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de Jules II. Enfin il sentit la vie lui échapper, et fut peut-être plus grand à l'approche de la mort qu'il ne l'avait été dans aucune autre circonstance; il conserva jusqu'au dernier moment la fermeté et la constance qui avaient marqué tous les instants d'un des plus beaux règnes que l'histoire ait à racon, ter. Le 21 février 1513 il cessa de vivre. Son désir le plus ardent avait toujours été de délivrer l'Italie du joug des barbares; c'est ainsi qu'il appelait tous les ultramontains. Il avait un respect réel pour la liberté. Il aimait les Suisses, parce qu'il voyait chez eux la liberté unie au courage. Il mourut heureux, parce qu'il avait réussi dans ses projets et avait porté plus loin qu'aucun de ses prédécesseurs les frontières de l'État de l'Église. Jules II avait une fille qui vécut dans l'obscurité et ne jouit d'aucune faveur.

L'enfantillage fait le caractère des peuples considérés comme individus, et tout le monde désirait à Rome que le successeur de Jules II ne lui ressemblât pas. Il avait été élevé au trône à soixante-cinq ans; on voulut un jeune pape. Il était turbulent, impatient, colérique; on jeta les yeux sur un homme que son amour pour les lettres, pour les plaisirs, pour une vie épicurienne, annonçait à Rome et à la cour comme un souverain tranquille.

Les obsèques du pape étant terminées, vingt-quatre cardinaux s'enfermèrent au conclave. Jean de Médicis était parti de Florence au premier avis de la mort de Jules; mais une maladie douloureuse l'obligeait à voyager lentement et en litière; de sorte qu'il n'arriva dans Rome que le 6 mars, et qu'il entra le dernier au conclave. Jean de Médicis avait alors trente-neuf ans. Le 11 mars, le cardinal Jean fut chargé luimême de dépouiller le scrutin qui le déclarait souverain pontife il prit le nom de Léon X.

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Il n'était que diacre; il fut ordonné prêtre le 15 mars et

couronné à Saint-Pierre le 19. Léon X se fit couronner de nouveau à Saint-Jean-de-Latran, qui est la cathédrale de l'évêque de Rome. Il choisit le 11 avril pour cette cérémonie, parce que c'était à pareil jour que l'année précédente il avait été fait prisonnier par les Français à la fameuse bataille de Ravenne. Léon X montait le même cheval qui lui avait servi le jour de la bataille. L'éclat et la pompe de ces cérémonies montrèrent aux Romains que la stricte et sévère économie de Jules II était pour jamais abandonnée. Léon X dépensa cent mille florins pour les seules fêtes de son couronnement. Il débuta par donner l'archevêché de Florence et le chapeau à son cousin Jules de Médicis, alors chevalier de Rhodes et fort jeune; c'était un fils naturel de Julien, jadis assassiné par les Pazzi dans la cathédrale de Florence, lors de la fameuse conspiration pour la liberté. Ce chevalier de Rhodes parvint au trône dans la suite sous le nom de Clément VII, et ne fit que des sottises.

Sous le règne de l'aimable fils de Laurent le Magnifique, la cour de Rome fut la plus brillante de l'univers, et reprit tout l'éclat qui en faisait l'ornement du monde. Léon X avait l'insouciance d'un homme de plaisir; il ne sut pas faire travailler Michel-Ange; mais Raphaël continua à peindre les chambres du Vatican, et le pape parut charmé de la douceur de son caractère.

Les Français et les Espagnols continuaient à se disputer l'Italie. En 1515, deux ans après l'avénement de Léon X, François Ier s'immortalisa par la bataille de Marignan, où des torrents de sang marquèrent la défaite des Suisses, si respectés en Europe depuis les malheurs de Charles le Téméraire.

Si Léon X fut infiniment plus aimable que le grand homme auquel il succédait, sa politique fut moins ferme et plus perfide Sous son règne, l'Italie fut ravagée et ruinée; mais,

comme ecclésiastique, il obtint un beau triomphe. Tout le monde connaît l'histoire de la fameuse conférence qu'il eut à Bologne avec François Ier. Le pape obtint le sacrifice des libertés de l'Église gallicane, qui ne devaient essayer de se réveiller que sous Louis XIV.

Alphonse Petrucci, jeune cardinal, avait montré beaucoup de zèle pour la nomination de Léon X, et l'avait ensuite annoncée au peuple avec enthousiasme, en s'écriant: Vive les jeunes gens! Il était fils de Petrucci, tyran de Sienne; mais, par la suite, il convint à la politique de Léon X de chasser de Sienne les frères du cardinal. Celui-ci fut outré de ce procédé, et dit plusieurs fois qu'il était tenté de se jeter sur le pape, en plein consistoire, un poignard à la main. Il eut l'idée d'engager le chirurgien du pape à empoisonner un ulcère pour lequel Léon X était pansé tous les jours. On intercepta des lettres du cardinal Petrucci à son secrétaire; elles contenaient des projets de vengeance atroces. Léon X prit la résolution d'intenter un procès criminel à cet ennemi incommode; mais il était hors de Rome. Le pape non-seulement lui écrivit une lettre affectueuse à laquelle était joint un sauf-conduit, mais encore il donna sa parole à l'ambassadeur d'Espagne que, si le cardinal revenait à Rome, il ne courrait aucun danger. Petrucci eut la sottise de croire à cette parole; il rentra dans Rome, et fut immédiatement conduit au fort Saint-Ange.

La justice de ce temps était bien plus imparfaite que la nôtre. Et, de nos jours, excepté en Angleterre, où voit-on absoudre les accusés contre lesquels le gouvernement est en colère? Léon X, souverain absolu, avait horreur de tout ce qui le faisait sortir de l'aimable insouciance d'une vie voluptueuse. Il se voyait menacé d'empoisonnement par un jeune homme plein de verve et de courage. Ce jeune homme fut étranglé en prison le 21 juin 1517 (Raphaël finissait alors les

dernières chambres du Vatican). Plusieurs cardinaux furent condamnés avec Petrucci et se rachetèrent par d'énormes sommes d'argent. Le sacré collége ne compta plus que douze cardinaux. Léon X profita de leur terreur pour leur donner en une seule fois trente et un nouveaux collègues.

Comme il arrive quelquefois pour notre chambre des pairs, Léon X, afin de concilier l'opinion de la ville de Rome à cette mesure extraordinaire, fut obligé de comprendre dans sa promotion beaucoup de gens de mérite. Il donna le chapeau à plusieurs membres des familles les plus puissantes dans Rome. Tous les cardinaux payèrent leur chapeau au pape, et l'on remarqua que le prix exigé fut d'autant plus élevé que le nouveau cardinal avait moins de mérite.

Léon X était arrivé au trône au moment où toutes les carrières étaient parcourues en même temps par des hommes de génie. Il trouva dans les arts Michel-Ange, Raphaël, Léonard de Vinci, le Corrége, le Titien, André del Sarto, le Frate, Jules Romain; les lettres étaient illustrées par l'Arioste, Machiavel, Guichardin, et une foule de poëtes (nnuyeux aujourd'hui et qui alors semblaient charmants. L'Arétin se chargeait de dire à tout le monde des vérités désagréables; il était l'opposition de ce siècle, et par cette raison passe pour infâme.

Fous ces grands hommes, brillants produits d'une foule de circonstances heureuses, s'étaient annoncés au monde, ainsi que nous l'avons vu pour Raphaël et Michel-Ange, avant que Léon X ne fût monté sur le trône; mais il eut un vif plaisir à distribuer aux hommes supérieurs qui habitaient Rome et faisaient l'ornement de sa cour les riches bénéfices dont il avait la collation dans toute la chrétienté, et les sommes prodigieuses que lui rapportait le commerce des indulgences.

L'année de la mort du cardinal Petrucci, Martin Luther commença son rôle en Allemagne; mais Lécn X et Luther lui

même étaient loin de prévoir les suites immenses de cet événement; autrement Luther eût été acheté ou empoisonné.

Léon X avait pour les merveilles des arts la sensibilité vive d'un artiste. Ce qui fait de ce prince un être à part parmi les hommes singuliers que le hasard a placés sur des trônes, c'est qu'il sut jouir de la vie en homme d'esprit; grand sujet de colère pour les pédants tristes.

Ce pape allait à la chasse; ses repas étaient égayés par la présence des bouffons que l'usage n'avait pas encore bannis des cours. Loin d'affecter une dignité ennuyeuse, Léon X s'amusait de la vanité des sots qui étaient à sa cour, et ne se refusait point le plaisir de les mystifier; ce qui fait jeter les hauts cris aux historiens graves. Il céda quelquefois à la tentation d'accorder des dignités chimériques à quelque sot qui les lui demandait et dont la vanité triomphante amusait la ville et la cour. Rome, toujours moqueuse, était enchantée de l'esprit de son souverain; mais elle rit tant de quelques pédants mystifiés, qu'ils en moururent de chagrin.

Les mœurs du pape n'étaient ni plus pures ni plus scandaleuses que celles de tous les grands seigneurs de cette époque; il faut toujours se souvenir qu'à partir de l'apparition de Luther les convenances ont fait un pas immense tous les cinquante ans. Tout était gai à Rome et de bonne humeur; Léon X aimait surtout à être entouré de visages riants. Une de ses chasses avait-elle du succès? il comblait de bienfaits tous ceux qui se trouvaient autour de lui ce jour-là. Si l'on veut se rappeler l'esprit original et les talents des Italiens de la renaissance, si l'on daigne se souvenir que le pédantisme militaire ne gâtait point cette cour, on conviendra probablement que rien d'aussi aimable n'a jamais existé.

S'il y eut du machiavélisme dans la politique de Léon X, on ne s'en apercevait point à Rome. On reproche à ce pape sa

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