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pour être équitable et par conséquent accepté, supposait que les prix unitaires étaient rigoureusement invariables. Or ils ne pouvaient pas l'être, tant qu'on n'avait pas standardisé scientifiquement le travail, fixé au petit bonheur par un contremaître. Ce système avait rapidement amené, suivant la qualité des ouvriers et même la nature des besognes, des différences de salaires considérables et imprévues. Dans telle industrie, où la moyenne des salaires journaliers était 10 francs, tel excellent ouvrier n'avait gagné que 12 francs, tel ouvrier médiocre dépassait la vingtaine. Force était de remanier les prix de base. On le faisait de manière à uniformiser et à ne pas exagérer les salaires. Dans tous les cas, et quel qu'en fût le motif, il y avait une sorte de rupture du contrat de travail et une véritable négation du salaire aux pièces. Les ouvriers s'en aperçurent vite, et ralentirent partout leur production pour forcer le patron à augmenter ses taux de base; on rompait le contrat en sens inverse, et, dans cette lutte dont on voyait mal l'issue, le salaire aux pièces était complètement discrédité.

Plus récemment, on a proposé d'autres modes de rémunération. On les nomme salaires avec primes. On connaît les primes de Halsey ou de Rowan. Le principe consiste à donner un minimum de salaire en échange d'un minimum de travail en quantité et en qualité, minimum auquel, en cas de production plus grande, on ajoute une prime dont la formule ne nous importe pas en ce moment. Néanmoins, le mot « prime », ou son aspect mathématique, a fait illusion à beaucoup. Ce qui importe en cette question, ce n'est pas la formule du salaire, mais les expériences sur lesquelles on l'appuie. Ces expériences sont précisément celles qui aboutissent à standardiser et à chronométrer, et il est clair qu'elles supporteraient tout aussi bien le salaire aux pièces que le salaire à primes. En effet, lorsqu'on a standardisé et chronométré un travail, l'ouvrier connaît la meilleure manière de le faire et

on connaît le temps qu'on peut exiger de lui. Si, par surcroît, le chronométrage a été rendu public, ce temps est tacitement admis par tout l'atelier. Il permet donc de fixer un salaire de base et il y a bien peu de chances que l'ouvrier improvise une standardisation nouvelle qui lui amène des profits exagérés. Dès lors, la standardisation et le chronométrage deviennent une sorte de charte, posée une fois pour toutes entre l'employeur et l'employé, et dont l'équité dépend de son caractère scientifique.

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Le chronométrage, à la condition qu'il ne vienne qu'à la suite d'une standardisation, est de plus en plus accepté, désiré même, par beaucoup de syndicats ouvriers. Si le chronométrage a eu, il y a quelque temps, une très mauvaise presse dans les milieux syndicalistes, c'est qu'on le caricaturait de la façon la plus sotte et la plus odieuse ; d'abord on ne le faisait pas précéder de standardisation, mais on laissait chaque ouvrier inventer des méthodes qui auraient dû être établies par un bureau d'études; ensuite on chronométrait, non des ouvriers moyens, mais des ouvriers d'élite; enfin on était parfaitement décidé à diminuer les prix de base, si ces sortes de coups de cravache obtenaient un meilleur rendement. Cette méthode -est-il besoin de le prouver?- était presque exactement le contraire de la méthode scientifique que nous venons de décrire, et les ouvriers n'avaient point tort de dire qu'elle n'était, en somme, que l'organisation du surmenage.

Mais si les ouvriers acceptent un chronométrage et une standardisation fondés sur l'expérience, c'est un certain nombre de patrons qui se refusent à l'appliquer ; ces patrons, beaucoup plus capitalistes qu'industriels, trouvent en effet plus commode de laisser l'ouvrier deviner luimême les gestes les plus utiles que à monter, avec quelques dépenses d'argent et de grosses dépenses d'intelli

gence, ces bureaux d'études dont l'institution est cependant leur besogne propre.

Il faut espérer, néanmoins, que cet état d'esprit patronal disparaîtra comme l'état d'esprit ouvrier que nous rappelions auparavant, et qu'en ces matières c'est la science qui s'imposera, amenant avec elle, dans les rapports des employeurs et des employés, une justice qui contribuera dans une très large mesure à l'accroissement de la production.

JOSEPH WILBOIS,

Directeur de l'École d'Administration et d'Affaires.

VARIÉTÉS

I

ANCIENNE MÉDECINE ARABE (Suite.) (1)

Le milieu historique, sommairement évoqué dans les pages qu'on vient de lire, prêtera, croyons-nous, une saveur plus précise aux quelques épisodes et traits de mœurs qu'il nous reste à grouper pour achever notre esquisse de l'ancienne médecine arabe.

Hygiène générale.

Nous avons dit que le Prophète ne dédaignait pas d'enseigner les rudiments de l'hygiène et de la thérapeutique. Nous retrouvons cette préoccupation de l'hygiène physique dans plusieurs de ces Manuels orientaux de religion, de morale et de savoir-vivre, si pittoresques avec leur entrelacement perpétuel de préceptes, d'exhortations, d'historiettes tristes ou joyeuses et de jolis vers.

Voici, par exemple, une leçon de frugalité, extraite du Gulistan ou « Jardin des roses », de Sa'di (1193-1291), petit livre encore usité dans les écoles persanes :

« Il est écrit aux Annales d'Ardeshir Babekan, que ce souverain demanda à un médecin arabe quelle quantité de nourriture il était convenable de prendre chaque jour. La réponse fut Le poids d'une centaine de dirhems suffit. Mais, reprend le roi, quelle vigueur cette quantité-là vat-elle me donner? Le médecin répliqua : Cette quantité te portera; mais tout ce que tu prendrais en plus, c'est toi qui devrais le porter.

(1) Voir REV. Qu. Sc., avril 1922, pages 403-419.

« Mange pour vivre, en redisant tes prières ;

Et ne crois point que la vie soit donnée pour manger » (1).

Feuilletons pareillement le classique « Livre des conseils >>> (Pend-Nameh) de Ferid ed-Din Attar († 1230), auquel les Musulmans d'Asie reconnaissent aujourd'hui encore tant d'autorité. Je cite dans la traduction de Sylvestre de Sacy. Le chapitre XIII est intitulé: «Des causes d'une bonne santé ». « Si tu désires, mon ami, jouir d'une santé parfaite, quatre choses pourront te la procurer. L'abondance des choses nécessaires à la vie, puis l'exemption de toute crainte, sont des gages certains d'une bonne santé. Si, au calme d'une âme que rien ne trouble, tu joins la vigueur du tempérament, tu n'auras plus rien à désirer de tous les biens de cette vie. Abstiens-toi, autant que tu le pourras, de te prêter aux désirs de ton âme... Écrase et foule aux pieds les penchants de ton cœur.... Traite rudement ton âme... ; éloigne-la, autant que tu le pourras, de tout ce qui est souillé... Ne te remplis point sans mesure d'aliments et de boisson, ne t'assimile point aux animaux qui habitent les étables. Lors même que tu ne jeûnes point, prends peu de nourriture pendant le jour et ne mange point jusqu'à la satiété... O toi qui consacres au sommeil toute la durée de la nuit jusqu'au lever du jour, songe à allumer un flambeau qui t'éclaire dans les ténèbres du tombeau. Manger et dormir est une occupation digne seulement des animaux » (2).

En prenant, dans ma bibliothèque, le Pend-Nameh, pour transcrire ces graves conseils, j'entraînai du même geste les Quatrains de l'énigmatique Omar Khayyam († vers 1123), le poète de l'épicurisme tragique et de la bouffonnerie douloureuse. Le contraste avec la sagesse prolixe d'Attar est si complet que je ne résiste pas au plaisir de citer quelques vers. Adieu la frugalité !

Bois du vin... C'est lui la vie éternelle,

C'est le trésor qui t'est resté de tes jours de jeunesse :
Saison des roses et du vin, et des compagnons ivres !
Sois heureux un instant, cet instant c'est ta vie. (XXXVI)

(1) L. Cranmer-Byng, The Rose-Garden of Sa'di. London, 1910, P. 39.

(2) Pend-Nameh, ou le Livre des Conseils, de Férid-eddin Attar. Traduit et publié par Sylvestre de Sacy. Paris, 1819, pp. 42-43.

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