistante avait affamé la population. Pour que la mesure fût comble, en novembre, des pluies diluviennes avaient inondé le pays, produisant partout des désastres.

La famine se levait, dans toute son horreur, comme un immense spectre, sur l'Algérie entière. Mgr Lavigerie sentit son cœur frémir. Instruit par ses prêtres des détails de l'affreuse misère des Arabes, il se mit hardiment à l'œuvre. Il recueillit tous les squelettes vivants qui erraient aux carrefours des routes. Il eut soin spécialement des enfants, les réunit dans un orphelinat qu'il fonda à Ben-Aknoun. Puis il se tourna vers la France et tendit la main. L'Œuvre des écoles d'Orient, les journaux catholiques lui envoyèrent de généreuses aumônes. Il put ainsi habiller et nourrir des milliers de malheureux.

Le gouverneur général de l'Algérie n'avait pas voulu tout d'abord arrêter cet élan de la charité. Il avait lui-même sollicité des secours du gouvernement impérial. Mais toujours influencé par le préjugé mortel d'abandonner les Arabes à leurs mœurs et de les empêcher d'avoir tout contact avec les Européens,

il pensait que l'archevêque renverrait dans leurs tribus, après les moissons de la nouvelle année, tous les enfants recueillis à Ben-Aknoun. Déjà, au commencement de 1868, des notes du Moniteur de l'Algérie, journal officiel du gouvernement, et certains actes de l'administration avertissaient en sourdine Mgr Lavigerie qu'il fallait s'exécuter. Les actes devenaient même de plus en plus agressifs. Pour répondre aux avertissements hostiles du gouverneur, l'archevêque publia, dans le Bulletin de l'Euvre des écoles d'Orient, une lettre datée du 6 avril, dans laquelle il entendait maintenir son œuvre de Ben-Aknoun et exprimait son désir d'amener, par le christianisme, l'assimilation des Arabes. C'était un manifeste. Il ajoutait un post-scriptum où il racontait des scènes d'anthropophagie qui s'étaient passées à Ténés, et il terminait ainsi : « Il faut relever ce peuple. Il faut cesser de le parquer dans son Coran, comme on l'a fait trop longtemps, par tous les moyens possibles. Il faut lui inspirer, dans ses enfants du moins, d'autres sentiments, d'autres principes. Il faut que la France lui donne, je me trompe, lui laisse donner l'Évangile, ou qu'elle le chasse dans les déserts, loin du monde civilisé. Hors de là, tout sera un palliatif insuffisant et impuissant. >>

Cette lettre, qui eut un grand retentissement, mit le feu aux poudres. Le maréchal de Mac-Mahon en fut vivement irrité. Il l'accepta comme un ultimatum et ouvrit ouvertement les hostilités. Il ordonna d'abord à l'autorité militaire, qui avait prêté son concours à l'archevêque pour le transport, la garde et le soin des affamés et des enfants, de retirer tous ses auxiliaires. Il se fit lui-même le surveillant de ses ordres.

« Je viens de recevoir, écrivait l'abbé G'Salter1 à

1. Lettre inédite de M. l'abbé G'Stalter à Mgr Lavigerie. Alger, le 22 avril 1868. M. l'abbé G'Stalter était vicaire général d'Alger et ami de la famille de Mac-Mahon.

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