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grand dessein que le Père éternel méditoit, d'envoyer son Fils au monde, il s'en réjouit en esprit, et estime la chose déjà comme faite, à cause qu'il la voit résolue par un décret immuable. Et certes, cette façon de parler est bien digne des saints prophètes, et ressent tout-à-fait la majesté de celui qui les inspire. Car, comme remarque très-bien le grave Tertullien, « il est bienséant à la nature divine, qui ne connoît » en soi-même aucune différence de temps, de tenir » pour fait tout ce qu'elle ordonne, à cause que chez » elle l'éternité fait régner une consistance toujours >> uniforme >> : Divinitati competit, quæcumque decreverit, ut perfecta reputare; quia non sit apud illam differentia temporis, apud quam uniformem statum temporum dirigit æternitas ipsa (1). Par conséquent il est vrai, et je ne me suis pas trompé quand je l'ai assuré de la sorte, que la très-sainte Vierge dès le premier instant de sa vie étoit déjà mère du Sauveur, non pas selon le langage des hommes, mais selon la parole de Dieu, c'est-à-dire, comme vous l'avez vu, selon la façon de parler ordinaire des Ecritures divines.

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Et je fortifie ce raisonnement par une autre doctrine excellente des Pères, merveilleusement expliquée par le même Tertullien. Ce grand homme raconte que le Fils de Dieu ayant résolu de prendre une chair semblable à la nôtre, quand l'heure en seroit arrivée, il s'est toujours plu dès le commencement à converser avec les hommes; que dans ce dessein souvent il est descendu du ciel; que c'étoit

(1) Lib. 1. adv. Marcion. n. 5.

BOSSUET. XV.

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lui qui dès l'ancien Testament parloit en forme humaine aux patriarches et aux prophètes. Tertullien considère ces apparitions différentes comme des préludes de l'incarnation, comme des préparatifs de ce grand ouvrage qui se commençoit dès-lors. « De >> cette sorte, dit-il, le Fils de Dieu s'accoutumoit >> aux sentimens humains; il apprenoit, pour ainsi » dire, à être homme; il se plaisoit d'exercer dès » l'origine du monde ce qu'il devoit être dans la plé» nitude des temps » : Ediscens jam inde à primordio, jam inde hominem, quod erat futurus in fine (1). Ou plutôt, pour parler plus dignement d'un si haut mystère, il ne s'accoutumoit pas, mais nous-mêmes il nous accoutumoit à ne nous point effaroucher quand nous entendrions parler d'un Dieu-homme; il ne s'apprenoit pas, mais il nous apprenoit à nousmêmes à traiter plus familièrement avec lui, déposant doucement cette majesté terrible pour s'accommoder à notre foiblesse et à notre enfance.

Tel étoit le dessein du Sauveur. Et de cette belle doctrine de Tertullien, je tire ce raisonnement que je vous supplie de comprendre; peut-être en serezvous édifiés. Marie étoit mère de Dieu dès le premier instant auquel elle fut animée. Ne vous souvient-il pas que nous vous le disions tout-à-l'heure? Elle l'étoit selon les desseins de Dieu, selon les règles de sa providence, selon les lois de cette éternité immuable, à laquelle rien n'est nouveau, qui enferme dans son unité toutes les différences des temps. Sans doute vous n'avez pas oublié ce beau passage de Tertullien qui explique si bien cette vérité. Or c'est (1) Lib. 11. adv. Marcion. n. 27.

selon ces règles que le Fils de Dieu doit agir, et non selon les règles humaines; selon les lois de l'éternité, non selon les lois des temps. Quand il s'agit du Fils de Dieu, ne me parlez point des règles humaines, parlez-moi des règles de Dieu. Marie étant donc sa mère selon l'ordre des choses divines, le Fils de Dieu dès sa conception la considéroit comme telle. Elle l'étoit en effet à son égard. Ne laissez passer, s'il vous plaît, aucune de ces vérités : elles sont toutes fort importantes pour ce que j'ai à vous dire.

Poursuivons maintenant et disons: Nous venons d'apprendre de Tertullien que le Verbe divin, longtemps devant qu'il se fût revêtu d'une chair humaine, se plaisoit, pour ainsi dire, à se revêtir par avance de la forme et des sentimens humains; tant il étoit passionné, si j'ose parler de la sorte, pour notre misérable nature. Quel sentiment plus humain que l'affection envers les parens? Par conséquent le Fils de Dieu, long-temps avant que d'être homme, aimoit Marie comme sa mère; il se plaisoit dans cette affection: il ne cessoit de veiller sur elle; il détournoit de dessus son temple les malédictions des profanes; il l'embellissoit de ses dons; il la combloit de ses grâces, depuis le premier instant où elle commença le cours de sa vie, jusqu'au dernier soupir par lequel elle fut terminée. C'est la conséquence que je prétendois tirer de ces savans principes de Tertullien. Elle me semble fort véritable, elle établit à mon avis puissamment l'immaculée conception de Marie. Et en vérité cette opinion a je ne sais quelle force qui persuade les ames pieuses. Après les articles de foi, je ne vois guère de chose plus assurée.

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C'est pourquoi je ne m'étonne pas que cette célèbre école des théologiens de Paris oblige tous ses enfans à défendre cette doctrine. Savante compagnie, cette piété pour la Vierge est peut-être l'un des plus beaux héritages que vous ayez reçu de vos pères. Puissiez-vous être à jamais florissante! puisse cette tendre dévotion que vous avez pour la Mère, à la considération de son Fils, porter bien loin aux siècles futurs cette haute réputation que vos illustres travaux vous ont acquise par toute la terre! Pour moi, je suis ravi, chrétiens, de suivre aujourd'hui ses intentions. Après avoir été nourri de son lait, je me soumets volontiers à ses ordonnances; d'autant plus que c'est aussi, ce me semble, la volonté de l'Eglise. Elle a un sentiment fort honorable de la conception de Marie: elle ne nous oblige pas de la croire immaculée; mais elle nous fait entendre que cette créance lui est agréable. Il y a des choses qu'elle commande, où nous faisons connoître notre obéissance : il y en a d'autres qu'elle insinue, où nous pouvons témoigner notre affection. Il est de notre piété, si nous sommes vrais enfans de l'Eglise, non-seulement d'obéir aux commandemens, mais de fléchir aux moindres signes de la volonté d'une mère si bonne et si sainte. Je vous vois tous, ce me semble, dans ce sentiment. Mais ce n'est rien d'être jaloux de défendre la pureté de Marie, si nous ne sommes soigneux de conserver la pureté en nousmêmes. C'est à quoi peut-être vous serez portés par la briève réflexion qui va fermer ce discours; du moins je l'espère ainsi de l'assistance divine.

SECOND POINT.

Vous avez ouï, mes Frères, les divers raisonnemens par lesquels j'ai tâché de prouver que la conception de Marie est sans tache. Il y a si long-temps que les plus grands théologiens de l'Europe travaillent sur ce sujet. Vous savez combien la personne de la sainte Vierge est illustre, combien digne d'honneurs extraordinaires, combien elle doit être privilégiée. Et toutefois l'Eglise n'a pas encore osé décider qu'elle soit exempte du péché originel. Plusieurs grands personnages ne l'ont pas cru. L'Eglise nonseulement les souffre dans ce sentiment, mais encore elle défend de les condamner. Jugez, jugez par-là, Ô fidèles! combien nécessaire, combien grande et iné vitable est la corruption de notre nature, puisque l'Eglise hésite si fort à en exempter celle de toutes les créatures qui est sans doute la plus éminente. O misère ! ô calamité dans laquelle nous sommes plongés! ô abîme de maux infinis! Hélas! petits enfans que nous étions, sans connoissance et sans mouvement, nous étions déjà révoltés contre Dieu. Nous n'avions pas encore vu cette belle lumière du jour; condamnés par la nature à une sombre prison, nous étions encore condamnés par arrêt de la justice divine à une prison plus noire, à de plus épaisses ténèbres, des ténèbres horribles et infernales. Justement, certes, justement; car vos jugemens sont très-justes, ô Dieu éternel, Roi des siècles, souverain arbitre de l'univers. Eh! qui nous a tirés de cette misère? qui a réconcilié ces rebelles? qui a appelé ces enfans de colère à l'adoption des enfans de Dieu ?

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