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les circonstances le portèrent à s'allier avec les Orsini, et souvent l'on se battit jusque dans les rues de Rome; heureusement César Borgia, son fils, avait beaucoup de courage et quelque talent pour la guerre.

Il serait trop long d'expliquer la politique habile d'Alexandre VI; nous n'avons voulu qu'esquisser la situation morale du pays au milieu duquel croissait le jeune Raphaël. Il avait seize ans en 1499, et travaillait à Pérouse dans la boutique du Pérugin. Michel-Ange avait vingt-cinq ans, et le supplice de Savonarole, son ami, l'avait tellement frappé d'horreur, qu'il abandonna tout travail.

Le 4 septembre 1501, Lucrèce Borgia, fille du pape, plus remarquable encore par son esprit que par sa rare beauté, épousa Alphonse, fils aîné du duc de Ferrare. Le seigneur de Pesaro, dont Burkhardt raconte les noces, avait été son second mari. Un divorce l'avait séparée du premier.

Un autre divorce, prononcé par son père, la mit ensuite dans les bras d'Alphonse d'Aragon, fils naturel d'Alphonse II, roi de Naples; mais les Français conquirent Naples: Alphonse ne fut plus qu'un prince malheureux. Le 15 juillet 1501, une main inconnue le perça de coups de poignard sur l'escalier de la basilique de Saint-Pierre; et, comme il ne mourait pas assez vite de ses blessures, le 18 août suivant il fut étranglé dans son lit. Ce fut ainsi que Lucrèce parvint à être princesse héréditaire de Ferrare 1.

Sa conduite devint régulière; elle avait eu quelques galanteries difficiles à raconter; mais il ne faut attribuer ses divorces qu'à la politique de son terrible père, et ne pas oublier que César Borgia, son frère, est le héros du Prince de Machia

1 Lord Byron avait une petite mèche des beaux cheveux blonds de Lucrèce Borgia.

vel. César se serait fait roi d'Italie, si, lorsque son père lui fut enlevé tout à coup le 18 août 1503, il ne se fût trouvé luimême presque mourant.

Paul Jove, évêque de Como, est un historien menteur, toutes les fois qu'il est bien payé pour mentir, c'est ce qu'il nous apprend lui-même; mais ce fut un homme d'esprit, contemporain des événements. Voici, suivant lui, l'anecdote de la mort du pape et de la maladie de César.

Le pape avait invité à souper le cardinal Adrien de Corneto dans sa vigne du Belvédère, près du Vatican; il avait l'intention de l'empoisonner. C'était le sort qu'il avait fait subir aux cardinaux de Saint-Ange, de Capoue et de Modène, autrefois ses ministres les plus zélés, mais qui étaient devenus fort riches. Le pape voulait en hériter.

César Borgia avait envoyé ce jour-là du vin empoisonné à l'échanson du pape sans le mettre dans sa confidence; il lui avait seulement recommandé de ne servir ce vin que d'après son ordre exprès. Pendant le souper, l'échanson s'éloigna un instant, et, durant son absence, un domestique, qui ne savait rien, servit de ce vin au pape, à César Borgia et au cardinal de Corneto.

Ce dernier dit ensuite lui-même à Paul Jove qu'au moment où il eut pris ce breuvage il sentit à l'estomac un feu ardent; il perdit la vue et bientôt l'usage de tous ses sens; enfin, après une longue maladie, son rétablissement fut précédé par la chute de toute sa peau1. Alexandre VI mourut après quelques heures de souffrances; son fils César resta cloué dans son lit et hors d'état d'agir.

Paolo Giovio, Vita di Leone X, lib. II, p. 82. - Vita del cardinale Pompeo Colonna, p. 358. Ce poison était une poudre blanche d'un goût agréable, la mort était certaine et n'avait lieu, si l'on voulait, qu'après plusieurs jours. Voir la mort de Zizim, frère du sultan Bajazet.

Alexandre VI avait créé quarante-trois cardinaux; la plupart de ces nominations rapportèrent dix mille florins. Entre autres mesures fort sages, et qui servent encore aujourd'hui de lois l'Église, Alexandre VI, qui avait compris toute la portée de la rébellion de Savonarole, ordonna aux imprimeurs, et sous peine d'excommunication, de n'imprimer aucun livre sans l'aveu des archevêques. (Bref du 1er juin 1501.)

Il prescrivit aux archevêques de faire brûler tous les livres qui contiendraient des doctrines hérétiques, impies et mal

sonnantes.

César Borgia disait dans la suite à Machiavel qu'il croyait avoir pensé à tout ce qui pouvait arriver au moment de la mort de son père, et qu'il avait trouvé remède à tout; mais qu'il n'avait jamais songé que, lors de cet événement, il se trouverait lui-même retenu dans son lit par d'affreuses douleurs. César croyait pouvoir désigner le successeur de son père; il comptait sur les dix-huit cardinaux espagnols qu'il avait fait entrer dans le sacré collége.

Quelque accablé qu'il fût par l'effet du poison, il ne s'abandonna pas lui-même. Dans Rome et dans son territoire, tous les lieux fortifiés étaient occupés par ses soldats. Il se rendit maître du Vatican, et fit la paix avec les Colonna.

A peine la nouvelle de la mort du pape se répandit-elle dans la ville, que le peuple accourut en foule à Saint-Pierre. Les Romains venaient contempler les restes de cet homme terrible, qui, pendant neuf ans, les avait menés par la terreur.

George d'Amboise, ministre ambitieux du bon Louis XII, accourut à Rome pour se faire pape. On lui fit les plus belles promesses, et les cardinaux élurent, parce qu'il était mourant, un vieillard vertueux, qui, sous le nom de Pie III, ne régna que vingt-six jours; encore prétend-on qu'il fut empoisonné. George d'Amboise, désabusé de ses prétentions person

nelies, travailla pour le cardinal Julien de la Rovère. Ce grand homme, exilé par Alexandre VI, avait passé à la cour de France presque tout le temps du pontificat de son ennemi. Alexandre disait de lui qu'il ne lui connaissait d'autre vertu que la sincérité. Julien était fort riche, et jouissait de nombreux bénéfices. Tous ses amis mirent à sa disposition leurs propres bénéfices et leur fortune, afin qu'il pût acheter des voix dans le conclave. On reconnaît bien ici des âmes italiennes chez lesquelles l'habitude de la politique la plus fine ne peut éteindre les sentiments passionnés.

César Borgia, toujours mourant, fut réduit à vendre ses cardinaux espagnols à Julien, son ancien ennemi; et, le jour même de l'entrée au conclave, 31 octobre 1503, le cardinal de la Rovère fut proclamé pape et prit le nom de Jules II.

Vous vous rappelez son beau portrait par Raphaël, qui est à Florence, et que nous avions au musée du Louvre.

La force de volonté et le talent militaire montèrent sur le trône avec Jules II. Il étudia sa position pendant quelques jours, et ensuite fit arrêter César Borgia, qui alla mourir obscurément en Espagne, au siége d'une bicoque.

Vous savez que Jules II fut l'un des promoteurs de cette fameuse ligue de Cambrai, qui mit Venise à deux doigts de sa perte, et fonda en Europe cette république de souverains dont les usages s'appellent le droit des gens 1. Pendant tout le règne de ce pape, les Français firent la guerre en Italie.

A peine sur le trône, Jules II appela auprès de lui MichelAnge, alors âgé de trente ans, et dans toute la fougue de son génie et de son caractère. Ces deux hommes extraordinaires, également fiers, également emportés, s'aimèrent et se brouillèrent souvent.

Ancillon, Histoire de la balance politique.

En 1503, époque de l'avénement de Jules II, Raphaël était sur le point d'aller voir Florence pour la première fois. Pendant qu'il étudiait à Pérouse, il avait vécu au milieu des préparatifs de guerrre. Les bourgeois, alors fort braves, s'exerçaient aux armes et suivaient avec le plus vif intérêt les entreprises politiques de Jean-Paul Baglioni, le petit tyran fort habile qui régnait dans leur ville. Baglioni s'était assuré le pouvoir souverain en faisant massacrer plusieurs de ses cousins et de ses neveux. Sa propre sœur était sa maîtresse, et il en avait plusieurs enfants; il confisquait à son profit les biens des riches citoyens de Pérouse qui prenaient la fuite. Quelque temps avant la bataille du Garigliano, il trouva le moyen de dérober une grosse somme d'argent aux Français.

Ce petit tyran fripon, avec son armée d'un millier d'hommes, sa ville de Pérouse perchée au sommet d'une montagne, et le secours des habitants, se moquait de tout le monde. Mais Jules II fut plus fin que lui, et l'amena sans bataille à un arrangement, par l'effet duquel Baglioni perdit son pouvoir.

Cette négociation est de 1505. Raphaël peignait les fresques de la chapelle de Saint-Sévère à Pérouse, au milieu des préparatifs que Baglioni faisait pour résister au pape. En 1508. Jules II appela Raphaël à Rome. Louis XIV honorait de sa hautaine protection les moins énergiques des grands écrivains formés par Richelieu et les mœurs de la Fronde. Jules II avait le besoin de vivre avec les grands artistes ses contemporains, les élevait au rang de ses plus chers confidents, et goûlait leurs ouvrages avec passion. Il est vrai que, pour que la peinture soit séditieuse, il faut qu'elle le veuille absolument; tandis qu'il est presque impossible de bien écrire sans rappeler, au moins indirectement, des vérités qui choquent mortellement le pouvoir.

Nous ne suivrons point les conquêtes et les vastes projets

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