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INTRODUCTION

I

QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LA VITA NOVA

La Vita Nova, que Dante appelle à plusieurs reprises son « petit livre » (libello) est assurément le plus ancien de ses livres. Le récit en prose qui en forme le fond ne remonte pas tout à fait à sa première jeunesse; lorsqu'il le composa, il avait déjà atteint l'âge d'homme ; il était, autant que nous pouvons savoir, dans sa vingtseptième ou vingt-huitième année1. Mais les poëmes qui

1. Il était, nous a-t-il dit lui-même, (Convivio I, 1), « à l'entrée de la jeunesse ». Que faut-il entendre par là? Il est bien probable que, suivant la norme usuelle de l'antiquité et des savants du Moyen-Age, D. fixait à 25 ans la fin de l'adolescence et donc l'entrée de la jeunesse. (On le verra dans la V. N. donner peut-être une légère entorse à cette norme traditionnelle; mais ce sera par exception et dans une intention symbolique particulière). On est à peu près d'accord pour fixer la naissance de D. à 1265. Il nous

y sont contenus sont plus anciens ; cela va de soi, puisqu'il n'a composé le récit en prose que pour y enchâsser après coup des poëmes qui existaient déjà1. De ces poëmes donc, on le comprend, les derniers sont presque contemporains du récit en prose, les autres s'échelonnent, en remontant, sur les années précédentes. Les plus anciens ont été écrits lorsque le poëte était encore presqu'un enfant, ayant dix-huit ans à peine il nous l'a dit, et nous pouvons l'en croire.

Les poëmes de la Vita Nova ne sont pas les seuls que l'on puisse attribuer aux dix premières années de sa production poëtique; mais ceux qu'il a ici mis à part ont sur tous autres pour nous un avantage : et c'est, tout

indique donc que le récit de la V. N. fut composé en 1291, ou tout au plus en 1292. (La seule objection sérieuse à la fixation de la date de la naissance de D. est un passage curieux d'une lettre de Pétrarque. Cf. un article où je me suis arrêté, un peu plus que de raison peut-être, à cette objection: L'AGe de Dante, dans : Revue d'Hist. et de litt. rel. 1900.)

1. Ces poëmes sont au nombre de 31, et consistent en Sonnets, Chansons, Stances, Ballade. Quelques critiques, et notamment des Américains ont pensé pouvoir attribuer au livre une architecture méthodique; il leur a semblé que les poëmes y ont été distribués, parmi les chapitres en prose, suivant une certaine formule numérique on rencontrerait d'abord dix poëmes courts puis une grande chanson; — quatre poëmes courts - une grande chanson; quatre poëmes courts une grande chanson; dix poëmes courts. Cette observation, en tous cas douteuse, a été contestée avec des raisons qui semblent fortes, par M. Scherillo. (Giornale Dantesco. Anno IX, quad. IV-VI. 1901).

justement, qu'il lui a plu de les choisir, qu'il nous les a désignés comme œuvres de jeunesse, sous ce titre : VITA Nova, qui veut dire : MA JEUNESSE 1. Ainsi, nous nous trouvons renseignés par lui-même, assez exactement pour pouvoir, selon un certain ordre et une méthode certaine, suivre l'évolution première de son esprit.

Voilà ce qui doit faire pour nous le prix inestimable du petit livre. Il est un témoignage assuré sur l'activité morale de Dante pendant les années où se formait son génie. Grâce à lui, nous pouvons découvrir combien ce génie fut spontané et combien précoce. Ce qui est extraordinaire, ce n'est pas que, si jeune, Dante fût déjà poëte; car les poëtes nous habituent à ces surprises; et Dante, comme poëte, n'est pas plus que tant d'autres un « enfant du miracle ». Mais ce qui nous remplit d'étonnement, c'est qu'il ait pu dès lors être un poëte savant, c'est de constater en lui un bagage philosophique, scientifique, philologique et littéraire si vaste, si complet, aussi rapidement amassé pendant les courtes années d'une jeunesse aussi laborieuse.

Or cela nous est révélé par la VITA NOVA, si nous savons la lire profondément et ne pas nous arrêter

1. On verra aux notes à la fin du volume (p. 182) des explications sur le sens du titre VITA Nova et aussi sur l'orthographe de ces mots, que l'on peut écrire tantôt en latin (Nova) et tantôt en italien (Nuova). J'ai adopté partout la forme latine pour la commodité du lecteur français.

seulement au charme séducteur de son apparence extérieure. Nous nous apercevons que le Dante de la Divine Comédie y est déjà en puissance tout entier.

Il y est presque en acte. On ne peut pas dire qu'il y dort, ainsi que nous voyons dormir Amour dans le Cœur Gentil, avant qu'ait paru la Beauté. Il s'y découvre à nous bien éveillé, bien vivant, debout, marchant et s'avançant en maître. La VITA Nova est l'avenue qui mène à la Divine Comédie1.

Considérant ainsi les choses, on comprendra l'importance qu'il y a à savoir autant que possible en quelles circonstances de temps2 et de lieu put s'accomplir la pré

1. « La V. N. può chiamarsi il vestibolo di quel tempio augusto e solenne ch'è la Commedia ». Ainsi dit Fr. Flamini, dans cet inestimable petit manuel qui devrait être dans les mains de tous les étudiants de Dante: Avviamento allo studio della D. C. (Livourne, 1906.)

2. La chronologie de la V. N. se limite tout naturellement à quelques dates principales et ne peut prétendre à une grande précision. Il est banal de dire que D., comme tout autre poëte, cherchant à ordonner ses poëmes suivant une suite logique, ne pouvait guère donner place en sa pensée aux préoccupations chronologiques. Mais par la force même des choses, le lien qu'il cherche à établir se conforme à un certain ordre des temps. (C'est une observation que l'on a été amené à faire dans l'étude d'une œuvre bien différente, le Canzoniere de Pétrarque. Cf. H. Cochin, La Chronologie du Canz. de Pétrarque, Paris, 1898, et récemment : E. N. CHIARADIA, La Storia del Canz. di F. P., Bologne, 1908.)

paration du poëte, entre ses dix-huit et ses vingt-cing ans, et se produire sa première œuvre. Quelle opportunité son siècle et sa ville pouvaient-ils alors prêter à une semblable éclosion? Tout d'abord il faut constater que Florence lui offrait la paix, et c'était là le plus rare des bienfaits. Au sortir des rudes guerres du milieu du XIIIe siècle, et avant de tomber dans les atroces désordres qui devaient en désoler la fin, Florence a connu une sorte de trêve de Dieu; on l'appela la Paix du Cardinal Latino, pour perpétuer le souvenir du légat apostolique aux bons offices duquel elle était due. Elle dura, plus ou moins complètement, pendant plusieurs années. Il n'a jamais fallu plus qu'un coup de soleil à Florence, pour qu'elle refleurisse après les orages les plus sombres; ainsi fit-elle pendant les jours qui suivirent la paix de 1280. Elle s'épanouit dans le travail, l'industrie, le commerce, par l'amour de la vie, de l'art et de Dieu; elle étendit ses domaines; elle bâtit des églises et fit peindre des fresques; et, pour repos des rudes besognes, elle connut des joies, des rendez-vous de société, des fêtes, tous les nobles et galants plaisirs de la chevalerie d'autrefois, où prenait vite goût la bourgeoisie prospère des temps nouveaux.

C'était donc une heure favorable, l'heure où le jeune Dante arrivait à la virilité. Voilà un point qu'il ne faut pas oublier, et que l'on néglige trop souvent. Les malheurs qui briseront sa vie, les ténèbres et les épouvantes qu'il

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