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Les divers procédés signalés jusqu'à présent, les seuls d'un usage courant, ont un inconvénient commun : chaque application numérique exige encore un calcul ou une épure spéciale, et demande dès lors un temps parfois considérable. Il est bien vrai que les hommes supérieurs qui ont la direction d'un grand établissement scientifique ou industriel, ne s'astreignent pas à faire eux-mêmes de pareilles opérations des subalternes, calculateurs ou dessinateurs, sont ordinairement chargés de cette besogne essentiellement mécanique. C'est ainsi que la plupart des ateliers de construction comprennent un bureau technique, composé surtout de dessinateurs, comme, à côté des grands observatoires, il existe des bureaux de calculs dont l'unique mission est de former les éphémérides astronomiques ou nautiques, exécuter des calculs d'orbites, etc.

Quoi qu'il en soit de ce dernier point, le défaut commun des méthodes précédentes est aggravé par ce fait qu'une même application est souvent effectuée, quelquefois au même instant, par un grand nombre de calculateurs ou de dessinateurs, lorsqu'il eût suffi qu'un seul fît l'opération.

Pour éviter qu'il en soit ainsi, il existe un moyen simple, mais qui n'est à conseiller qu'à l'occasion de formules fréquemment employées : il consiste à calculer d'avance et à publier, au besoin, les résultats auxquels ces formules conduisent pour des valeurs des données suffisamment rapprochées et ne dépassant pas les limites pratiques. Très précieuse en toutes circonstances, une pareille publication offre l'avantage considérable de fournir aussi le résultat à un moment où tout autre procédé aurait été inapplicable ce peut être le cas du marin en détresse ou de l'officier militaire en présence de l'ennemi.

Quant à la manière dont il convient de réunir ainsi les principaux résultats d'une formule usuelle, le mieux, si la formule est d'ordre technique, est de former non un barême, mais un tableau graphique coté, ou, comme on

dit, un abaque (1). L'abaque constitue un quatrième moyen de simplification de calcul particulièrement commode tout en fournissant, comme le barême, toutes les solutions qui peuvent se rencontrer en pratique lors de l'application d'une formule déterminée, il a sur le barême le grand avantage de se construire beaucoup plus aisément et de donner plus rapidement la solution cherchée; un pareil tableau graphique une fois dressé pour une certaine formule, l'application à un cas particulier est réduite au plus grand degré de simplicité, à une lecture faite sur l'abaque lui-même.

C'est à la fin du siècle dernier qu'on paraît devoir faire remonter le premier abaque et, depuis lors, on en avait certes construit un grand nombre, de types divers ce n'est cependant qu'en 1891 que les principes qui les concernent ont été réunis par M. l'ingénieur d'Ocagne, professeur à l'École des Ponts et Chaussées de Paris, en un corps de doctrine auquel il a donné le nom de Nomographie, actuellement consacré par l'usage (2). Considérée à un point de vue très général, la nouvelle science détermine et classe, dans sa partie théorique, tous les modes possibles de représentation plane des équations (3); elle recherche ensuite, dans sa partie pratique, quels sont ceux de ces modes qui sont applicables à une équation donnée et quel est celui d'entre eux qui, dans le cas considéré, présente le plus d'avantages. Un an après l'apparition de la Nomographie, l'Institut de France, dont la compé

(1) Du mot ab, damier.

(2) La Société scientifique de Bruxelles, dont M. d'Ocagne est l'un des membres les plus distingués, a encore présente à l'esprit sa brillante conférence de 1892. Cf. d'Ocagne, Le calcul sans opérations. La Nomographie, dans la REVUE DES QUEST. SCIENT., 2o série, t. II, juillet 1892, pp. 48-82.

(3) Ce serait une erreur de croire que la représentation graphique d'une équation est nécessairement plane. Voir, par exemple, dans le Traité de Nomographie, la description du très ingénieux appareil donnant les racines de l'équation du troisième degré et imaginé par M. le Professeur R. Mehmke, de Stuttgart.

tence en matière scientifique est universellement appréciée, lui accordait l'un de ses prix et reconnaissait ainsi officiellement la haute valeur du travail de M. d'Ocagne.

Depuis 1891, les questions relatives aux abaques n'ont cessé d'être étudiées avec ardeur, tant au point de vue théorique qu'au point de vue pratique, non seulement par le savant auteur de la brochure de 1891, mais encore par beaucoup d'autres ingénieurs, par des astronomes, etc. Qu'il me suffise de signaler le plus important et le plus récent des travaux publiés dans cet ordre d'idées: c'est un ouvrage d'ensemble, comprenant près de 500 pages, dû encore à la plume infatigable de M. d'Ocagne, et où, à côté des principes, il a su réunir un très grand nombre d'applications extrêmement intéressantes et variées; ce volume est cinq fois plus gros que la brochure de 1891. A mon avis, le nouveau Traité de Nomographie (1) est un ouvrage d'un prix inestimable, qui devrait se trouver entre les mains de quiconque porte intérêt aux applications numériques. Mais ce n'est pas le lieu d'entrer dans des détails concernant la théorie ou les applications des abaques un article spécial doit être consacré, dans cette livraison de la REVUE, au récent Traité de M. d'Ocagne.

Personnellement, quand j'enseignais la mécanique appliquée, j'avais déjà été vivement frappé de certains abaques relatifs à cette science. L'apparition de la brochure de 1891 n'en a pas moins été pour moi une révélation et, à partir de cette époque, je suis devenu un chaud partisan des abaques. Auprès de mes collègues, auprès de mes élèves, dans mes écrits, partout je fais de la propagande. L'année dernière, sur ma demande, l'un des piliers de la Société scientifique, M. Goedseels, actuellement administrateur-inspecteur de l'Observatoire royal de Belgique et à qui la nomographie est redevable d'un de ses chapitres les plus généraux, venait donner à nos élèves-ingénieurs

(1) Grand in-8°; Paris, Gauthier-Villars, 1899.

actuels une conférence très remarquée sur les abaques; cette conférence fut ensuite, dans l'intérêt des aînés, publiée dans le BULLETIN DE L'UNION DES INGÉNIEURS SORTIS DES ÉCOLES SPÉCIALES DE LOUVAIN (1). Cette année, sur mon conseil, un jeune étudiant plein d'avenir, M. Dehairs, donnait à son tour à ses condisciples en sciences mathématiques une causerie sur le même sujet, et, fait plus significatif, M. l'ingénieur Suttor ouvrait, à l'Institut préparatoire annexé à nos Écoles spéciales, un véritable cours de Nomographie.

Aujourd'hui, en effet, il ne suffit plus que quelques ingénieurs ou professeurs isolés fassent apprécier, dans des cercles restreints, les avantages que présentent les abaques. La Nomographie possède d'autres droits. Elle constitue tout un corps de doctrine reposant sur des principes sûrs et dont l'exposé, surtout si l'on se borne au côté pratique, n'exige guère que les notions les plus élémentaires de géométrie analytique plane; quoique jeune encore, elle a un passé glorieux et on peut lui prédire, sans crainte de se tromper, l'accueil le plus sympathique auprès de tous les hommes techniques.

Mais il faut compter avec la nature humaine, qui, particulièrement à un certain âge, est rebelle à tout nouveau genre d'études; on ne peut espérer qu'un ingénieur en position, généralement absorbé par des questions très diverses, ait le goût et sache trouver le temps de compléter des connaissances théoriques déjà lointaines, quand même il reconnaîtrait que ce complément, une fois acquis, pourrait lui être fort utile.

Pas de doute c'est à l'École que doivent s'acquérir les notions théoriques essentielles, surtout si elles sont élémentaires et d'ordre général, et si leur introduction dans l'enseignement ne doit pas prendre une part trop large du

(1) 3e fascicule, 1898. Également dans les ANNALES DE LA SOCIÉTÉ SCIENTIfique de Bruxelles, t. XXIII, 1898-1899, 2o partie, pp. 1-54 et, en tiré à part, chez M. Lagaert, à Bruxelles.

temps ordinairement réservé à d'autres matières. Ces conditions étant toutes réalisées par la Nomographie, on ne peut hésiter davantage à l'inscrire au programme des cours, spécialement parmi les matières destinées au futur ingénieur c'est, en effet, l'ingénieur qui doit profiter le premier du nouvel enseignement; il se contente souvent d'approximations relativement grossières et, pour lui, la solution fournie par l'abaque sera d'ordinaire la solution définitive.

Cela ne veut pas dire que la Nomographie ne puisse être très utile aussi au mathématicien, à l'astronome, au financier; seulement, pour ceux-ci, comme ils ont généralement besoin d'une plus grande approximation dans les résultats, la solution que donne l'abaque ne sera souvent qu'une première indication, d'autant plus précieuse, il est vrai, qu'on aura affaire à des calculs plus longs et plus pénibles et où une erreur est aisément commise.

Parmi les premiers initiés à la nouvelle théorie, ceux qui ont une aptitude spéciale pour le calcul et le dessin pourront se faire constructeurs d'abaques. Entre leurs mains, une formule générale se traduira en abaque, sans qu'il soit nécessaire qu'ils se préoccupent de la signification des lettres que renferme la formule: il suffit que celle-ci soit assez simple et que les variables, en nombre quelconque, oscillent entre des limites assez resserrées. Pour plus de facilité pour l'homme technique, les abaques pourront être accompagnés d'une légende explicative, indiquant leur mode d'emploi.

Reste un dernier point à examiner dans quelle année d'études convient-il d'établir le cours d'abaques ou mieux de Nomographie? On pourrait très bien le placer dans la classe de mathématiques spéciales ou première scientifique, comme l'a fait, cette année, avec grand succès, M. l'ingénieur Suttor à notre Institut préparatoire en sept leçons d'une heure, les élèves ont pu y acquérir une idée déjà satisfaisante des principaux types d'abaques. Je trouve

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