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Ces expulsions jetèrent un certain mécontentement jusque dans les sphères gouvernementales indépendantes. Cette voie conduisait à la déconsidération du parti républicain. Le président du Conseil qui n'avait pas le tempérament d'un persécuteur, qui ne voulait pas l'avoir, embarrassé, lui aussi, fit des confidences : « En sacrifiant les Jésuites1, disait-il, il avait accordé tout ce qu'il pouvait pour céder à l'opinion, mais il n'irait pas plus loin. » Cependant il fallait que les congrégations adhérassent à la déclaration projetée et sans retard.

Pour faciliter la transaction, un délai limité leur fut encore donné. Cette attitude conciliante du président du Conseil et cet arrêt dans l'exécution du deuxième décret, furent, évidemment, mal interprétés par les hommes des anciens partis. L'Univers du 13 juillet 1880 disait que le Gouvernement était ahuri, et un comité de laïques se forma pour prendre en mains les affaires des congrégations non autorisées. Le but inavoué, mais évident, de ce comité, était d'exercer une domination politique sur les congrégations et sur l'épiscopat, et de faire la guerre à la République, au nom des intérêts religieux.

« Il faut se presser », répétait avec insistance, M. Flourens 2. Mgr Lavigerie se remit donc avec courage, malgré ces premiers déboires, au travail pénible et difficile des négociations. M. de Freycinet avait accepté, sauf quelques corrections, la déclaration de Mgr Lavigerie. Le 4 juillet, le Père Le Doré, supérieur des Eudistes, la soumit au comité des religieux et raconta l'entrevue de l'archevêque d'Alger avec le président du Conseil. Les supérieurs furent embarrassés. Ils lurent la déclaration; les uns l'acceptèrent, d'autres la repoussèrent. On décida de

1. Cf. GABRIEL Hanotaux, ut supra, p. 572.

2. Lettre inédite de Mgr Maret à Mgr Lavigerie Paris, 1" juillet 1880.

consulter le nonce et l'archevêque de Paris. Le nonce fit le diplomate, cependant, à titre officieux, il déclara que le Saint-Père verrait avec satisfaction les congrégations rechercher une combinaison pour se mettre à l'abri du décret, et il se montra favorable à celle de l'archevêque d'Alger. L'archevêque de Paris, lui, eut recours à son comité de laïques, qui refusa. Il fit alors savoir aux religieux « que l'honneur de la France étant une grande chose, on ne comprendrait pas leur adhésion à la lettre de Mgr Lavigerie, après la démission en leur faveur de tant de magistrats ». Devant cette réponse, les supérieurs, le 9 juillet, rejetèrent à l'unanimité le projet pré

senté.

Les partisans de la conciliation furent déçus, mais ils ne désespérèrent pas. Mgr Lavigerie, fort de l'appui du nonce, du cardinal de Bonnechose, de Mgr Place et de nombreux évêques, se tourna vers Rome et reprit les négociations directement avec le Pape.

CHAPITRE IV

NÉGOCIATIONS AVEC LE PAPE. - ACCEPTATION DE LA DÉCLARATION

tions.

Rapport de Mgr Lavigerie au Souverain Pontife sur la situation religieuse en France. Léon XIII en accepte les considéraNouvelles instances de Mgr Lavigerie et du cardinal de Bonnechose. Le Vatican envoie des instructions au nonce. – La déclaration proposée est acceptée.. Envoi de la déclaration aux évêques par les cardinaux de Bonnechose et Guibert. La discrétion est recommandée. Au ministère des Cultes

la réponse favorable à la déclaration est prête.

Léon XIII avait inauguré, dès les premiers jours de son pontificat, une politique de conciliation avec les puissances européennes. Mgr Lavigerie, faisant appel au grand esprit de modération du chef de l'Eglise, lui adressa un long rapport sur la situation des religieux de France. Il dévoila en particulier, dans cet important document, avec une franchise et une force peu communes, quels étaient les motifs qui dirigeaient les congrégations dans leur hostilité vis-à-vis du Gouvernement.

Ce rapport est d'une gravité trop considérable et d'un intérêt trop actuel, pour ne pas le reproduire en entier.

« TRÈS SAINT-PÈRE,

« Je me trouve en France depuis près de deux mois, j'ai vu dans cet intervalle un grand nombre de mes vénérables collègues dans l'épiscopat, j'ai conversé longuement avec les hommes politiques, tant ceux qui sont au pouvoir, que ceux qui l'ont exercé. Je crois de mon devoir de faire connaître à Votre Sainteté, les très graves périls que j'entrevois pour l'Eglise et le Saint-Siège, dans la situation actuelle. Elle daignera me pardonner la liberté épiscopale de mon langage, car elle sait que, quelles que soient mes pensées personnelles, je les soumets d'avance à la haute sagesse et à la direction du Vicaire de Jésus-Christ.

<«< Il est certain, Très Saint-Père, qu'un complot immense et redoutable est formé, en France, pour la destruction de l'Église. Ce complot, le Gouvernement actuel le subit d'une manière plus ou moins inconsciente, comme le prouvent ses actes récents. Mais il n'est pas moins vrai que l'Église a parmi nous des racines profondes et des forces considérables, et qu'elle peut sortir vivante et victorieuse de la tempête. Mais elle ne le peut qu'à une condition : c'est de ne pas faire elle-même le jeu de ses adversaires, en commettant des fautes irréparables et en allant elle-même au-devant de sa ruine.

« Oui, Très Saint-Père, il est évident pour moi et pour un grand nombre de mes collègues que cette voie est celle dans laquelle nous sommes actuellement engagés, que ces fautes irréparables, nous sommes à la veille de les commettre.

<< Je m'explique plus clairement :

<«< Sous la pression de la majorité radicale des Chambres, le Gouvernement a porté contre les congrégations religieuses les décrets du 29 mars. Les évêques, les chefs d'ordres religieux devaient protes

ter contre eux, en ce qui concerne les Pères Jésuites et plusieurs autres dispositions inacceptables. Ils l'ont fait, et si l'on se fût arrêté là, je pense qu'aucun esprit juste et sensé n'eût pu trouver à y redire, mais on est allé, on va beaucoup plus loin, et, tout en ayant si cruellement raison de nous plaindre, nous avons trouvé le moyen de nous donner un tort grave, eu égard surtout à l'opinion qui domine en France dans tous les partis, celle qui ne veut pas que le clergé se mêle aux luttes de la politique. Nous nous sommes donné le tort de paraître vouloir nier, en principe, les droits légitimes du pouvoir civil et provoquer le Gouvernement en nous alliant aux partis qui lui sont opposés.

« Cela ressort, Très Saint-Père, des faits les plus incontestables, qui se sont succédé durant ces trois derniers mois, et qui se produisent encore en ce moment sous nos yeux.

« Les décrets du 29 mars demandaient aux congrégations religieuses non autorisées de se faire reconnaître par l'État.

« Cette démarche, dans les circonstances et dans les termes où elle était demandée, ne pouvait, je le reconnais, se faire honorablement, et, par conséquent, elle ne devait pas se faire. Mais je crois qu'il était sage pour les congrégations de reconnaître le pouvoir de l'État en matière civile ou de police, tout en déclarant qu'elles ne pouvaient accepter les conditions qui étaient contraires à leur honneur. Au lieu d'agir ainsi, on a laissé croire à la masse du public, dont l'opinion triomphe toujours en dernier ressort, qu'un refus si légitime était une déclaration de guerre à la République.

« Ce qui a donné surtout ces apparences à l'attitude des communautés, c'est qu'elles ont partout fait alliance avec des hommes connus pour leurs principes religieux sans doute, mais malheureuse

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