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prétend imposer silence aux doutes de la raison par des réponses d'une apparente clarté. La contradiction, en de pareilles matières, est le signe de la vérité'.» A ce compte, personne ne se sera plus rapproché de la vérité que M. Renan. Non pas que je lui fasse un crime de se contredire. Si l'on ne peut admettre que la contradiction soit jamais le signe de la vérité, on peut dire qu'elle est souvent, en pareilles matières, un signe de sincérité, et je félicite M. Renan d'avoir autant de fois démenti qu'accepté la triste formule de l'immortalité hegélienne.

Malheureusement la contradiction lui plaît au point qu'il y revient sans cesse et semble s'y complaire. Une fois, il lui arrive de poser dans ses vrais termes le problème de la destinée; mais le problème posé, il recule devant la solution attendue et jusqu'au bout espérée. A-t-il donc vraiment peur de cette conclusion qu'il prépare et qu'il élude après l'avoir admirablement préparée ? Un mot manque, un seul; mais ce mot est tout. Il est vrai que ce mot est un lieu commun et que M. Renan a horreur des lieux communs. Et cependant y a-t-il rien dans les jeunes vérités qui ait le charme et la beauté de ces lieux communs, Dieu, la vie future? Qu'on y prenne garde, j'ai peur que l'humanité ne donne une traduction bien grossière aux subtilités de Hegel et qu'en définitive on ne s'a

1. Étude sur le poëme de Job, p. 67.

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perçoive par de cruelles expériences que les anciennes idées avaient leur prix.

Posons donc le problème avec M. Renan. Un autre conclura pour lui : « La grandeur de la nature humaine consiste en une contradiction qui a frappé tous les sages et a été la mère féconde de toute haute pensée et de toute noble philosophie d'une part la conscience affirmant le droit et le devoir comme des réalités suprêmes; d'une autre, les faits de tous les jours infligeant à ces profondes aspirations d'inexplicables démentis. De là une sublime lamentation qui dure depuis l'origine du monde et qui jusqu'à la fin des temps portera vers le ciel la protestation de l'homme moral. »

Oui, la conscience a un droit d'appel contre Dieu; car elle trouve d'injusticiables lacunes dans son œuvre présente. Oui, à ne voir que ce monde, l'homme a le droit de se plaindre de cette lutte éternelle contre une force ennemie qui le brise à chaque instant dans son corps et dans son cœur. Tout cela est vrai, tristement et cruellement vrai, si ce monde est le seul. Concluez donc! vous vous êtes avancé si près de la solution! Elle est dans votre cœur. Mais le doute a froidement repris sur vos lèvres le mot sublime qui allait s'en échapper.

M. Jouffroy, il y a vingt ans, avait posé ce grand problème presque dans les mêmes termes. Lui aussi, il considérait la vie, telle qu'elle nous est faite, comme une lutte acharnée et douloureuse contre un ensemble de forces ennemies qui nous

torturent quand elles ne nous écrasent pas. Ce monde, il le définissait la mise en opposition des différentes destinées. Pour lui aussi, l'obstacle et la contradiction étaient partout. Mais il fit un pas de plus que M. Renan, et ce pas fut décisif. Toutes mes facultés souffrent, disait-il, tous mes désirs les plus nobles meurent impuissants sur cette terre. Ma raison comprend la portée sublime de ces aspirations et de ces désirs, ce qui aggrave la tristesse de mon sort. Quel scandale et quel désordre! Mais comme tout se rectifie, au contraire, et s'illumine à mes yeux, s'il y a une autre vie! Dès lors tout s'explique ; mes souffrances ne sont plus que les saintes épreuves de ma moralité; l'obstacle n'est plus que la condition de ma personnalité responsable et libre. Tout mon être moral se crée; tout l'ordre du monde s'éclaire à des profondeurs inouïes. Eh quoi! je vois la convenance, la divine nécessité, la grandeur de l'ordre dans l'hypothèse d'une autre vie, et cette hypothèse ne serait qu'une chimère impossible, absurde! La plus grande absurdité serait, au contraire, que cette vie fût tout; donc il y en a une autre.

Avant M. Jouffroy, un philosophe cher à la piété filiale de M. Renan, Kant, le vrai père de l'école critique, avait conclu aussi hardiment, en prenant pour point de départ le devoir, la seule réalité devant laquelle s'arrêtât son inexorable critique. Mais avec ce point de départ, tout fut rétabli, et l'immortalité reprit à ses yeux toute son évidence. M. Renan loue cette belle et hardie volte-face du pen

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seur allemand. « C'est l'histoire de tous ceux qui ont parcouru avec énergie le cercle de la pensée. A merveille. Mais après avoir suivi Kant jusqu'à cette révélation souveraine du devoir, pourquoi ne va-t-il pas aussi loin que lui, jusqu'où le grand critique le mène ? Pourquoi abandonner en chemin son guide? J'admets, si l'on veut, que le nescio quid inconcussum, l'indubitable, l'absolu commence au devoir. Mais une fois que ce premier terme est posé, les autres s'enchaînent par une loi logique que personne n'a suivie d'un cœur aussi ferme, d'une raison aussi résolue que le philosophe allemand. Ce sera là, peut-être, la plus durable partie de sa gloire. Il a donné la preuve éclatante de cette solidarité sainte de toutes les vérités qui constituent l'ordre moral : Le devoir, la liberté, sans laquelle la loi n'est qu'un pur abstrait; Dieu, substance de la loi, gardien de l'ordre moral; la vie future ouvrant à l'âme la carrière d'un développement indéfini.

Dieu, la liberté, l'immortalité; triple et inséparable corollaire du devoir. Schiller disait, dans son enthousiasme, que Kant avait retrouvé les trois paroles de la foi. De ces trois grandes paroles, espérons que pas une n'échappera à la recherche des âmes de bonne volonté.

CHAPITRE VII

LES DOCTRINES RÉCENTES SUR LA VIE FUTURE

(SUITE)

LES UTOPISTES ET LES POËTES

DE L'IMMORTALITÉ

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