Sayfadaki görseller
PDF
ePub

IV.E SERMON

POUR LA FÊTE

DE L'ANNONCIATION.

La promesse de notre salut presque `aussi ancienne que la sentence de notre mort. La réparation du genre humain figurée même dans les auteurs de sa ruine. Miséricordieuse émulation du Rédempteur de notre nature. De quelle manière Dieu fait servir à notre salut ce que le démon avoit employé à notre ruine. Rapports admirables entre Eve et Marie : par quelle fécondité celle-ci est rendue Mère de tous les fidèles.

Vocavit nomen uxoris suæ, Heva; eo quod Mater esset cunctorum viventium.

Adam donna à sa femme le nom d'Eve; parce qu'elle étoit la Mère de tous les vivans. Genes. III. 20.

Benedicta tu in mulieribus.

Vous êtes bénie entre toutes les femmes. Luc. 1. 29.

C'EST un trait merveilleux de miséricorde, que la promesse de notre salut se trouve presque aussi ancienne que la sentence de notre mort, et qu'un même jour ait été témoin de la chute de nos premiers pères, et du rétablissement de leur espérance. Nous voyons,

en la Genèse (1), que Dieu, en nous condamnant à la servitude, nous promet en même temps le libérateur; en prononçant la malédiction contre nous, il prédit au serpent, qui nous a trompés, que sa tête sera brisée; c'est-à-dire, que son empire sera renversé, et que nous serons délivrés de sa tyrannie : les menaces et les promesses se touchent, la lumière de la faveur nous paroît, dans le feu même de la colère; afin que nous entendions, chrétiens, que Dieu se fâche contre nous ainsi qu'un bon père, qui, dans les sentimens les plus vifs d'une juste indignation, ne peut oublier ses miséricordes, ni retenir les effets de sa tendresse. Bien plus, ô incomparable bonté ! Adam même qui nous a perdus, et Eve qui est la source de notre misère, nous sont représentés dans les saintes Lettres comme des images vivantes des mystères qui nous sanctifient. Jésus Christ ne dédaigne pas de s'appeler le nouvel Adam: Marie sa divine mère est la nouvelle Eve; et par un secret ineffable nous voyons notre réparation figurée même dans les auteurs de notre ruine.

C'est sans doute dans cette pensée, que saint Epiphane a considéré le passage de la Genèse que j'ai allégué pour mon texte. Ce grand homme a remarqué doctement que c'est après sa condamnation qu'Eve est appelée Mère des vivans. « Qu'est-ce à dire » ceci, dit saint Epiphane (2)? Elle n'avoit pas ce >> beau nom, lorsqu'elle étoit encore dans le paradis; >>> et on commence à l'appeler Mère des vivans, après » qu'elle a été condamnée à n'engendrer plus que

(1) Genes. 111. 15. (2) Lib. 11, Heres. LxxvIII, n. 18, tom. 1, p. 1050.

» des morts » : qui ne voit qu'il y a ici du mystère? Et c'est ce qui fait dire à ce grand évêque « qu'elle » est nommée ainsi en énigme, et comme figure de la »sainte Vierge, qui est la vraie Mère de tous les vi>> vans », c'est-à-dire de tous les fidèles auxquels son enfantement a rendu la vie.

Chrétiens, enfans de Marie, je vous prêche aujourd'hui l'accomplissement d'une excellente figure. Cette haute dignité de Mère de Dieu a des grandeurs trop impénétrables, et ma vue foible et languissante ne peut soutenir un si grand éclat. Mais si les splendeurs qui vous environnent, ô Femme revêtue du soleil et couverte de la vertu du Très-haut, nous empêchent d'arrêter la vue sur cette éminente qualité de Mère de Dieu, qui vous élève si fort audessus de nous; du moins nous sera-t-il permis de vous regarder en la qualité de Mère des hommes par laquelle vous condescendez à notre foiblesse : et c'est, fidèles, ce que vous verrez, avee le secours de la grâce. Vous verrez, dis-je, que la sainte Vierge, par le mystère de cette journée, est faite la Mère de tous les vivans, c'est-à-dire de tous les fidèles : et cette vérité étant supposée, nous examinerons dans la suite ce qu'exige de ses enfans cette bienheureuse et divine Mère.

PREMIER POINT.

TERTULLIEN explique fort excellemment le dessein de notre Sauveur dans la rédemption de notre nature, lorsqu'il parle de lui en ces termes : le diable s'étant emparé de l'homme qui étoit l'image de Dieu, << Dieu, dit-il, a regagné son image par un dessein

» d'émulation » : Deus imaginem suam à diabolo captam æmulá operatione recuperavit (1). Entendons quelle est cette émulation, et nous verrons que cette parole enferme une belle théologie. C'est que le diable, se déclarant le rival de Dieu, a voulu s'assujettir son image; et Dieu aussi devenu jaloux, se déclarant le rival du diable, a voulu regagner son image: et voilà jalousie contre jalousie, émulation contre émulation. Or le principal effet de l'émulation, c'est de nous inspirer un certain désir de l'emporter sur notre adversaire dans les choses où il fait son fort, et où il croit avoir le plus d'avantage. C'est ainsi que nous lui faisons sentir sa foiblesse; et c'est le dessein que s'est proposé la miséricordieuse émulation du réparateur de notre nature. Pour confondre l'audace de notre ennemi, il fait tourner à notre salut tout ce que le diable a employé à notre ruine, il renverse tous ses desseins sur sa tête, il l'accable de ses propres machines, et il imprime la marque de sa victoire partout où il voit quelque caractère de son rival impuissant. Et d'où vient cela? C'est qu'il est jaloux et poussé d'une charitable émulation. C'est pourquoi la foi nous enseigne que si un homme nous perd, un homme nous sauve; la mort règne dans la race d'Adam, c'est de la race d'Adam que la vie est née; Dieu fait servir de remède à notre péché la mort, qui en étoit la punition; l'arbre nous tue, l'arbre nous guérit; et pour accomplir toutes choses, nous voyons dans l'eucharistie qu'un manger salutaire répare le mal qu'un manger témés (1) De Carn. Chr. n. 17.

raire avoit fait : l'émulation de Dieu a fait cet ou

vrage.

Et si vous me demandez, chrétiens, d'où lui vient cette émulation contre sa créature impuissante, je vous répondrai en un mot qu'elle vient d'un amour extrême pour le genre humain. Pour relever notre courage abattu, il se plaît de nous faire voir toutes les forces de notre ennemi renversées; et voulant nous faire sentir que nous sommes véritablement rétablis, il nous montre tous les instrumens de notre malheur miséricordieusement employés au ministère de notre salut: telle est l'émulation du Dieu des armées. Et de là vient que nos anciens Pères voyant, par une induction si universelle, que Dieu s'est résolument attaché d'opérer notre bonheur par les mêmes choses qui ont été le principe de notre perte, ils en ont tiré cette conséquence. Si tel est le dessein de Dieu, que tout ce qui a eu part à notre ruine doive coopérer à notre salut, puisque les deux sexes sont intervenus en la désolation de notre nature, il falloit qu'ils se trouvassent en sa délivrance; et parce que le genre humain est précipité à la damnation éternelle par un homme et par une femme, il étoit certainement convenable que Dieu prédestinât une nouvelle Eve aussi bien qu'un nouvel Adam; afin de donner à la terre, au lieu de la race ancienne, qui avoit été condamnée, une nouvelle postérité qui fût sanctifiée par la grâce.

Mais d'autant que cette doctrine est le fondement assuré de la dévotion pour la sainte Vierge, il importe que vous sachiez quels sont les docteurs qui

« ÖncekiDevam »