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leur abondance: Voilà, disent-ils, les seuls fortunés, voilà les heureux: Beatum dixerunt populum cui hæc sunt (1). C'est le cantique des enfans du monde. Juges aveugles et précipités, que n'attendez-vous la fin du combat, avant d'adjuger la victoire ? viendra le revers de la main de Dieu, qui brisera comme un verre, qui fera évanouir en fumée toutes ces grandeurs que vous admirez. C'est ce que regarde la divine Vierge, et avec elle les enfans de Dieu, qui jouissent de la douceur de sa paix. Ils voient bien que le monde combat contre Dieu; mais ils savent que les forces ne sont pas égales. Ils ne se laissent pas éblouir de quelque avantage apparent, que Dieu laisse remporter aux enfans du siècle : ils considèrent l'événement que la justice de Dieu leur rendra funeste. C'est pourquoi ils se rient de leur gloire; et au milieu de la pompe de leur triomphe, ils chantent déjà leur défaite. Ils ne disent pas seulement que Dieu dissipera les superbes ; mais il les a, disent-ils, déjà dissipés, Dispersit, réduits à rien: ils ne disent pas seulement qu'il déposera les puissans; ils les voient déjà à ses pieds, tremblans et étonnés de leur chute. Et pour vous, ô riches du siècle, qui vous imaginez avoir les mains pleines, elles leur semblent vides et pauvres, parce que ce que vous tenez ne leur paroît rien; ils savent qu'il s'écoule ainsi que de l'eau: Divites dimisit inanes. Voilà donc toute la grandeur abattue; Dieu est triomphant et victorieux. Quelle joie à ses enfans, chrétiens, de voir ses ennemis tombés à ses pieds, et ses humbles serviteurs qui lèvent la tête! Eux (1) Ps. CXLIII. 15.

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que le monde méprisoit si fort, les voilà mis et établis dans les hautes places: Exaltavit humiles; eux que le monde croyoit indigens, Dieu les a remplis de ses biens: Esurientes implevit bonis (1).

O victoire du Tout-puissant! ô paix et consolation des ames fidèles! Chantez, chantez, mes Sœurs, ce divin cantique; c'est le véritable cantique de celles qui ont méprisé le siècle : chantez la défaite du monde, l'anéantissement des grandeurs humaines, leurs richesses détruites, leur pompe évanouie en fumée. Moquez-vous de son triomphe d'un jour et de sa tranquillité imaginaire. Et vous qui courez après la fortune, qui ne trouvez rien de grand que ce qu'elle avance, ni rien de beau que ce qu'elle donne, ni rien de plaisant que ce qu'elle goûte; pourquoi vous entends-je parler de la sorte ? n'êtesvous pas les enfans de Dieu? ne portez-vous pas la marque de son adoption, le caractère sacré du baptême ? La terre n'est-ce pas votre exil; le ciel n'estil pas votre patrie? pourquoi vous entends-je admirer le monde? Si vous êtes de Jérusalem, pourquoi vous entends-je chanter le cantique de Babylone? Tout ce que vous me dites du monde, c'est un langage barbare, que vous avez appris dans votre exil. Oubliez cette langue étrangère, parlez le langage de votre pays. Ceux que vous voyez jouir des plaisirs, ne les appelez pas les heureux, c'est le langage de l'exil: Beatum dixerunt. Ceux dont le Seigneur est le Dieu, voilà les véritables heureux (2) : c'est ainsi qu'on parle en votre patrie. lov

Consolez-vous dans cette pensée; vivez en paix (1) Luc. 1. 53. - (2) Ps. CXLIII. 15.

dans

dans cette pensée; et apprenez de la sainte Vierge, pour maintenir en paix votre conscience, premièrement, que le Seigneur vous regarde; secondement, assurés sur cet appui immuable, ne vous laissez pas éblouir aux grandeurs du monde, dites qu'il est déjà abattu, regardez la gloire future; troisièmement, si le temps vous semble trop long, regardez la fidélité de ses promesses: Sicut locutus est. Ce qu'il a dit à Abraham sera accompli deux mille ans après : il a envoyé son Messie; il achevera le reste successivement; et enfin nous verrons un jour l'éternelle félicité, qu'il nous a promise. Amen.

BOSSUET. XV.

19

TROISIÈME POINT

DU MÊME SERMON,

PRÈCHÉ DEVANT LA REINE D'ANGLETERRE.

Caractères d'une véritable paix : quel en est le principe. Manière bien différente, dont les enfans du monde et les enfans de Dieu la considèrent. Discours à la Reine d'Angleterre.

ENCORE que cette paix admirable de toutes les nations chrétiennes, paix si sagement ménagée, si glorieusement conclue et si saintement affermie (*), soit un illustre présent du ciel, et un gage de la bonté de Dieu envers les hommes; néanmoins ce ne sera pas cette paix, dont je vous expliquerai les douceurs ; et celle dont je dois parler est beaucoup plus relevée, et sans comparaison plus divine : car je dois parler de la paix qui fait que l'ame de la sainte Vierge, possédant le Fils de Dieu en elle-même,

(*) Ce troisième point embrasse la même matière qui est traitée dans le dernier point du sermon précédent; mais les différences considérables qu'il renferme, nous ont engagé à le donner ici en

entier.

La paix dont il est ici question, est celle des Pyrénées, conclue entre la France et l'Espagne dans l'île des Faisans, au mois de novembre 1659, après une guerre de vingt-cinq ans. Le mariage de l'Infante avec Louis XIV fut un des principaux articles de cette paix; et c'est ce qui fait dire à Bossuet, qu'elle a été saintement affermie. (Edit. de Déforis.)

glorifie le saint nom de Dieu, et se réjouit de tout son esprit en Dieu son Sauveur. Qui ne voit que cette paix toute céleste, que Dieu donne, est infiniment au-dessus de celle que les hommes négocient? Et néanmoins cette paix humaine étant un crayon, et une ombre de la paix divine et spirituelle dont je dois vous entretenir, servons-nous de cette image imparfaite, pour remonter jusques au principe original, et prendre une idée certaine de la vérité.

Je demande avant toutes choses, que concevonsnous dans la paix, et que veut dire ce mot? N'en recherchons pas, chrétiens, des définitions éloignées; mais que chacun de nous s'explique à lui-même cé qu'il entend par la paix. Paix, premièrement, signifie repos : dans la guerre, on s'agite et on se remue; dans la paix, on respire et on se repose. C'est pourquoi on aime la paix; parce que la nature humaine étant presque toujours agitée, rien ne doit tant flatter son inquiétude que la douceur du repos, qui soulage son travail et relâche sa contention.

Mais en disant que la paix est un repos, l'avonsnous entièrement expliquée ? en avons-nous formé l'idée toute entière? Il me semble, pour moi, que ce mot de paix a encore quelque chose de plus touchant; et voici ce que c'est, si je ne me trompe : c'est que le repos peut être fort court, et la paix nous fait espérer une longue tranquillité. En effet, n'avonsnous pas vu, que lorsqu'on a publié la suspension d'armes, comme un préparatif à la paix, on a cru voir déjà quelque commencement de repos : mais ce repos n'est pas une paix, parce qu'il n'est pas permanent. Après que le traité est conclu, et que l'al

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