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qu'il vient de lire, que cette discussion, qui avait commencé dans les salons de M. l'ambassadeur de ***, s'est terminée à la bibliothèque Barberini, où mon savant antagoniste m'avait donné rendez-vous. Là, nous avons vérifié la plupart des textes. Un M. Blondel, protestant, mais qui habitait Paris sous Louis XIV, et désirait de l'avancement 1, a composé une dissertation peu concluante contre l'existence de la papesse Jeanne, qui probablement régna de 853 à 855.

Mais qu'importe la vérité de cette anecdote? jamais elle n'arrivera jusqu'à l'espèce d'hommes qui se fait remettre ses péchés. Donnez le Code civil français à vos sujets, disais-je à mon adversaire, et personne ne réveillera sérieusement le souvenir de la jeune Allemande qui s'est placée mal à propos entre saint Pierre et Léon XII. Elle était jeune, car son sexe fut révélé par un accouchement arrivé au milieu d'une procession. On voit au musée du Louvre une chaise de bain en porphyre qui se trouve mêlée avec l'histoire de la papesse Jeanne. Mais je ne veux pas devenir scandaleux.

Nos compagnes de voyage se sont liées avec plusieurs peintres allemands du premier mérite; ces messieurs imitent le Ghirlandajo, et trouvent que les Carraches, et peut-être même Raphaël, ont gâté la peinture. Mais qu'importent les théories d'un artiste? Leurs tableaux me font presque autant de plaisir que ceux des plus anciens peintres de l'école de Florence, c'est le même amour pour la nature, la même vérité. Nous avons rencontré aujourd'hui ces messieurs à deux pas de la place d'Espagne, dans la maison de M. le consul de Prusse Bartoli, où ils ont peint à fresque plusieurs sujets tirés de la

1 C'est le terme le plus honnête dont je puisse me servir, c'est aussi la première demande à faire sur un homme qui se mêle d'écrire l'histoire. Souvenez-vous de la pension ôtée ou rendue à Mézeray par Colbert. Presque toutes les histoires sont à refaire.

Bible. L'un d'eux m'a dit : « Je vous aimerais assez, mais vous êtes injuste envers les Allemands.

Je cherche, lui ai-je répondu, à donner une idée des mœurs et de la manière de sentir des Italiens, chose difficile et, comme vous savez, dangereuse pour ma tranquillité.

le

« C'est du sein de cette manière de sentir que se sont élancés les Corrége, les Raphaël et les Cimarosa, de tous les hommes que je n'ai pas vus, ceux auquels je dois sans doute les moments les plus agréables et le plus de reconnaissance. Je ne puis peindre les mœurs d'Italie qu'en me servant, pour fonds de mon tableau, des mœurs de Paris ou d'Angleterre, qui font ombre et marquent les contours par l'opposition des couleurs. Je dis, par exemple, dans les mariages on a tel usage en Italie qui differe en ceci des usages parisiens. A Gênes, il y a tel contrat de mariage qui porte le nom du cigisbeo futur de la dame (vers 1750); mais, si je ne compare jamais les manières d'agir d'Italie aux usages de l'Allemagne, c'est que ce pays, qui montra tant de courage au siècle de Luther, et qui porte tant de naturel dans l'amour et les autres relations de famille, n'a que des usages sociaux factices et passagers.

<< La civilisation de l'Allemagne est arrêtée d'abord par les universités. Les étudiants ou Burschen s'enivrent de bière et se battent en duel1, en suivant des pratiques amusantes, au lieu de travailler sérieusement. (Voir les détails de la vie de Burschen, dans le Voyage en Allemagne de M. Russel, d'Édimbourg.) Je ne connais qu'un lieu sur la terre où une masse de jeunes hommes, comme ils s'appellent eux-mêmes, travail

1 Ces excès sont protégés par les gouvernements allemands, comme conservant le noyau et la force de la nationalité. Ils ne sont pas si nombreux et si généraux pour ôter les occupations sérieuses, et ils se neutralisent par la complète abstinence des étudiants allemands de l'autre sexe.

lent sérieusement: c'est Paris, et les travailleurs sont les jeunes gens qui, par des découvertes dans les sciences naturelles, veulent se faire un état et entrer à l'Académie des sciences de Paris, la seule bonne.

<< Les Allemands sont un peuple de bonne foi; comme tels ils ont de l'imagination, et par conséquent une musique nationale. L'ironie n'a pas été protégée en Allemagne par le secours d'une cour unique et prépondérante. A la cour de Munich, on se moque de l'étiquette de la cour de Wurtemberg ou de l'étiquette de Bade. Les usages sociaux des Allemands ne seront fixés que par le gouvernement des deux Chambres. Aujourd'hui, l'invasion de la raison est empêchée par l'influence de quinze ou vingt cours qui morcellent la patrie d'Arminius. Voilà un duc de Coethen nouvellement converti au papisme, qui ne veut pas que les fonctionnaires publics de ses États marient sans une permission signée de lui. Et vous ne vous moquez de rien !

se

<< Les Allemands se sont dit : Les Anglais vantent leur Shakspeare, les Français leur Voltaire ou leur Racine, et nous, nous n'aurions personne! - C'est à la suite de cette observation que Goethe a été proclamé grand homme. Qu'a fait cependant cet homme de talent? Werther 1. Car le Faust de Marlow, qui fait apparaître l'Hélène (de l'Iliade), vaut mieux que le sien.

<< Quant à votre philosophie, elle consiste uniquement dans ce mot, j'aime à croire. Il est vrai que vous aimez à croire ce qui est juste et beau; mais, dès que l'on s'amuse à croire ce

1 C'est un peu fort! rarement un étranger peut sentir tout le prix du Faust de Goethe. Et d'ailleurs il est absurde de citer seulement son Faust et son Werther. Ne connaissez-vous donc pas son Tasse, son Goetz, son Egmoni? Au reste, l'Allemagne oppose aux grands auteurs de la France et de l'Angleterre plusieurs grands esprits que l'auteur paraît ne pas connaître.

qui est désirable, l'absurdité ne connaît plus de bornes, Kant et Platon triomphent. Moi aussi, j'aimerais à croire; mais la fièvre vient de faire périr trois pauvres petits enfants chez mon voisin, ce qui me force à croire que tout n'est pas juste et beau dans ce monde.

<< Quand le paradis des chrétiens ne serait que la certitude de revoir ceux que nous avons aimés, quoi de plus beau? quelle délicieuse perspective pour l'imagination! »

Mais je m'étais égaré avec mon bon Allemand, qui passe sa vie dans les espaces imaginaires, à la suite de Shelling, Kant, Platon, etc. Ces philosophes sont, pour l'habitant de Berlin, comme d'habiles musiciens chargés d'exalter son imagination. C'est pour cela qu'il faut aux Allemands un nouveau grand philosophe tous les dix ans. Nous avons vu Rossini succéder à Cimarosa.

Les manières, les habitudes sociales de l'Allemagne, quoique fort aimables, sont peu connues: elles ne sont pas fixées, elles changent tous les trente ans. Je ne pouvais donc pas m'en servir comme point de comparaison, pour faire connaître à quelques gens d'esprit curieux et impartiaux le pays duquel Paris fait venir, depuis trois cents ans, les Rossini, les Piccini, les Léonard de Vinci, les Primatice et les Benvenuto Cellini.

La conversation a duré fort longtemps. Mon adversaire a parlé fort bien et fort poliment, mais, en vérité, n'a point ébranlé ma croyance. L'Allemagne a pour elle une chose délicieuse : tous les mariages s'y font par amour 1.

La France produira des Voltaire, des Courier, des Molière, des Moreau, des Hoche, des Danton, des Carnot; mais j'ai bien peur que les beaux-arts n'y soient toujours dans la situation

C'était il y a soixante-dix ans.

des orangers des Tuileries. Si nous brillons par l'esprit, ne serait-ce pas en manquer que de prétendre réunir tous les avantages possibles? que de vouloir donner à la fois à l'Europe des Voltaire et des Raphaël? Les nations doivent-elles toujours se conduire entre elles comme des jeunes gens mal élevés et présomptueux?

Il est des jours où la beauté seule du climat de Rome suffit au bonheur; par exemple, aujourd'hui, nous avons joui du plaisir de vivre en parcourant lentement les environs de la villa Madama. Nous avons senti la divine architecture de Raphaël Dans notre enthousiasme pour ce grand homme, nous sommes allés voir, avant de rentrer, sa petite église de la Navicella. Voilà le joli italien si éloigné du rococo. Pardonnez-moi ce mot, qui désigne le joli français, vingt ans après qu'il a cessé d'être à la mode.

Nos peintres allemands, gens d'un vrai mérite, nous ont raconté plusieurs traits du roi de Bavière, Louis. Ce prince sent les beaux-arts et les aime comme un Allemand (et non pas comme un Anglais ou un Espagnol : ceci est une rare louange). Un de ces messieurs nous dit qu'un de ses amis a compté cinquante mille statues dans Rome ou la campagne voisine.

27 juin 1828. M. l'abbé C***, avec qui nous avons passé la journée, nous a dit mille choses que je ne pourrais répéter ici sans choquer la bonne compagnie et même les tribu

naux.

M. C*** nous parlait ce soir de la Rome de sa jeunesse. On était en 1778; Pie VI régnait depuis trois ans. Presque toute la bourgeoisie à Rome portait l'habit ecclésiastique.

Un apothicaire avec femme et enfants, qui n'était pas vêtu en abbé, s'exposait à perdre la pratique du cardinal son voisin. Cet habit était peu cher et fort respecté, car il pouvait couvrir

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