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Les Facteurs Accessoires

de la Nutrition

(VITAMINES)

Il arrive parfois à des questions scientifiques, surtout dans le domaine de la physiologie, de sortir du cercle restreint où les tiennent presque forcément enfermées leur langage aride et le caractère rarement pratique de leurs déductions immédiates; mais il est rare qu'elles puissent le faire avec leur bagage de noms, de faits et d'idées, sans encourir une certaine déformation, car généralement l'engouement qu'elles suscitent, vient beaucoup moins de l'intérêt théorique qui s'attache à la découverte d'une parcelle de vérité que du désir souvent hâtif d'en tirer les applications utiles à l'humanité.

La question des vitamines est une de ces questions à fortune rapide et brillante qui, très vite, a débordé les milieux scientifiques pour jouir d'une faveur quasi générale, s'exposant par là au danger signalé. C'est ainsi que l'expression même de « vitamines » a reçu, peu à peu, une signification qui masque aux yeux de beaucoup le processus véritable des changements introduits dans nos conceptions physiologiques en matière de nutrition. Les termes de vitamines, de facteurs accessoires, de facteurs complémentaires, de nutramines ne sont, il est vrai, que des étiquettes apposées sur des substances encore inconnues et sans doute pareilles, sinon identiques.

Il y a cependant, à l'origine, entre ces dénominations, toutes les nuances qui distinguent les différents aspects d'une même chose suivant qu'on l'envisage du point de vue clinique ou physiologique.

Le grand retentissement qu'ont eu les vitamines s'explique aisément, car le problème qu'elles soulèvent n'est qu'un des aspects de la question beaucoup plus générale de l'alimentation. Or, si la fonction de nutrition n'est pas la fonction la plus noble, il n'en est pas de plus nécessaire et, de ce chef, tout ce qui s'y rattache, intéresse de multiples branches du savoir et de l'activité humaine. La physiologie en a fait sa préoccupation primordiale ; <«< elle est avant tout, dit Terroine, l'étude de la nutrition », et il ajoute ce mot de Cl. Bernard : « le vrai point de vue de la physiologie est, si l'on peut ainsi dire, le point de vue nutritioniste ». La pathologie, de son côté, continuellement en lutte avec des dyscrasies nombreuses et des états morbides causés par une nourriture vicieuse, insuffisante ou déficiente, est aux aguets de tout ce qui peut éclairer l'empirisme de ses investigations. Il n'est pas jusqu'à sa répercussion sociale et économique qui ne donne au problème alimentaire une portée dépassant les limites de la médecine et de la biologie.

Cela seul suffirait à justifier l'intérêt de découvertes qui, en physiologie, ont ébranlé l'édifice de nos conceptions dans une partie que l'on croyait solidement établie, qui nous ont éclairé, en pathologie, sur la cause restée longtemps obscure de certaines affections exotiques, ouvrant ainsi une large perspective d'applications thérapeutiques et qui, en hygiène, ont dévoilé un point de vue nouveau de l'alimentation rationnelle.

Aux yeux de beaucoup les vitamines ont bénéficié d'un effet de surprise ; la surprise a été moins grande, toutefois, que d'aucuns s'imaginent. La découverte des facteurs de la croissance est l'aboutissement logique et inévitable de la longue série de travaux qui, depuis vingt ans, ont progres

sivement modifié nos idées sur le métabolisme cellulaire. Mais, par une heureuse coïncidence, les résultats obtenus en physiologie grâce à des méthodes précises et rigoureuses ont pu se superposer à ceux que fournit un peu plus tôt, par une voie toute différente et moins sûre, la pathologie expérimentale. Sans s'être donné rendez-vous, les « facteurs accessoires » de Hopkins, de Osborne, de Mc Collum, se sont rencontrés avec les «< vitamines » curatives de Funck, d'Eijkmann, de Grijns, et tous deux ont pu, se prêtant un mutuel appui, consolider l'édifice commun bâti au croisement de leurs routes.

D'autres causes encore justifient la faveur des vitamines, qui tiennent aux circonstances de leur développement.

Les premiers résultats tangibles venaient, en effet, d'être acquis quand se déchaîna la terrible tourmente qui a désolé le monde pendant cinq ans. Loin de s'arrêter, le travail accompli durant la guerre, malgré elle et beaucoup aussi à cause d'elle, en physiologie, dans le domaine du métabolisme nutritif, a été considérable, C'est que, très rapidement, au premier plan des préoccupations générales est venu se placer le problème de l'alimentation. Le souci de le résoudre, malgré les difficultés chaque jour accrues du ravitaillement, incita ceux qui avaient la charge des États, à s'inspirer des données de la biochimie pour diriger et, à l'occasion, pour défendre leur politique des vivres. Tout naturellement la question des vitamines, en relation étroite avec celle du blutage, gagna en publicité ce que celle-ci acquit en importance. Elle fut ainsi une des premières à bénéficier de la diffusion des idées scientifiques.

Mais la guerre eut une autre influence encore. Par les masse considérables d'hommes de toutes races et de toutes nations qu'elle mit en mouvement dans des conditions souvent défectueuses d'alimentation, elle fournit aux cliniciens et aux physiologistes l'occasion d'une ample

récolte d'observations comme celle, par exemple, que fit au siège de Kut-el-Amara le colonel Hehir. Il y fut témoin des méfaits d'une erreur de diététique sur une garnison assiégée pendant quatre mois, et composée de régiments anglais soutenus par des contingents hindous. Ceux-ci, végétariens endurcis, furent, vers la fin de la résistance, décimés par le scorbut tandis que les premiers, grands consommateurs de viande et de farine blanche, le furent, au début, par le béribéri jusqu'au jour où les rigueurs du siège les contraignirent d'utiliser la farine grossièrement blutée des Hindous.

Aujourd'hui encore la question des vitamines continue à être à l'ordre du jour dans les milieux biochimiques, principalement anglo-saxons. Elle a été, ces temps derniers, le thème favori de bien des articles et l'objet de nombreux travaux. Il serait donc superflu de refaire par le menu l'exposé de tout ce qui les concerne; un tel exposé, d'ailleurs, dépasserait les limites restreintes de cet article dans lequel je voudrais, sans m'attarder au point de vue clinique de la question et à ses conséquences diététiques, rester sur le terrain physiologique, fondement de tous les autres. Là même encore, négligeant le détail, je chercherai surtout à dégager la notion des vitamines, de la succession des faits qui jalonnent leur évolution scientifique, pour terminer par quelques-unes des hypothèses qu'a fait naître leur apparition.

NOTION DES VITAMINES

Les physiologistes ont souvent caressé avec complaisance l'espoir que les progrès de la science permettront un jour de substituer aux aliments dispensés avec prodigalité par la nature, des mets chimiquement élaborés par synthèse artificielle. Si l'espoir d'aujourd'hui devient la réalité de demain, je doute que sa réalisation ait auprès

des masses le succès qu'elle semblerait mériter, mais j'admets volontiers l'intérêt considérable qui y serait attaché. Nous n'en sommes pas encore là, car le problème en présuppose un autre à résoudre d'abord, celui dont nous avons à nous occuper. Il faut, en effet, déterminer, avant toute autre chose, quelles sont, au juste, les substances dont la présence dans nos aliments s'avère d'une absolue nécessité pour maintenir l'organisme animal en parfait équilibre de nutrition. La question, à première vue, paraît plus théorique que pratique, car une expérience plusieurs fois millénaire témoigne de la suffisance habituelle de l'alimentation choisie par l'homme depuis qu'il existe. « Les corps vivants se servent à eux-mêmes d'aliments, disait Tiedemann, en 1831, c'est-à-dire, qu'ils se dévorent mutuellement ; les combinaisons organiques qui passent d'un être dans les autres, ont en elles-mêmes les qualités nécessaires pour pouvoir reprendre la forme organique et reparaître à la vie par des manifestations d'activité des corps vivants. >>

C'est donc de l'analyse de la matière vivante qu'il faut attendre la connaissance de nos principes alimentaires. Quand cette analyse eut montré la part prépondérante qu'y prennent les hydrates de carbone, les graisses, les albumines, les sels minéraux et l'eau, on considéra ces mêmes corps comme nos seuls aliments essentiels. Ce fut pendant longtemps l'idée régnante en physiologie. Aussi, grand fut l'étonnement de Lunin en 1880 quand, poursuivant au laboratoire du physiologiste Bunge, une étude sur le métabolisme minéral, il observa que les souris parfaitement acclimatées à un régime exclusivement lacté dépérissaient rapidement et mouraient, si on remplaçait le lait par l'ensemble de ses constituants, c'est-à-dire par un mélange de caséine et de beurre additionné de saccharose et de sels, sans que cependant l'anorexie ou la parésie intestinale pût être indiquée comme cause de la mort. Lunin crut pouvoir en conclure qu'à côté des aliments

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