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chez une nation, mais ils ne saisissent pas assez les détails pour voir comment le bien s'opère. De là cette croyance si plaisante: si jamais l'Italie se lève pour obtenir la charte de Louis XVIII, la France l'appuiera.

A côté de cette supposition, le bon sens italien comprend fort bien que désormais toute charte peut se réduire à cet article unique :

<< Chacun pourra imprimer ce qu'il voudra, et les délits de la presse seront jugés par un jury. »

C'est par cette vérité qu'a commencé la longue discussion politique qui nous a occupés depuis la fin du spectacle jusqu'à deux heures du matin. Une nouvelle loi promulguée par M. le duc de Modène mettait tous les esprits en émoi; elle nous a été apportée par M. N***, peintre fort habile. Il nous raconte qu'en arrivant à Modène il était allé voir le musée avec un ami intime; ils parlaient bas, et les gardiens se tenaient loin d'eux; cependant, dès le lendemain matin, Son Altesse savait tout ce qu'ils avaient dit à l'occasion de ses tableaux. Voici la loi que je rapporte, pour n'être pas toujours cru sur parole; elle me semble fort bien faite :

« FRANÇOIS IV, par la grâce de Dieu, duc de Modène, Reggio, etc., archiduc d'Autriche, prince de Hongrie et de Bohême;

« Considérant la nécessité toujours croissante de mesures plus efficaces que celles actuellement existantes pour préserver nos sujets bienaimés de la contagion morale qui, par le moyen si facile de la presse, venue de pays même lointains, fait chaque jour de nouveaux ravages; tandis qu'en même temps la faculté de lire se répand et accroît ainsi le nombre des personnes exposées au danger, bien que privées d'instructions suffisantes pour le distinguer et en éviter les pernicieuses conséquences;

« Nous nous sommes déterminé à prendre de nouvelles mesures pour garantir nos sujets bien-aimés de cette horrible contagion, de telle sorte qu'à des signes extérieurs ils puissent immédiatement re

connaître celles des productions de la presse dont ils ne doivent craindre la séduction ni pour eux ni pour leurs enfants, certains ainsi qu'elles ne contiendront rien de contraire à notre sainte religion, aux princes et aux bonnes mœurs;

« Voulant pourtant que ces mesures n'entravent pas la circulation des livres réellement utiles et instructifs, avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

« Art. 1er. Il sera établi une commission de censure, composée d'un nombre égal d'ecclésiastiques et de laïques. Tous les censeurs seront nommés par nous; mais les censeurs ecclésiastiques le seront d'accord avec les évêques diocésains.

« Art. 2. Nous confions la surveillance de la censure à notre département de la haute police... A cet effet, il sera formé, près de ce ministère, une section qu'on appellera Bureau de surveillance et de censure. Tous les censeurs dépendront de ce bureau et de notre conseiller d'État chargé de ce département. Les cas douteux seront soumis audit conseiller d'État, qui les résoudra lui-même, ou les renverra aux tribunaux, lorsqu'il jugera que l'affaire est de leur compétence.

« Art. 3. Tout censeur est garant de la sanite des doctrines contenues dans les livres soumis à son visa, comme les notaires le sont de la réalité des actes munis de leur signature et de leur sceau. A cet effet, tout censeur sera muni d'un timbre. Les livres seront marqués, à leurs première et dernière pages, d'un double timbre, constatant le visa du censeur ecclésiastique et du censeur laïque; le premier, pour ce qui regarde la religion; le second, pour ce qui regarde le prince et les bonnes mœurs. Les censeurs devront refuser leur visa à tout livre dans lequel ils entreverraient une tendance générale vers de mauvais principes.

« Art. 4. Tout mauvais livre sera remis au Bureau de surveillance. « Art. 5. Tout possesseur d'un livre sera libre de choisir celui des censeurs auquel il désirera en confier l'examen. Si le censeur qu'il aura désigné refuse, le bureau de surveillance nommera d'office.

« Art. 6. Les propriétaires de livres ne seront obligés de les soumettre à la censure que lorsqu'ils auront l'intention de les mettre en circulation, c'est-à-dire de les faire sortir de leur maison par vente, donation, échange, ou de quelque autre manière que ce soit, ou de les donner en lecture, fût-ce même dans leur propre maison.

«En conséquence, à dater du 1er janvier 1829, quiconque mettra en circulation un livre ancien ou moderne, non muni des timbres de la

censure, encourra l'amende de quatre livres italiennes par volume, outre la confiscation du livre. Encourra la même peine quiconque gardera un volume dans lequel auraient été intercalés des morceaux imprimés ou manuscrits après l'apposition du sceau des censeurs. Sera puni d'une amende de cent livres et de un à six mois de prison quiconque aura fait une pareille intercalation. La contrefaçon des timbres censoriaux pourra entraîner la peine des galères.

« Art. 7. Défense d'imprimer aucun livre non muni des timbres de la censure; ce qui n'empêche pas qu'après l'impression licite aucun exemplaire ne pourra être mis en circulation s'il n'est pas également timbré.

« Art. 8. Les propriétaires de livres réprouvés par la censure, lorsqu'ils les présenteront volontairement aux censeurs, recevront en échange, du Bureau de surveillance, un nombre égal de volumes en ouvrages de saines maximes (libri di sane massime) pris dans les magasins du gouvernement.

« A partir de la publication de la présente loi, une année est accordée aux libraires et aux marchands et négociants pour déposer dans les magasins des douanes tous les livres qui se trouvent dans leurs boutiques ou dans leurs magasins, à l'effet de réexpédier ces livres à l'étranger, si la censure n'en permet pas la circulation. Il en est de même des livres qui se trouvent en ce moment aux douanes.

« Art. 9 et 10. Ces articles déterminent la forme du timbre et la perception d'une taxe annexée au timbre. La taxe pour chaque volume timbré est de seize centimes. Les livres de piété, les bréviaires, les missels, seront timbrés gratuitement.

« Art. 11. Cet article concerne les feuilles périodiques. Il n'est permis de s'abonner à un ouvrage périodique, littéraire ou autre, qu'après en avoir demandé et obtenu la permission du Bureau de censure, qui enverra la note des permissions accordées aux inspecteurs des postes de Modène et de Reggio, lesquels seuls pourront faire les abonnements, et surveilleront la distribution de tout écrit périodique.

• Donné à Modène dans notre palais ducal, le 29 avril 1828.
« FRANÇOIS. ▸

16 juin.- Un soir, chez madame Tambroni, Canova parlait des commencements de sa carrière : « Un noble Vénitien me mit à même, par sa générosité, de ne plus avoir d'inquiétude

pour ma subsistance, et j'ai aimé le beau. » Comme mesdames Tambroni et Lampugnani l'en priaient vivement, il continua à nous conter sa vie, année par année, avec cette simplicité parfaite qui était le trait frappant de ce caractère virgilien. Jamais Canova ne songeait aux intrigues du monde que pour les craindre; c'était un ouvrier, simple d'esprit, qui avait reçu du ciel une belle âme et du génie. Dans les salons, il cherchait les beaux traits et les regardait avec passion. A vingt-cinq ans, il avait le bonheur de ne pas savoir l'orthographe; aussi à cinquante ans refusait-il la croix de la Légion d'honneur parce qu'il y avait un serment à prêter. A l'époque de son second voyage à Paris (1811), il refusa de Napoléon un logement immense: on le lui offrait où il voudrait, près ou loin de Paris, à Fontainebleau, par exemple, ainsi qu'un traitement de cinquante mille francs et vingt-quatre mille francs pour chaque statue qu'il ferait pour l'empereur. Canova, après avoir refusé cette existence superbe et des honneurs qui l'auraient proclamé aux yeux de l'univers le premier des scul pteurs vivants, revint à Rome habiter son troisième étage.

Il eût vu son génie se refroidir s'il se fût fixé dans cette France, la lumière du monde, occupée alors de victoires et d'ambition comme elle l'est aujourd'hui d'industrie et de discussions politiques. Il a été donné aux Français de comprendre les arts avec une finesse et un esprit infinis; mais, jusqu'ici, ils n'ont pas pu s'élever jusqu'à les sentir. La preuve de cetté hérésie serait ennuyeuse à établir pour la peinture et la sculpture; mais, si vous êtes de bonne foi, voyez le malaise physique dont on se laisse affliger partout à Paris, et par exemple dans les divers théâtres. Pour éprouver l'effet des arts, il faut qu'un corps soit à son aise. Voyez le silence morne et complet aux premières représentations des Bouffes; la vanité n'ose par ler, de peur de se compromettre. A une première représen

́tation au théâtre d'Argentina, à Rome, tout le monde gesticule à la fois. Le vieil abbé le plus méfiant est fou comme un jeune homme; c'est de l'amour qu'ils sentent pour l'opéra qui leur plaît; ils achètent un petit morceau de bougie, dont la lumière les aide à lire le libretto. Avant la civilisation française et les convenances, les abbés, éclairés ainsi par des rats de cave, criaient des injures au maestro quand la musique leur déplai– sait. Alors s'établissaient les dialogues les plus bouffons par la naïveté et la folie des interlocuteurs.

Les Français n'aiment réellement que ce qui est la mode. Dans le Nord, en Amérique, par exemple, deux jeunes gens n'éprouvent de l'amour l'un pour l'autre qu'après s'être assurés, pendant vingt soirées passées à raisonner froidement ensemble, qu'ils ont les mêmes idées sur la religion, la métaphysique, l'histoire, la politique, les beaux-arts, les romans, l'art dramatique, la géologie, la formation des continents, l'établissement des impôts indirects, et sur beaucoup d'autres choses. A la première vue et sans aucun raisonnement métaphysique, une statue de Canova émeut jusqu'aux larmes une jeune femme italienne. Il n'y a pas huit jours que Giulia V*** a été obligée de cacher ses larmes sous son voile. Madame Lamberti l'avait emmenée voir les Adieux de Vénus et d'Adonis de Canova; et, en venant, nous parlions de tout autre chose, et par hasard fort gaiement. Ce n'est point par un transport soudain du cœur que l'on sent les arts au nord des Alpes. Je crois presque que l'on peut dire que le Nord ne sent qu'à force de penser; à de telles gens on ne doit parler de sculpture qu'en empruntant les formes de la philosophie. Pour que le gros public de France pût arriver au sentiment des arts, il faudrait donner au langage cette emphase poétique de Corinne, qui révolte les âmes nobles, et d'ailleurs exclut les nuances.

Il est sans doute parmi nous quelques âmes nobles et ten

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