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les vœux, et peut-être qu'elle eût fait à jamais le bonheur et le salut de la France. Vains regrets! inutiles pensées! Mais tout se tient dans cette suite de réflexions qu'un grand intérêt me retrace, et les événemens passés sont enchaînés les uns aux autres par une accélération si rapide, qu'ils semblent dériver du même mouvement et ne former qu'une seule action.

Un grand changement étoit survenu, dans l'intervalle de peu de mois, entre l'époque de la création d'une cour plénière et l'époque de mon rappel au ministère. Alors, et dans la position où le roi s'étoit placé, dans l'embarras où les cours souveraines avoient jeté le gouvernement, tout étoit devenu difficile; et si l'on eût entrepris de substituer aux étatsgénéraux une autre organisation politique, même la plus parfaite, on auroit rencontré peut-être des obstacles insurmontables. Il est des pensées de prévoyance auxquelles la généralité des hommes ne s'associe point; elle a besoin du toscin des événemens pour s'éveiller et pour s'instruire. Le clergé, la noblesse et le tiers-état, entraînés par des motifs différens, croyoient apercevoir dans un grand rassemblement le moyen de se placer avec avantage, et la confusion même se présentoit à l'esprit

comme une sorte de jeu, où le crédit et la domination appartiendroient aux plus habiles. Chacun des trois ordres d'ailleurs, se fiant à son droit de résistance ou de vélo, imaginoit avoir un bouclier contre toute espèce d'atteinte à ses intérêts particuliers; et l'on ne voyoit pas encore que, dans une conjoncture unique, dans un moment où toutes les affaires étoient arrêtées, où tous les impôts étoient déclarés illégitimes, dans un moment enfin d'inquiétude universelle, et lorsqu'on sentoit le besoin d'un nouvel ordre de choses, lorsqu'on le demandoit, ce n'étoit pas des oppositions qui pouvoient sauver l'état et gagner l'opinion publique. On conçoit néanmoins comment à distance, tous les ordres et tous les partis pouvoient être contens, en perspective, de la constitution surannée dont on avoit annoncé le rétablissement; et peut-être que le moment étoit passé où le monarque auroit pu se rendre à lui seul le législateur de son pays.

Il fallut donc s'engager dans les hasards. des états-généraux et de leurs trois ordres; il fallut ouvrir cette scène de rivalité que la disposition des esprits rendoit si dangereuse.

On ne pouvoit, près de tant de prétentions dont le développement étoit inévitable, près de tant d'intérêts au moment de se combattre,

on ne pouvoit se tracer à l'avance une règle invariable de conduite; mais un petit nombre de vérités importantes devoient se présenter aux regards du gouvernement et captiver son attention. Tout annonçoit, par exemple, que les deux premiers ordres n'avoient plus, 'comme autrefois, l'ascendant nécessaire pour être à eux seuls les soutiens de l'autorité royale, et que cette autorité avoit besoin d'associer son crédit chancelant à la force croissante de l'opinion publique. Tout annonçoit encore qu'il falloit opposer une grande sagesse à ce mouvement universel dont on venoit d'éprouver la puissance, et qui avoit vaincu la résistance des parlemens, soumis leurs préjugés et réprimé si fortement les mesures arbitraires de l'administration suprême. Tout annonçoit enfin que, dans l'affoiblissement des idées conservatrices de tous les sentimens de respect, il falloit se faire un appui de l'amour des peuples, et chercher soigneusement à regagner au roi ce qu'on avoit fait perdre à la royauté; ce qu'on lui avoit fait perdre par une suite de fautes dont la réparation, au moment des états-généraux, étoit mise hors des mains. du gouvernement, et ne pouvoit plus appartenir ni à ses volontés, ni à sa repentance.

On ne savoit encore, en réfléchissant aux

états-généraux, si l'on avoit plus de craintes à concevoir du choc des passions que de la confusion des idées et des opinions. C'étoit donc au milieu d'une agitation générale que les ministres et le conseil d'état avoient à placer heureusement leur foible autorité. Ils devoient, pendant la tenue des états-généraux, n'omettre aucun moyen naturel de faire paroître le monarque avec dignité et de ramener les regards vers son rang suprême ; mais il importoit également de ne jamais compromettre une intervention dont le crédit pouvoit défaillir à la plus légère épreuve indiscrète.

Le gouvernement devoit encore chercher à concilier les difficultés et à rapprocher les esprits; car, si près des sujets de mécontentement qu'il avoit donnés, et au milieu de la défiance qu'il inspiroit encore, la discorde et la confusion étoient plus propres à faire naître des idées extrêmes qu'à ramener vers lui. Il falloit donc parler aux uns des sacrifices que les circonstances conseilloient, et aux autres de la modération qui appartenoit à tous les temps. Il falloit aussi présenter sans cesse l'importance de l'ordre public à ceux qui voyoient tout dans la liberté, et l'importance du pouvoir exécutif à ceux qui voyoient tout dans la loi. Il falloit encore, en ces temps de systèmes,

défendre avec confiance le présent contre l'avenir, le certain contre le possible, et toutes les idées réelles contre les invasions journalières de l'esprit métaphysique. Enfin il étoit surtout d'un devoir rigoureux, pour un homme public, de se montrer constamment l'ami respectueux de la justice, de la bonne foi, et de rester invariablement fidèle aux principes conservateurs des sociétés; à ces principes éternels et consacrés chez tous les peuples par les lois de la morale et les préceptes de la religion.

Tel étoit le plan général de conduite que devoit se proposer le gouvernement : on jugera s'il s'en est écarté, s'il l'a fait sciemment, s'il l'a fait par méprise; et le compte que je rendrai des événemens passés fera connoître aussi la part que j'ai eue aux résolutions du monarque et aux délibérations de son conseil.

Nul déguisement ne me sera nécessaire; et j'en aurois besoin, que je rejetterois encore ce honteux secours. C'est au moment où les haines et les injustices de tous les partis vous resserrent de plus en plus en vous-même, qu'il faut se mettre bien dans cet unique asyle, et le moindre reproche en détruit la tranquillité. Je ne sais d'ailleurs si l'ouvrage que je commence sera publié de mes jours; et je ne

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