Sayfadaki görseller
PDF
ePub

prédestinée à un amour si excessif pour celui qui

seul mérite nos affections!

Vous n'ignorez pas que l'amour du Seigneur Jésus, c'est le plus beau présent dont Dieu honore les saints. Dès le commencement des siècles, il étoit, bien qu'absent, les délices des patriarches. Abraham, Isaac et Jacob ne pouvoient presque modérer leur joie, quand seulement ils songeoient qu'un jour il naîtroit de leur race. Vous donc, ô. heureuse Marie, vous qui le verrez sortir de vos bénites entrailles; vous qui le contemplerez sommeillant entre vos bras, ou attaché à vos chastes mamelles, comment n'en serez-vous point transportée? En suçant votre lait virginal, ne coulera-t-il pas en votre ame l'ambroisie de son saint amour? et quand il commencera de vous appeler sa mère d'une parole encore bégayante; et quand vous l'entendrez payer à Dieu son Père le tribut des premières louanges, sitôt que sa langue enfantine se sera un peu dénouée; et quand vous le verrez dans le particulier de votre maison, souple et obéissant à vos ordres, combien grandes seront vos ardeurs !

Mais disons encore qu'une des plus grandes grâces de Dieu, c'est de penser souvent au Sauveur. Oui, certes, il le faut reconnoître, son nom est un miel à la bouche; c'est une lumière à nos yeux; c'est une flamme à nos cœurs (1): il y a je ne sais quelle grâce, que Dieu a répandue et dans toutes ses paroles et dans toutes ses actions; y penser, c'est la vie éternelle. Pensez-y souvent, ô fidèles; sans doute vous y trouverez une consolation incroyable. C'étoit

(1) S. Bernard. Serm. xv. in Cant. n. 6, tom. 1, col. 1311,

toute la douceur de Marie : nous voyons dans les évangiles que tout ce que lui disoit son Fils, tout ce qu'on lui disoit de son Fils, elle le conservoit, elle le repassoit mille et mille fois en son cœur : Maria autem conservabat omnia verba hæc in corde suo (1). Il tenoit si fort à son ame, qu'aucune force ni violence n'étoit capable de l'en distraire : car il eût fallu lui tirer de ses veines jusqu'à la dernière goutte de ce sang maternel, qui ne cessoit de lui parler de son Fils. Comme on voit que les mères prennent une part toute extraordinaire à toutes les actions de leurs fils, [ ainsi Marie prenoit le plus vif intérêt à tout ce qui regardoit son cher Fils. ] Quelle admiration de sa vie! quels charmes dans ses paroles! quelle douleur de sa passion! quel sentiment de sa charité! quel contentement de sa gloire! et après qu'il fut retourné à son Père, quelle impatience de le rejoindre !

Le docte saint Thomas, traitant de l'inégalité qui est entre les bienheureux (2), dit que ceux-là jouiront plus abondamment de la présence divine, qui l'auront en ce monde le plus ardemment désirée; parce que, comme dit ce grand homme, la douceur de la jouissance va à proportion des désirs. Comme une flèche qui part d'un arc bandé avec plus de violence, prenant son vol au milieu des airs avec une plus grande roideur, entre aussi plus profondément au but où elle est adressée; de même l'ame fidèle pénétrera plus avant dans l'abîme de l'essence divine, le seul terme de ses espérances, quand elle s'y (1) Luc. 11. 19. (2) 1. Part. Quæst. x11, art. vi.

[ocr errors]

sera élancée par une plus grande impétuosité de désirs. Que si le grand apôtre saint Paul, frappé au vif en son ame de l'amour de notre Seigneur, brûle d'une telle impatience de l'aller embrasser en sa gloire, qu'il voudroit voir bientôt ruinée cette vieille masure du corps, qui le sépare de JésusChrist; Cupio dissolvi et esse cum Christo (1); jugez des inquiétudes et des douces émotions que peut ressentir le cœur d'une mère. Le jeune Tobie, par une absence d'un an, perce celui de sa mère d'inconsolables douleurs (2) : quelle différence entre mon Sauveur et Tobie!

S'il est donc vrai, saint enfant qui nous fournissez aujourd'hui un sujet de méditation si pieux, s'il est vrai que votre grandeur doive croître selon la mesure de vos désirs, quelle place assez auguste vous pourra-t-on trouver dans le ciel? Ne faudrat-il pas que vous passiez toutes les hiérarchies angéliques pour courir à notre Sauveur? C'est là qu'ayant laissé bien loin au-dessous de vous tous les ordres des prédestinés; toute éclatante de gloire, et attirant sur vous les regards de toute la cour céleste, vous irez prendre place près du trône de votre cher Fils, pour jouir à jamais de ses plus secrètes faveurs. C'est là qu'étant charmée d'une ravissante douceur dans ses embrassemens si ardemment désirés, vous parlerez à son cœur avec une efficacité merveilleuse. Eh! quel autre que vous aura plus de pouvoir sur ce cœur; puisque vous y trouverez une si fidèle correspondance; je veux dire l'amour filial, qui sera

(1) Phil. 1. 23.- (2) Tob. v. 23 et seq.

d'intelligence

d'intelligence avec l'amour maternel, qui s'avancera pour le recevoir, et qui préviendra ses désirs?

Nous voilà tombés insensiblement sur l'amour dont le Fils de Dieu honore la sainte Vierge. Fidèles, que vous en dirai-je ? Si je n'ai pu dépeindre l'affection de la mère selon son mérite, je pourrai encore moins vous représenter celle du Fils; parce que je suis assuré qu'autant que notre Seigneur surpasse la sainte Vierge en toute autre chose, d'autant est-il meilleur fils qu'elle étoit bonne mère. Mais en demeurerons-nous là, chrétiens? Cherchons, cherchons encore quelque puissante considération dans la doctrine des Evangiles; c'est la seule qui touche les cœurs : une seule parole de l'Evangile a plus de pouvoir sur nos ames, que toute la véhémence et toutes les inventions de l'éloquence profane. Disons donc, avec l'aide de Dieu, quelque chose de l'Evangile et qu'y pouvons-nous voir de plus beau, que ces admirables transports avec lesquels le Seigneur Jésus a aimé la nature humaine? Permettezmoi en ce lieu une briève digression : elle ne déplaira pas à Marie, et ne sera pas inutile à votre instruction ni à mon sujet.

Certes, ce nous doit être une grande joie de voir que notre Sauveur n'a rien du tout dédaigné de ce qui étoit de l'homme : il a tout pris, excepté le péché; je dis tout, jusqu'aux moindres choses, tout jusqu'aux plus grandes infirmités. Je ne le puis pardonner à ces hérétiques, qui, ayant osé nier la vérité de sa chair, ont nié par conséquent que ses souffrances et ses passions fussent véritables. Ils se privoient eux-mêmes d'une douce consolation: au lieu BOSSUET. XV.

ΙΟ

que reconnoissant que toutes ces choses sont effectives, quelque affliction qui me puisse arriver, je serai toujours honoré de la compagnie de mon Maître. Si je souffre quelque nécessité, je me souviens de sa faim et de sa soif, et de son extrême indigence si l'on fait tort à ma réputation, « il a été » rassasié d'opprobres», comme il est dit de lui (1) : si je me sens abattu par quelques infirmités, il en a souffert jusqu'à la mort : si je suis accablé d'ennuis, que je m'en aille au jardin des Olives, je le verrai dans la crainte, dans la tristesse, dans une telle consternation, qu'il sue sang et eau dans la seule appréhension de son supplice. Je n'ai jamais ouï dire que cet accident fût arrivé à d'autres personnes qu'à lui; ce qui me fait dire que jamais homme n'a eu les passions ni si tendres, ni si délicates, ni si fortes que mon Sauveur, bien qu'elles aient toujours été extrêmement modérées; parce qu'elles étoient parfaitement soumises à la volonté de son Père.

Mais de là, me direz-vous, que s'ensuit-il pour le sujet que nous traitons? c'est ce qu'il m'est aisé de vous faire voir. Quoi donc, notre Maître se sera si franchement revêtu de ces sentimens de foiblesse qui sembloient en quelque façon être indignes de sa personne; ces langueurs extrêmes, ces vives арpréhensions, il les aura prises si pures, si entières, si sincères; et que sera-ce après cela de l'affection envers les parens; étant très-certain que dans la nature même il n'y a rien de plus naturel, de plus équitable, de plus nécessaire, particulièrement à l'égard d'une mère telle qu'étoit l'heureuse Marie? Car enfin, elle

(1) Thren. 111. 30.

« ÖncekiDevam »