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ensemble; il faut seulement aujourd'hui ne pas mourir. »

Voilà comme Léon XI savait venger les injures du cardinal della Genga!

Mais la joie elle-même a ses périls: une satisfaction aussi complète et aussi inespérée provoqua chez le cardinal Consalvi un redoublement de fièvre, et tout espoir de guérison s'évanouit bientôt; il s'empressa d'envoyer chercher la bénédiction pontificale, et elle lui fut portée par le grand pénitencier, le cardinal Castiglioni. C'est de cette sainte bénédiction, partant du lit d'un Souverain Pontife malade pour aller reposer sur la tête d'un cardinal mourant, que le duc de Laval a écrit à M. de Châteaubriand qu'elle était sans doute ce que la religion peut offrir de plus imposant et de plus pathétique.

Léon XII pleura sincèrement la perte qu'il faisait dans la mort du cardinal Consalvi.

Suivant un usage ancien les Papes, à leur avénement au souverain pontificat, adressent à tous les évêques de la catholicité une circulaire où ils leur donnent des conseils selon les besoins de l'Eglise et les circonstances particulières où elle se trouve; la maladie de Léon XII l'avait longtemps empêché do remplir ce pieux devoir. Entin, le 3 mai 1824, parut l'encyclique Ut primum ad summi pontificatus, où le Pontife romain signalait à l'attention de l'épiscopat deux plaies qui dévorent le corps social, l'indifférence en matière de religion, et les sociétés bibliques. Nous regrettons vivement que le défaut d'espace ne nous permette pas de la reproduire ici.

Depuis le xv siècle où il s'établit que le grand Jubilé universel serait célébré tous les vingt-cinq ans, cette pieuse cérémonie avait en lieu régulièrement à chaque quart de siècle jusqu'en 1775, où le Jubilé, publié par Clément XIV et ouvert par Pie VI, attira à Rome un concours extrêmement nombreux de pèlerins et de fidèles de toutes les classes de la société du monde catholique. En 1800, les circonstances avaient fait une pénible nécessité à Pie VII de s'abstenir d'ouvrir le Jubilé. Quoique la situation de l'Europe fût bien différente en 1824 de ce qu'elle était lorsque les troupes de la république française couvraient l'Italie, le libéralisme vol. tairien et révolutionnaire, le carbonarisme et les sociétés secrètes ne laissaient pas d'inspirer des inquiétudes qui n'étaient point à mépriser. La publication du Jubilé rencontra de graves obstacles et des oppositions sérieuses; et pour l'accomplissement de ce grand acte religieux de son pontificat, Léon XII eut besoin de cette force inébranlable de volonté dont il a donné alors l'exemple aux rois et le spectacle aux peuples. La piété sublime de la belle âme du Pontife respire et commandera l'admiration des âges futurs, dans la bulle qui annonce le Jubilé. De l'aveu de son propre auteur, ce document imposant de la grandeur romaine s'est enrichi, dans les longues méditations où il a acquis sa merveilleuse perfection, des conseils de l'éminente sagesse qui rayonne

autour du Saint-Siége. Cicéron n'a jamais parlé ni plus purement, ni aussi magnifiquement, la langue destinée à être l'organe du salut du monde, que le Père de la catholicité s'écriant: Audiat itaque terra verba oris nostri, clangoremque sacerdotalis buccinæ, sacrum Jubilæum populo Dei personantis, universus orbis lætus excipiat. Après la publication de cette bulle, la résolution du Pape était irrévocablement arrêtée, et on l'avait entendu s'exprimer ainsi : A présent la trompette sainte a sonné, les nations chrétiennes sont convoquées; nous accomplirons notre devoir, nous ne craindrons aucun danger; s'il y a péril, ce péril sera notre joie, notre bonheur, notre palme; nous devons transmettre l'exemple tel que nous l'avons reçu. Puis il avait terminé par ces paroles: Si dirà quel che si dirà, si da far il Giubbileo On dira ce qu'on dira, le Jubilé doit se faire. »

Le 27 mai 1824, Léon XII donna le bref Cum multa in urbe, singulièrement hono rable pour la Compagnie de Jésus. Le 27 août de la même année, il publia une cons. titution sur la méthode à tenir dans l'état de l'Eglise, pour que la jeunesse des écoles réunit l'étude à la piété. Il établit un collége philologique qui devait embrasser tous les travaux d'érudition et de critique, y compris les inscriptions. Il établit à Spolète les Frères de la Doctrine chrétienne pour l'éducation du peuple. La visite des prisons n'avait pas eu lieu depuis Benoît XIV. Le 26 juillet 1824, Léon XII se porta, sans y être attendu, aux prisons publiques, parcourut les chambres les plus secrètes, goûta les aliments, interrogea les prisonniers, et leur laissa, en partant, une aumône. La même année, il réforma le système d'administration publique, de la procédure et des taxes des jugements. A la même époque il prit dans les Lettres apostoliques super universam, diverses mesures touchant l'administration des paroisses et le traitement des curés. Le 24 décembre il fit avec pompe la cérémonie de l'ouverture de la Porte Sainte. Peu après il lança une bulle contre les sociétés secrètes.

Ce saint Pape s'occupa avec la plus grande sollicitude des hôpitaux, ces asiles de l'hu manité souffrante. Il abolit de nouveau plusieurs impôts, et en réduisit quelques autres. Depuis 1825, l'abbé Mazenod, plus tard évêque de Marseille, avait fondé à Aix l'institut des Missionnaires oblats de Marie Immaculée. En 1825, il alla à Rome pour les soumettre à l'approbation du Saint-Siége. Léon XII nomnia une commission pour les examiner, et sur le rapport de cette commission il donna, le 17 février 1826, des Lettres apostoliques, en vertu desquelles nouvel institut fut reconnu et approuvé par l'Eglise. Son but était l'œuvre des missions, principalement en faveur des âmes les plus abandonnées, le soin spirituel de la jeunesse, et la direction des séminaires.

le

La constante sollicitude du Souverain Pontife embrassait à la fois tous les points

de la chrétienté, la France, l'Angleterre, l'Allemagne, la Bavière, le Hanovre, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Amérique, les Missions. Nous ne pouvous entrer dans le détail innombrable de ce qu'il fit à cet égard par ses négociations, ses concordats, ses érections d'évêchés, et de toutes manières. Nous renvoyons sur tous ces points à l'excellente Histoire de Léon XII, par M. Artaud.

Sans que ses sentiments nuisissent à ce qu'il devait aux autres contrées de la terre, comme père commun de la chrétienté, Léon XII se complaisait dans une tendre prédilection pour la France. Son attachement pour Louis XVIII l'entraîna à écrire à ce souverain une lettre, qui fut une faute politique, qn'on voudrait ne point rencontrer dans une vie de prudence expérimentée et de circonspection clairvoyante. Sous la plume d'un écrivain qui a payé à la mémoire de Léon XII un si riche tribut d'admiration, cette expression sévère d'un blame qu'on re peut dire immérité est la garantie la plus respectable de l'indépendance du récit et de l'équité des jugements. Entre Léon II et Charles X une amitié généreuse, loyale et chevaleresque, s'établit naturellement. Mais n'est-ce pas la confiance même dans les rela tions, à laquelle le Pontife s'abandonna pour répondre au dévouement du monarque, qui a permis qu'une tache déplorable ne fût pas épargnée à un règne qui s'est couronné d'une gloire si chrétienne par la destruction de la piraterie barbaresque, lorsqu'il a replanté la croix sur la terre illustrée par la vie de saint Augustin et par la mort de saint Louis? M. Artaud a dit le mot que répétera évidemment la justice de la postérité. Quand, avant la signature des funestes ordonnances du 16 juin 1828, la conscience incertaine de Charles X demandait des conseils, le Pape s'est peut-être trop abstenu. L'histoire de ces tristes ordonnances, qui se rattache à celle de Léon XII, y est résumée dans l'ouvrage de M. Artaud avec autant de modération que d'impartialité; la part des torts de chacun est faite avec une mesure à laquelle ne peut qu'applaudir le lecteur catholique, qui doit s'élever, dans une aussi haute question, au-dessus de toutes les considérations de cette politique de peur mondaine, la plus dangereuse conseillère des rois. N'est-ce pas pour avoir écouté cette politique de perdition, qui disait, par la bouche de M. le comte Portalis, que la présence des Jésuites était illégale en France, qu'on a si malheureusement erré, ou plutôt qu'on a été si indignement joué? Puisque M. l'évêque d'Hermopolis était consulté par le roi, et que la détermination royale semblait vouloir se conformer à son avis, l'historien n'a pas tort de dire qu'on eût dû révéler à monseigneur Frayssinous les bases de l'accusation; lui dévoiler les rapports des différentes polices et l'envoyer à Rome pour acquérir une plus ample connaissance des faits. Si l'on eût suivi cette marche, on aurait connu la vérité, et on ne l'a connu que lorsque les comédiens se sont vantés du succès de la mysti

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fication qu'ils avaient entreprise, et qui fut acceptée avec tant de crédulité. »

Quand l'histoire parle le langage animé du zèle de la vérité qui convient seul aux écrivains franchement authentiques, elle éclaire d'une lumière réparatrice les faits obscurcis et dénaturés par l'opinion vulgaire, trop souvent encore formée de nos jours à l'école menteuse du xvII° siècle, sur des jugements passionnés et calomnieux. Tel sera l'effet utile que produira, auprès des hommes de bonne foi, la publication des pièces importantes, provoquées chez l'historien que nous citons par la recrudescence d'animosité et d'injustice libérales, dont les années qui ont précédé 1830 ont vu le scandale. Les dernières pages de l'ouvrage de M. Artaud satisfont amplement ce besoin de pénétrer les mystères de la politique qui avait demandé, dans le siècle précédent, la destruction de l'œuvre du grand saint Ignace, besoin dont on s'était surtout senti épris à la vue d'ordonnances par lesquelles des ministres du roi trèschrétien, fils atné de l'Eglise, se sont chargés de la responsabilité d'un attentat à la liberté fondamentale de l'ordre social, la liberté de l'enseignement. Il faut assister, dans le livre dont nous ne faisons qu'effleurer ici la substance, à cette conversation intime sur la politique de l'Europe, qui eut lieu en présence du chevalier de Médicis, lorsque les deux fils de Charles III, Ferdinand IV, roi des Deux-Siciles, et Charles IV, roi abdicataire d'Espagne, se réunirent en Italie, pour la première fois, après une séparation de soixante ans. L'entretien des deux frères jette une clarté certaine sur les menées diplomatiques qui aboutirent à faire décider à Rome la suppression de la compagnie de Jésus par Clément XIX. « Croismoi,» disait Ferdinand à son royal interlocuteur, « à Lisbonne et à Madrid, il y avait de frauduleux renards qui cherchaient réciproquement à se nuire. Quant à la France, elle voulait arriver à Avignon par ses complaisances pour les deux cours de Madrid et de Lisbonne. « Tu m'affliges, mais tu m'éclaires,» répondit brusquement Charles IV.

Mais vient ensuite une révélation plus detaillée, un document authentique, tracé tout entier de la main du duc de Choiseul, signé par ce premier ministre de Louis XV, à la date du 26 août 1769, et adressé au cardinal › de Bernis, chargé des affaires de la cour de France à Rome. La trame de cette ténébreuse conspiration où le cabinet de Versailles a joué le triste rôle de solliciter, en commun avec l'Espagne et le Portugal, la suppression des Jésuites, apparaît tout entière dans cette lettre précieuse, improvisée par le ministre à l'insu de ses bureaux, et destinée à demeurer confidentielle et ce que le duc de Choiseul, un des principaux agents, et possesseur des secrets de la négociation, n'y dit pas, il le laisse clairement entrevoir. En livrant cette pièce à la publicité, l'historien de Pie VII et de Léon XII a excusé Clément XIV autant qu'il peut l'être, » dit

.

M. Artaud lui-même. Chacune des trois cours a, sous la plume du duc de Choiseul, la juste part qui lui revient dans la provocation à cet acte; on voit que Clément XIV avait promis seulement d'examiner avec attention; il voulait s'en référer à tous les souverains de l'Europe, étrangers à l'affaire; le duc de Choiseul connaissait les dispositions de ces princes à la destruction demandée; mais on jugeait à Versailles que Louis XV devait être complaisant pour son cousin Charles III, et le roi d'Espagne avait dans le cœur l'aversion la plus vive contre les Jésuites, tandis que le Portugal se montrait moins ardent à les poursuivre. Voilà sur quel fond de vérité l'historien rend évident qu'il faut s'appuyer, pour se former une opinion impartiale sur cette grave question, si souvent controversée avec ignorance des faits.

Même après le long pontificat de Pie VII, empreint d'un caractère si extraordinaire, et où les ébranlements du monde politique ont secoué et déplacé la personne du Pape, sans porter la moindre atteinte à l'immutabilité de la chaire de saint Pierre sur sa base inébranlable, le règne de Léon XII est loin d'être dépourvu d'intérêt. « Il célébra le Jubilé, » dit M. Henrion, « excita le zèle des fidèles pour la reconstruction de l'église de Saint-Paul, conclut des conventions avec divers princes pour le bien de la religion, délivra les environs de Rome des malfaiteurs qui les infestaient, fit exécuter de grands travaux à Tivoli pour préserver cette ville des ravages de l'Anio, fit des règlements très-sages sur l'administration, la justice et le commerce, et favorisa les établissements de charité. Priez bien Dieu pour un homme dont le salut est en péril tous les jours, disait-il à ceux qui venaient le visiter. Il édifia le. monde par sa piété, l'étonna par sa haute intelligence, et commanda son admiration en montrant, à une époque d'agitation et de troubles, cette sagesse qui impose le respect même aux esprits les plus prévenus.

L'action de la papauté sur la civilisation est trop décisive pour que nous ne résumions pas, d'une manière spéciale, ce que Léon XII uit dans l'intérêt des arts et des sciences. Savant lui-même, il avait été de tout temps l'ami des savants. Elevé au pontificat, if encouragea les jeunes gens qui cultivaient les sciences, ainsi que les jeunes artistes, par des prix et des pensions. Il ne donna les places les plus importantes qu'à des hommes distingués autant par leur savoir que par leur piété. A peine devenu Pape, il s'empressa de promulguer des lois qu'on devrait suivre à l'avenir, et qu'on a depuis suivies exactement pour le bien de la religion et de l'Etat, quant à la direction à donner aux études. Il visita lui-même solennellement l'Académie (l'archi-gymnase) de Rome, et exposa dans un discours profond et éloquent le nouveau plan d'études. Il visita aussi plusieurs fois le séminaire romain, les colléges Grégorien et Urbain,

la congregation de Propaganda fide et les autres établissements scientifiques, s'enquérant toujours avec sollicitude des progrès des élèves, et récompensant les plus appliqués par des éloges et des présents. Il doubla le traitement des professeurs, dota les bibliothèques et le musée d'histoire naturelle d'une somme annuelle considérable, enrichit les dépôts littéraires, surtout celui du Vatican, d'un grand nombre de livres précieux, et les musées reçurent de lui plusieurs monuments intéressants. C'est par son ordre que furent entreprises les nouvelles recherches dans les manuscrits du Vatican, ce qui inspira à un des savants les plus distingués de l'époque le distique sui

vant :

Marmora muta Pius reperit; nunc ecce loquentes

Audit Aristidem Hippolytumque Leo.

« Il rétablit aussi l'imprimerie vaticano pour faciliter la publication des bons ouvrages. Il répartit tous les savants qui séjournaient à Rome dans cinq colléges, ceux de la théologie, de la jurisprudence, de la médecine, de la philosophie et de la philologie. Il plaça à la tête des études une congrégation composée des cardinaux les plus distingués, et il porta les revenus annuels des académies romaines de 10,000 à 15,000 ducats. Il recommanda de même aux évêques des provinces de ne rien négliger pour l'encouragement des sciences dans l'étendue de leurs diocèses, le bref organique du 25 septembre 1825 leur avait confié la surveillance et la direction de l'enseignement public, et les maîtres, avant d'être admis à instruire l'enfance, devaient faire preuve de capacité, dans un examen, devant une commission d'ecclésiastiques présidée par l'évêque diocésain. Il fit aussi tout ce qui dépendait de lui pour assurer à jamais des professeurs capables et pieux à la célèbre Université de Bologne et autres petites universités de l'Etat romain. L'éducation de la jeunesse était surtout l'objet de sa sollicitude paternelle. Aussi voua-t-il un vif intérêt au collége Grégorien, où l'on élevait les enfants des classes moyennes, et un autre collége spécialement destiné à la jeune noblesse. Il assigna des revenus et donna des professeurs particuliers aux jeunes Allemands qui alJaient faire leurs études à Rome, et il rétablit le collége des Irlandais. Si donc l'on peut dire que son pontificat a été court, on doit ajouter qu'il a fait beaucoup.

« Au commencement du mois de février 1829, la santé de Léon XII semblait lui présager encore plusieurs années. Comme il s'entretenait familièrement avec quelques prélats de sa maison, M. Testa, secrétaire pour les lettres latines, lui témoigna sa joie de le voir si bien portant. Je vous remercie, mon cher Testa, dit le Pontife; mais sachez que dans peu de jours nous ne nous verrons plus. S'adressant ensuite au majordome, il lui remit l'anneau pontifical que les Papes sont dans l'usage de porter. Cet anneau. lui dit-il, appartient à la chambre apostolique,

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entre les héritiers d'un si grand nom.

Les prévisions de Léon XII étaient juses. La maladie qui avait failli l'enlever dans les premiers jours de son pontificat le saisit de nouveau le 6 février. Le 9, comme le danger augmentait, il demanda lui-même le saint Viatique. Peu après il voulut recevoir les dernières onctions, et répondit avec piété et courage aux prières accoutumées. Le cardinal Castiglioni, grand pénitencier, entra dans la chambre de l'auguste malade, qu'il assista suivant les devoirs de sa charge. Sur le soir du même jour, Léon XII, qui avait toujours joui de sa présence d'esprit, entra dans un profond assoupissement. Après une longue et tranquille agonie, il rendit le dernier soupir le 10, vers neuf heures trois quarts. du matin. Il avait gouverné l'Eglise pendant cinq ans quatre mois et douze jours. Il eut pour successeur Pie VIII

LIBERE (Saint), trente-sixième pontife, était Romain de naissance. Il fut admis dans le clergé de Rome, et s'acquitta avec beaucoup de fidélité des emplois du saint ministère dans tous les degrés où il passa. Le Pape saint Jules étant mort, il fut proposé comme le plus digne qu'on pût choisir pour remplir le Saint-Siége; et, malgré sa modestie et la résistance qu'il opposa, il fut élu d'une commune voix, le 22 mai 352. Les évêques Orientaux, tant ariens que semiariens, n'eurent pas plutôt appris son élection, qu'ils lui écrivirent contre saint Athanase, pour le porter à lui refuser sa communion, Libère assembla à ce sujet un concile des évêques d'Italie, et il y lut une lettre de soixante-cinq évêques d'Egypte, en faveur de saint Athanase, de sorte que le concile, voyant le plus grand nombre du côté de ce saint, jugea qu'il était contre la loi de Dieu de consentir aux Orientaux.

Libère répondit à ceux-ci conformément à cette résolution, et députa vers l'empereur Constance pour le prier d'assembler un concile. Ce prince le fit tenir à Arles dans les Gaules, et Vincent, évêque de Capoue, y tint la place du Pape. Mais les ariens, soutenus de la faveur de Constance, y furent les mattres, et obligèrent Vincent par leurs violen

ces et leurs mauvais traitements de signer la condamnation de saint Athanase

Le Pape Libère, vivement affligé de la faiblesse de son légat, s'empressa de le désavouer publiquement et d'exhorter les évêques à ne point se laisser abattre par les violences que l'on exerçait contre eux. Il écrivit aussi à l'empereur, pour demander avec plus d'instance la convocation d'un concile, en lui représentant qu'il ne s'agissait pas seulement de l'affaire de saint Athanase, mais de la foi catholique, visiblement compromise par le refus que l'on faisait de condamner l'hérésie d'Arius. Il envoya cette lettre par Lucifer de Cagliari, métropolitain de la Sardaigne et des îles voisines, qui s'était déjà rendu illustre dans l'Eglise par la pureté de sa vie, par ses lumières, sa fermeté et son zèle pour la foi. Il lui adjoignit un prêtre et un diacre en qualité de légats; et il écrivit en même temps à saint Eusèbe de Verceil et à Fortunatien d'Aquilée, pour les prier d'unir leurs efforts aux siens et d'appuyer par leurs représentations ses démarches auprès de l'empereur.

Constance se rendit au vou du Pape, et promit d'assembler l'année suivante un concile à Milan. Il ne s'y trouva qu'un petit nombre d'évêques Orientaux; mais c'étaient les fauteurs les plus ardents de l'arianisme. Les Occidentaux furent plus de trois cents. Saint Eusèbe de Verceil, prévoyant quelle en serait l'issue, ne consentit à s'y rendre que sur les instances pressantes des évêques, de l'empereur, et surtout des légats du Pape. Lorsqu'il fut arrivé, on le laissa néanmoins dix jours sans lui permettre d'entrer dans l'église où se tenait le concile. On le fit venir ensuite et on le pressa de souscrire à la condamnation de saint Athanase. I! refusa en demandant qu'auparavant tous les évêques souscrivissent au symbole de Nicée. Saint Denis, évêque de Milan et disciple d'Eusèbe, prit aussitôt un exemplaire de ce symbole et se mit le premier en devoir de le siguer. Mais Valens de Murse lui arracha le papier et la plume d'entre les mains; et comme la contestation s'échauffait, lepeuple se mit à crier qu'il fallait chasser les ariens. L'empereur, craignant les suites de ce tumulte, transféra le concile au palais, et voulut faire souscrire un édit en forme de lettre, où l'impiété de l'arianisme se montrait à découvert. Il prétendait que cette profession de foi lui avait été révélée dans un songe, et que l'orthodoxie de sa croyance. était assez manifeste, puisque Dieu se déclarait en sa faveur par tant de victoires. Les ariens jugèrent à propos de lire cette formule au peuple, qui la rejeta avec horreur. On en revint alors à la condamnation de saint Athanase, et l'empereur ordonna à tous les évêques d'y souscrire. Lucifer, Eusèbe et Denis lui représentèrent vainement que l'innocence du saint patriarche était prouvée par la rétractation même de ses accusateurs, et que d'ailleurs les règles de l'Eglise ne permettaient pas de condamner un absent. « C'est moi,» reprit Constance,

<<< qui suis son accusateur; vous ne pouvez élever de doute sur ma parole, et ce que je veux doit vous servir de règle. Obéissez, ou Vous serez bannis. » Les évêques orthodoxes protestèrent avec fermeté contre une semblable tyrannie, et le supplièrent de ne pas opprimer l'Eglise, en abusant d'un pouvoir dont il n'était que le dépositaire, et dont il aurait à rendre compte au jugement de Dieu. Mais cette courageuse remontrance ne servit qu'à le mettre en fureur. Il tira l'épée contre eux, et commanda de les traîner au supplice; puis, changeant aussitôt d'avis, il les condamna à l'exil. Du reste, la plupart des évêques souscrivirent par faiblesse ou par surprise à la condamnation qu'on exigeait si impérieusement. Telle fut l'issue de ce conciliabule, tenu au printemps de l'an 355 » (RECEVEUR, Hist. eccl.) Lucifer fut banni avec Eusèbe de Verceil et le diacre Hilaire dépouillé et fouetté pour s'être chargé de la lettre du Pape pour l'empereur.

L'empereur Constance désirait surtout ardemment que la condamnation de saint Athanase fût confirmée par l'autorité qui réside principalement dans l'évêque de Rome (48). Il envoya donc au Pape, pour essayer de le gagner, l'eunuque Eusèbe avec des présents et des lettres pleines de menaces: mais tout fut inutile. Libère répondit qu'il ne pouvait condamner sans l'entendre un évêque absous par le jugement de plusieurs conciles et rétabli par l'autorité de l'Eglise romaine; que si l'empereur désirait la paix de l'Eglise, il devait commencer par chasser les ariens qui l'entouraient, maintenir la foi de Nicée, et convoquer un concile où la liberté des évêques ne fût point gênée par la violence des officiers et des soldats.

L'eunuque fit au Pape de grandes menaces; puis il s'en alla à l'église de Saint-Pierre, où il déposa ses présents comme une offrande. Libère le sut et les fit jeter dehors, comme quelque chose de profane. L'eunuque, de retour auprès de l'emperur, ne manqua pas d'aigrir l'esprit de ce prince contre le Pape.

Constance, en effet, manda au gouverneur de Rome d'envoyer Libère à la cour, mais d'employer l'adresse pour le tirer de la ville. On eut vent de la chose, ce qui causa une grande émotion dans Rome, parce que le Pape était fort aimé du peuple romain. Il fallut enlever Libère au milieu de la nuit et avec beaucoup de difficultés.

« Dès qu'il fut arrivé, » continue M. l'abbé Receveur, « l'empereur le fit amener devant son conseil et mit tout en œuvre pour l'ébranler. Il leur représenta qu'Athanase était condamné par tout le monde, qu'il avait été déposé et excommunié par un concile, et qu'on ne pouvait revenir sur ce jugement, confirmé par l'adhésion de presque tous les évêques; qu'au surplus, il avait à se plaindre

(48) Ce sont les propres expressions d'Ammien Marcellin (lib. xv, cap. 7). On voit par ce témoignage d'un historien païen, qui vivait à cette épo

personnellement d'Athanase, qui avait cherché à lui faire déclarer la guerre par l'empereur Constant, et qu'il n'attachait pas plus de prix à la défaite de Magnence qu'à pouvoir chasser enfin cet évêque séditieux, qui depuis si longtemps jetait le trouble et la division dans tout l'empire. Le Pape répondit qu'il n'était conforme ni à l'équité ní aux règles de l'Eglise de condamner un évêque sans avoir entendu sa défense; que ceux qui avaient condamné saint Athanase étaient ses ennemis personnels, et les autres qui avaient souscrit à ce jugement avaient été contraints par la violence et les menaces ou entraînés par l'espérance de faveurs impériales; que la fausseté des accusations dont on le chargeait se trouvait suffisamment démontrée par la rétractation de ses ennemis ; que l'empereur ne devait pas employer les évêques pour venger ses propres injures; qu'il fallait d'abord faire souscrire au symbole de Nicée, rappeler les évêques exilés, leur laisser une entière liberté, et qu'alors on pourrait examiner selon les règles canoniques la cause personnelle de saint Athanase. L'empereur le voyant inébranlable, lui donna trois jours pour se décider, et ensuite il le relégua à Bérée dans la Thrace. La faction des ariens s'occupa aussitôt de lui donner un successeur, et choisit Félix, archidiacre de l'Eglise romaine. Mais ils furent réduits à l'ordonner dans le palais, n'ayant pu oblenir l'entrée d'aucune église, car les fidèles se montraient inviolablement attachés au Pape Libère, et le clergé avait juré de ne recevoir aucun évêque à sa place tant qu'il serait vivant. Félix lui-même, quoique or donné par les ariens et communiquant avec eux, ne se départit jamais de la foi de Nicée. »

Cel exil de Libère eut lieu l'an 355, et dura près de trois ans. L'empereur lui envoya cinq cents pièces d'or, croyant par là vaincre sa résistance; mais le Pape les refusa en disant qu'il fallait les distribuer aux flatteurs du prince il refusa de même un présent de l'impératrice, et dit à l'envoyé de la princesse qu'il devait apprendre à croire en Jésus-Christ et non à persécuter l'Eglise de Dieu.

L'année suivante Constance, après avoir fait un long séjour à Milan, vint à Rome célébrer la vingtième année de son règne. Les Romains allèrent trouver en foule ce prince pour lui demander le retour de Libère: il leur dit que la ville avait un pasteur en la personne de Félix. Mais quand il vit l'aversion générale qu'on avait pour cet homme, il ordonna, de l'avis de ses évêques, que si Libère voulait communiquer avec eux, il serait rappelé, et gouvernerait l'Eglise de Rome en commun avec Félix. Le peuple se moqua d'un tel ordre, et en fit des railleries sanglantes. Constance voyant l'affection des Romains pour Libère, retourna à Milan, et passant en

que, combien était manifeste et authentique la tradition générale des Chrétiens sur l'autor te du SaintSiége.

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