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qu'elles remontent à l'année 434, et font voir ce qu'était l'art en Italie avant la renaissance (qui eut lieu vers 1250). Le pape Paul V choisit Sainte-Marie-Majeure pour y placer son tombeau (1620): il faut convenir que sa chapelle est magnifi– que; il fit placer à côté de son tombeau celui de Clément VIII, qui l'avait fait cardinal. Les statues des deux papes sont de Sylla, de Milan. Il est fâcheux que Paul V, qui avait le génie d'un grand seigneur, n'ait pas trouvé de meilleur sculpteur; sa chapelle est comblée de statues et de bas-reliefs, les marbres les plus riches y sont prodigués.

Au milieu de tant d'objets d'art, il ne faut s'arrêter qu'aux fresques qui se trouvent sur les côtés et aux arcades des fenêtres, ainsi qu'au-dessus du tombeau de Paul V; on les compte au nombre des bons ouvrages de Guido Reni: ce sont les saints grecs et les impératrices canonisées; mais qu'importent les noms que l'on donne à ces figures? L'image de la Vierge, qui est sur l'autel, a été peinte par saint Luc; elle est placée sur un fond de lapis, entourée de pierres précieuses et soutenue par quatre anges de bronze doré. Sur l'entablement de cet autel on remarque un bas-relief pareillement de bronze doré, c'est le miracle de la neige qui donna lieu à la fondation de cette basilique.

Cette chapelle de Paul V, et celle du pape Corsini à SaintJean-de-Latran, donnent l'idée de la magnificence et réveilleraient le goût un peu obtus des gens du Nord ou des habitants de l'Amérique; à Rome elles sont peu considérées.

Sainte-Marie-Majeure a deux façades : celle qui est au nord, et que l'on voit de la rue qui conduit à la Trinità de' Monti, fut élevée par les ordres des papes Clément IX et Clément X (1670).

Sixte-Quint fit transporter sur la place solitaire qui est devant cette façade un obélisque de granit rouge sans hiéro

glyphes. L'empereur Claude l'avait fait venir d'Égypte; il gisait devant le mausolée d'Auguste, où il a été trouvé, ainsi que l'obélisque de Monte Cavallo; il a quarante-deux pieds de haut et le piédestal vingt-un.

La rue par laquelle nous sommes allés d'ici à la prace de la colonne Trajane est curieuse à cause des montées et des descentes. Elle m'a semblé habitée par le petit peuple; les propos annoncent un caractère sombre, passionné et satirique la gaieté de ce peuple est de l'ivresse. On trouve ici toute lá verve du caractère italien. Parmi nous, gens du nord de la Loire, la civilisation, en fixant l'attention sur ce que les autres pensent de nous, a fait disparaître le brio sans lequel la musique italienne ne saurait avoir des auditeurs dignes d'elle. En revanche cette attention aux autres fait naître l'esprit, le piquant et la comédie Voyez jouer des proverbes dans un salon de Paris, on y dit sans verve les plus grandes folies. - C'est dans la rue que nous suivions en faisant ces raisonnements que se commettent la moitié des assassinats de Rome.

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7 juillet 1828. Madame Lampugnani nous a menés, Frédéric et moi, au concert que donnait madame Savelli. La musique était plate, ce qui ne m'a pas surpris; elle est du maes tro Donizetti: cet homme me poursuit partout. Toujours faut-il louer le bon goût des Romains: ils exigent dans les concerts de la musique nouvelle. A Paris nous retrouvons dans tous les salons les airs d'Othello, de Tancrède et du Barbier, que depuis dix ans nous entendons chanter au théâtre, et cent fois mieux, par mesdames Mainvielle, Pasta et Malibran.

La musique étant nauséabonde, j'ai fait la conversation avec mon ami monseigneur N***, l'ultra le plus spirituel de Rome, Il se moquait fort de la prétendue liberté dont on jouissait à Gênes et à Venise avant la révolution. Je lui ai facilement

prouvé que si ces républiques avaient survécu, elles auraient aujourd'hui les deux chambres, et tous les Italiens riches iraient s'y établir.

Mon abbé ultra meurt d'envie d'aller voir à Paris a Chambre des députés, il a besoin de pouvoir prouver aux autres et peut-être à lui-même que c'est une invention détestable. Je lui conte des anecdotes qui le font sourire et un instant après le torturent; enfin la musique a fini. Un Florentin fort aimable disait à madame Lampugnani : « Le meilleur commentaire sur un grand poëte, l'Arioste par exemple, c'est le récit des circonstances au milieu desquelles il a vécu.

« Quand l'Arioste, qui vivait à la cour de Ferrare où il était à peu près sous-préfet, avail trente ans, en 1505, voici ce qu'y faisait le cardinal Hippolyte, qu'il a tant célébré. Le cardinal voulait plaire à une dame de ses parentes qui avait pour amant don Jules d'Este, son frère naturel; un jour Hippolyte, reprochant à cette dame la préférence qu'elle accordait à son rival, elle s'en excusa en alléguant la puissance qu'exerçaient sur elle les beaux yeux de don Jules. Le cardinal sort de chez elle furieux; et, apprenant que son frère don Jules est à la chasse, il va le surprendre dans les bois, le long du Pô, le force à descendre de cheval, et là en ́sa présence lui fait arracher les yeux par ses écuyers. Mais, bien que le cardinal surveillât ses gens pendant cette atroce exécution, don Jules, quoique défiguré, ne perdit pas absolument la vue1.

« L'aimable Alphonse, frère de Jules et d'Hippolyte, qui régnait alors, n'était pas assez puissant pour punir un prince de l'Église. Il passait une grande partie de ses journées à surveiller la fonte de ses canons de bronze. (On sait qu'il s'immortafisa à la bataille de Ravenne, par la première grande manœu

1 Guichardin, liv. VI, p. 357.

vre d'artillerie en rase campagne, dont l'histoire fasse mention.) Il s'oubliait des matinées entières dans son atelier de tourneur, où il exécutait avec beaucoup d'adresse des travaux en bois. Ne songeant qu'à vivre gaiement, il admettait à une familiarité intime les hommes d'esprit qui se trouvaient à Ferrare; on comptait parmi eux l'Arioste, des bouffons et des hommes de plaisir. Alphonse, sentant en lui les grandes qualités qui font le prince, vivait sans affectation, sans pédanterie, et ses sujets le jugeaient peu digne du trône.

« Une ambition démesurée porta son second frère don Ferdinand à tirer parti de cette circonstance; un ardent désir de vengeance poursuivait le malheureux don Jules devenu main- ́ tenant fort laid; tous deux cherchèrent et trouvèrent des associés pour renverser le gouvernement. Don Jules voulait se venger par le fer et le poison d'Hippolyte et d'Alphonse, qui ne l'avait pas puni, Ferdinand n'en voulait qu'à la cou

ronne.

« La difficulté de cette conspiration était de se défaire des deux frères à la fois. On ne les voyait ensemble que dans les grandes cérémonies, et alors ils étaient entourés d'une garde nombreuse; ils ne mangeaient jamais l'un avec l'autre; Alphonse, entouré de sa joyeuse compagnie, prenait ses repas de bonne heure; le cardinal Hippolyte, avec toute la pompe et la délicatesse d'un homme d'église, prolongeait les siens jusqu'à minuit.

« Les conjurés attendaient une occasion favorable. L'un d'eux, Giani, chanteur célèbre, faisait tant de plaisir au duc par son talent, que ce prince jouait avec lui comme un écolier. Souvent dans les jeux auxquels ils se livraient ensemble dans les jardins, Giani avait lié les mains au prince et aurait pu l'assassiner. Mais Hippolyte ne perdait point le souvenir de ce qu'il avait fait; par ses ordres on surveillait de fort près

toutes les démarches de don Jules, et enfin, au mois de juillet 1506, le cardinal surprit le secret du complot.

« Le pauvre don Jules eut le temps de s'enfuir jusqu'à Mantoue, mais il fut livré par le marquis François II de Gonzague. La torture infligée à Giani et aux autres conjurés fit connaître parfaitement le projet des deux frères. Les subalternes furent mis à mort; Ferdinand et Jules, qui avaient été condamnés au même supplice, reçurent leur grâce comme ils étaient déjà sur l'échafaud; leur peine fut commuée en une prison perpétuelle. Ferdinand y mourut en 1540; Jules fut remis en liberté en 1559, après cinquante-trois ans de captivité. Nous avons vu les portraits de tous ces gens-là dans la bibliothèque de Ferrare. »

J'ai rapporté cette anecdote parce qu'elle est plus ou moins dissimulée par tous les gens d'esprit du temps, qui cherchaient à plaire à Alphonse. L'Arioste, en introduisant les deux malheureux frères parmi les ombres présentées à Bradamante, se récrie sur la clémence d'Aphonse 1.

Vers l'an 1500, les princes commencèrent à craindre l'histoire et à acheter les historiens. L'histoire d'Italie, si belle jusqu'alors, devient vers 1550 comme l'histoire de France de Mézeray, du père Daniel, de Velly, etc. on lit un homme acheté par de l'argent ou par le désir de la considération et la nécessité de ménager des préjugés puissants. Le seul SaintSimon fait exception parmi nous; quant à l'Italie, Guichardin est un vil coquin; Paul Jove ne dit la vérité que lorsqu'il n'est pas payé pour mentir, et il s'en vante.

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8 juillet 1828. Nous errions ce matin sur le mont Aventin par un temps enchanteur, pas de soleil et des bouffées d'un air frais qui vient de la mer; il y a eu sans doute quelque

1 Orlando furioso, chant III, octaves LX et LXII.

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