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réparation des maux de la France. Oui, la nation libre alors dans ses opinions, la nation encore sans engagement, étoit prête à se ranger du côté de ceux qui auroient les premiers aplani les voies à ce concert de volontés si nécessaire et si demandé; elle étoit prête à se ranger du côté de ceux qui auroient les premiers assuré le mouvement, et le mouvement régulier, d'un corps politique formé de tant de parties et divisé par tant d'intérêts. Tout invitoit donc les deux premiers ordres à s'emparer de ce mérite, et, descendus comme ils l'étoient du haut degré de considération dont ils avoient joui dans les anciens temps, il leur importoit, plus que jamais, de s'associer à l'opinion publique, et d'emprunter d'elle une force que l'on eût pu confondre avec la leur. Telle étoit la marche qu'ils devoient suivre, telle étoit la politique de leur situation; et ils eussent été sages, ils eussent été prévoyans s'ils avoient combattu les députés du tiersétat, non pas à la cour, non pas chez les princes, non pas auprès du roi, qui lui-même avoit besoin d'aide, mais en avant de l'opinion publique et pardevers elle : ils eussent été sages, ils eussent été prévoyans, s'ils avoient cherché à la captiver, cette opinion, au lieu de la donner, pour ainsi dire, aux députés du tiers-état,

par une succession de mesures inconsidérées.

Que devoient-ils donc faire? Ce que leur conseilloient les véritables juges des circonstances. Ils devoient, en devançant la loi de la nécessité, annoncer de leur part deux résolutions également souhaitées. Ils devoient, en se montrant attentifs à la détresse du trésor royal, à l'écroulement des finances, à l'inquiétude universelle, déclarer qu'ils étoient prêts à se réunir aux députés du tiers-état, pour délibérer en commun sur les affaires générales de la nation. Ils devoient de plus, en se montrant pénétrés de la misère du peuple et de l'étendue des charges publiques, déclarer promptement et sans restriction, qu'ils renonçoient à toute espèce de privilége pécuniaire, et qu'ils vouloient désormais contribuer aux besoins de l'état en proportion de leurs facultés, et de la même manière que tous les autres citoyens françois. La noblesse et le clergé auroient accompagné ces deux déclarations de toutes les réserves qu'ils auroient jugées nécessaires au maintien de leurs autres prérogatives, au maintien des droits honorifiques fixés par leur état ou par leur naissance, et consacrés par le temps; et s'ils avoient distingué nommément ces questions du nombre des affaires susceptibles d'être traitées dans

une assemblée commune des trois ordres, le tiers-état et toute la France auroient trouvé l'exception parfaitement raisonnable.

On ne peut dire, on ne peut se représenter assez vivement aujourd'hui le degré de sensation qu'eût produit sur tous les esprits la démarche dont je viens de tracer l'idée; elle auroit mis sur-le-champ les deux premiers ordres en autorité dans la nation, et leur eût donné le moyen de captiver, de rassembler autour d'eux ce grand nombre de députés du tiersétat qui désiroient de concourir au bien public par les voies les plus simples et les plus tranquilles. Cependant, ainsi que je l'ai dit, la noblesse et le clergé auroient uniquement devancé la loi de la nécessité; car il étoit évident que leurs priviléges pécuniaires seroient sacrifiés à la clameur publique, et il l'étoit de même que les affaires nationales, dans l'état de crise où elles se trouvoient, ne pouvoient pas être traitées par trois assemblées séparées. Il est des choses tellement ordonnées par les circonstances, que l'habileté ne consiste pas à les combattre, mais à faire usage d'un esprit de prévoyance pour se placer à temps dans une meilleure position. Rien n'est plus rare à la vérité que cette sagesse; on croit toujours faire un sacrifice quand on obéit, quand on

cède à ce qui n'est pas encore, et l'on manque ainsi l'occasion de traiter librement avec les événemens inévitables.

Il faut le dire, le clergé apprécioit bien mieux que la noblesse l'empire des circonstances, et il n'eût résisté à aucune des démarches propres à ménager l'opinion publique; mais, associé à l'ordre de la noblesse par une communauté de priviléges et par une parité de rang, il ne pouvoit pas s'en séparer; et ce der nier ordre fut malheureusement guidé, dans les commencemens, par quelques hommes très-propres à l'égarer, par des légistes parlant beaucoup des premiers usages et des vieilles traditions; très-peu de l'esprit du temps et des circonstances nouvelles; par des légistes ou des issus de légistes, qui, pour faire oublier leur moderne noblesse et se montrer à l'égal des anciens preux, exagéroient tous les droits et les soutenoient en fanfarons.

Il se joignit à eux une autre sorte de guides non moins dangereux peut-être, c'étoient des hommes de la cour qui, ayant passé leur vie à Versailles et à l'entour des princes, se croyoient placés à l'origine de tous les pouvoirs, et qui, sans distinguer les époques, sans apercevoir la force de l'opinion dans un temps de malheur et d'alarme, considéroient le crédit et

l'intrigue comme un instrument applicable indifféremment à tout dans une monarchie. Ils se persuadèrent imprudemment qu'avec cette aide, on devoit dominer des états-généraux, ou les briser aisément s'ils se montroient indociles.

Quoi qu'il en soit, les députés de la noblesse ne firent aucune des déclarations que leur conseilloit une saine politique, et ils renfermèrent trop long-temps en eux-mêmes la disposition où ils étoient de renoncer à leurs priviléges pécuniaires. Ils vouloient malhabilement en faire un objet d'échange avec les députés du tiers-état; tandis qu'il falloit laisser ces députés à l'écart pour traiter directement avec leur maître; et ce maître étoit évidemment l'opinion publique. Ils pouvoient être tout par elle, et ils n'auroient rien été sans son appui. Aussi, même dans les momens où les plus fameux orateurs de l'assemblée nationale ont paru diriger cette opinion, ils n'étoient le plus souvent que ses augures ou ses interprètes, et ils ressembloient à ces Flugelmans, qui, placés en avant des régimens, semblent diriger à eux seuls l'exercice et le mouvement des troupes, tandis qu'ils ont toujours les regards fixés sur le major, et prêtent l'oreille à ses ordres.

Enfin, les députés de la noblesse, au lieu

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