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abord toutes les barrières, et il s'efforça de substituer l'exagération de la liberté à la sagesse des freins, et les confusions de l'égalité aux prudentes gradations dont l'ordre social se compose. Ainsi l'on préparoit un relâchement universel, en essayant de persuader aux hommes qu'il n'existoit rien de respectable, ni dans le ciel, ni sur la terre.

J'ai vu, pour résister à l'influence des nouveaux systèmes ou pour en éloigner le danger, j'ai vu, pour lutter, s'il le falloit, contre l'autorité de l'opinion publique ou pour traiter avec elle, un roi parfait comme honnête homme et comme ami du bien, parfait encore dans ses mœurs et dans ses vertus privées; un prince d'un sens droit, et qui dès sa jeunesse avoit eu dans l'esprit le calme et la modération de l'âge mûr; en même temps néanmoins, un roi dont la volonté avoit besoin d'appui, et qui montroit rarement dans les affaires une fermeté d'opinion ou une assistance dérivant de lui-même: caractère le moins propre à être opposé à de grandes circonstances; car rien n'encourage autant aux agressions contre le gouvernement, que la certitude de n'avoir point en présence de soi, d'une manière durable, la personne et les sentimens du prince, puisque lui seul est

l'être invariable dans le cercle des autorités. J'ai vu d'ailleurs un roi plus en péril qu'un autre, s'il venoit à se livrer à de mauvais conseils ; plus en danger de s'y embarrasser, puisque, naturellement réservé et se défiant plus des hommes que des difficultés des choses, il ne seroit pas appelé à s'ouvrir et à consulter, et se trouveroit ainsi sous la domination des personnes qui aspireroient et qui parviendroient à le guider en secret.

Je rappelle de plus en ce moment, une observation judicieuse du pénétrant Machiavel. Il croit que pour l'avantage d'un état et pour le maintien de son gouvernement, on doit désirer dans les monarchies une sorte de succession alternative de princes, les uns d'un esprit modéré, les autres d'un caractère entreprenant qu'ainsi Numa venoit bien après Romulus, Bajazet après Mahomet, et Salomon après David; mais qu'il falloit Tullus après Numa, Soliman après Bajazet, et un autre que Roboam après Salomon. Ne pourroit-on pas dire aussi qu'un prince ferme et peut-être sévère eût été nécessaire, eût été bien placé entre Louis xv et Louis xvi, comme il auroit fallu sans doute, entre les deux premiers Stuart, une seconde Élisabeth?

Les divers aperçus que je viens de présen

ter sur les signes avant-coureurs d'une révolution, à l'époque où je me suis placé, sembloient encore alors foiblement expressifs, et peut-être que l'histoire ne les auroit pas recueillis, si les événemens subséquens ne leur eussent donné de la consistance. Tout étoit réparable au milieu des François, près de leur caractère, et à la faveur des sentimens ou des liens d'habitude qui les unissoient à la monarchie. Le retour à une administration sage eût remis, au moins pour un temps, le calme dans les esprits. On étoit, il est vrai, devenu difficile, non-seulement parce qu'on avoit acquis de nouvelles lumières, mais aussi parce qu'on n'étoit pas disposé à déchoir des espérances que l'événement d'un nouveau règne avoit données. On étoit sorti du précédent avec un sentiment de fatigue et d'irritation; et comme l'indifférence de Louis xv avoit succédé aux folies de la régence et aux dissipations de Louis xiv, on croyoit qu'il étoit temps de voir enfin la fortune publique en sûreté, et l'on désiroit impatiemment que les propriétés particulières obtinssent une sauvegarde, qu'elles en obtinssent une contre cette suite d'exactions toujours nouvelles, et dont la nécessité étoit imputée à l'inconduite ou à l'impéritie du gouvernement.

J'avois laissé les finances dans un équilibre parfait en 1781, mais les impôts étoient considérables. Le roi avoit prévenu leur accroissement, en ménageant par des économies un intérêt aux emprunts devenus indispensables pour subvenir aux dépenses extraordinaires. de la guerre. Tous les efforts du ministre des finances n'avoient pu s'étendre plus loin. Le monarque se trompa, ce me semble, lorsqu'il crut, sur la parole de M. de Maurepas, que tout étoit au plus simple dans cette administration, et qu'un autre feroit aussi bien. La nation se montra d'une opinion différente; mais elle m'auroit oublié peut-être, comme elle a fait de tant d'autres, si la prudence ou la fortune du gouvernement m'eussent donné pour successeurs des hommes en état d'être opposés avec succès à des circonstances pénibles. La guerre n'étoit pas encore terminée, mais le prochain retour de la paix eût ouvert à l'espérance une nouvelle carrière, si le roi n'avoit pas confié les austères fonctions de l'administration des finances à un homme plus digne d'être le héros des courtisans que le ministre d'un roi. La réputation de M. de Calonne étoit en contraste avec la moralité de Louis xvi; et je ne sais par quels raisonnemens ou par quel ascendant on engagea ce prince à

donner une place dans son conseil à un magistrat avoué, reconnu pour aimable dans les sociétés de Paris les plus élégantes, mais dont toute la France redoutoit les principes et la légèreté. Combien de repentirs ont dû suivre cette détermination: on prodigua l'argent, on multiplia les largesses, on ne se défendit d'ancune facilité, d'aucune complaisance, on fit même de l'économie un objet de dérision; et pour donner un air de système à cette conduite inconsidérée, on osa professer pour la première fois, que l'immensité des dépenses, en animant la circulation, étoit le véritable principe du crédit, et l'on fut applaudi de tous ceux qui se trouvoient propres à seconder le ministre dans cette manière de servir l'état.

La nation, cependant, considéroit avec ressentiment une pareille subversion de toutes les idées d'ordre et de moralité, et les créanciers de l'état en particulier s'effrayoient du précipice que l'on creusoit chaque jour autour de leur fortune et de leurs propriétés. Ce fut alors que le ministre, pressé par l'embarras des affaires et dans l'espoir de déplacer, de transporter ailleurs une responsabilité qui l'alarmoit, engagea le monarque à convoquer une assemblée de notables. Il se flatta d'apaiser

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