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rainement passionné, se méfiant profondément du sort et des hommes, et par conséquent point léger dans ses goûts? Notez que, depuis cinq cents ans, ce peuple est régi par un gouvernement dont le caractère personnel de Grégoire VII, d'Alexandre VI ou de Jules II, peut donner une idée; et ce gouvernement lui présente, s'il n'obéit pas, la potence dans le monde, et l'enfer dans l'autre.

Le despotisme papal, exercé par des gens passionnés, comme le reste du peuple, ne vit que de caprices; par conséquent, dix fois par an, le moindre cordonnier, comme le prince romain le plus riche, se trouve dans un cas imprévu, et obligé d'inventer et de vouloir. C'est justement ce qui pouvait manquer à des hommes nés avec d'aussi grandes qualités pour être, comme individus, à la tête de leur espèce.

Si vous avez voyagé, suivez de bonne foi les suppositions que voici prenez au hasard cent Français bien vêtus passant sur le pont Royal, cent Anglais passant sur le pont de Londres, cent Romains passant dans le Corso; choisissez dans chacune de ces troupes les cinq hommes les plus remarquables par le courage et l'esprit. Cherchez à avoir des souvenirs exacts; je prétends que les cinq Romains l'emporteront sur les Français et les Anglais; et cela, soit que vous les placiez dans une île déserte, comme Robinson Crusoé, ou à la cour du roi Louis XIV, chargés de suivre une intrigue, ou au milieu d'une chambre des communes orageuse. Le Français, mais celui de 1780, et non pas le triste raisonneur de 1829, l'emportera dans un salon où passer agréablement la soirée est la pre mière affaire.

L'Anglais que ma supposition arrête sur le pont de Londres sera beaucoup plus raisonnable et beaucoup mieux vêtu que le Romain; il aura des habitudes profondément sociales. Le jury et l'esprit d'association, la machine à vapeur, les dangers

de la navigation, les ressources dans le péril, lui seront choses familières; mais, comme homme, il sera fort inférieur au Romain. C'est précisément parce qu'il est mené par un gouvernement à peu près juste (à l'omnipotence près de l'aristocratie), que l'Anglais n'est pas obligé, dix fois par mois, de se décider dans de petits cas hasardeux qui peuvent fort bien par la suite le mener à sa ruine, ou même en prison et à la mort.

Le Français aura de la bonté et une bravoure brillante; rien ne le rendra triste, rien ne l'abattra; il ira au bout du monde et en reviendra, comme Figaro, faisant la barbe à tout le monde. Peut-être il vous amusera par le brillant et l'imprévu de son esprit (je parle toujours du Français de 1780); mais, comme homme, c'est un être moins énergique, moins remarquable, plus vite lassé par les obstacles que le Romain. Amusé toute la journée par quelque chose, le Français ne jouira pas du bonheur avec la même énergie que le Romain, qui, le soir, arrive chez sa maîtresse avec une âme vierge d'émotions; donc il ne fera pas de si grands sacrifices pour l'obtenir. Que si vous dirigez autrement votre choix, et que, dans ces troupes de cent hommes appartenant aux trois peuples, vous choisissiez les plus dépourvus d'éducation et de culture, la supériorité de la race romaine sera plus frappante encore. C'est que l'éducation, loin de rien faire pour le Romain, agit en sens inverse; c'est que le gouvernement et la civilisation agissent contre la vertu et le travail, et lui enseignent sans le vouloir le crime et la fraude. Par exemple, le gouvernement traite avec des assassins: que peut-il faire de pis? Leur manquer de parole, et il n'y manque pas 1.

Les actions de peu d'importance qui remplissent la journée

1 Voir le Voyage d'un privilégié, le lord Craven, dans les environs de Naples, et Six mois dans les environs de Rome, de madame Graham.

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d'un petit marchand, comme celui qui vient de me vendre le portrait de Béatrix Cenci, prennent, en moins de cinquante ans, la couleur du gouvernement, et se décident par des moyens analogues et d'après les mêmes habitudes morales que les actions importantes.

Si vous me répondez par de l'emphase et de la philosophie allemande, nous parlerons d'autre chose; mais, si vous m'estimez assez pour être de bonne foi, vous verrez par ces pourquoi, rapidement esquissés, comment il se fait que la plante homme est plus robuste et plus grande à Rome que partout ailleurs. Sous un bon gouvernement, elle ferait de plus grandes choses, mais aurait besoin, pour vivre, de moins d'énergie, et par conséquent serait moins belle. Je ne vous demande point de me croire sur parole; seulement, si jamais vous allez devers Rome, ouvrez les yeux et cachez ce livre. Ce qui suit est ennuyeux et s'adresse seulement aux esprits lents ou de mauvaise foi.

A Dieu ne plaise que je prétende que Pie VI ou Pie VII ont eu le caractère du père de César Borgia; mais ce sont les souverains énergiques et actifs qui laissent une empreinte profonde dans la mémoire des peuples, et non pas les hommes doux, tels que Ganganelli, Lambertini et les papes qui ont régné depuis cent ans. Par la moralité, ces papes sont peut-être supérieurs aux souverains qui, pendant le dix-huitième siècle, ont occupé les trônes de l'Europe. Mais la politique de la cour de Rome est constante envers ses sujets comme envers les rois, et il s'est fait d'étranges choses, même sous les meilleurs papes. Voyez ce que toléraient, en 1783, dans les couvents de Toscane, les évêques les plus vertueux 1. Le poison

1 Vie de Scipion Ricci, par M. de Potter. Biographie de tous les papes, publiée à Bruxelles en 1827. Vies de Paul Jove. Je publierai dans les

agit plus à Rome qu'on ne le pense; aveux de M. le curé de ****. Les curés de Rome tiennent à peu près le rang des colonels de l'armée de Napoléon en 1810. Ce sont des hommes raisonnables, expéditifs, qui ont beaucoup d'affaires, et qui savent la vérité sur bien des choses. Souvent ils ne veulent pas dire tout ce qu'ils savent au ministre de la police (il gobernatore di Roma). C'est maintenant M. Bernetti, homme d'un vrai mérite. (En 1829, M. Bernetti est cardinal et légat à Bologne.)

10 juin 1828. Pour peu qu'on ait étudié l'histoire des papes dans Paul Jove et M. de Potter, on sera de mon avis. Cette histoire, si on a la précaution de sauter tout ce qui est dogme, est la plus originale et peut-être la plus intéressante des temps modernes.

A Versailles, le maréchal de Richelieu intriguait, en 1730, pour donner une maîtresse au plus faible des hommes, Louis XV. (Voir les Mémoires de madame la duchesse de Brancas, fragment délicieux publié par M. de Lauraguais.) A Rome, on intriguait, en 1730, pour savoir si l'on ajouterait tel mot dans l'office de la Vierge, ou si les carmes déchaussés porteraient des culottes. Il y avait des gens passionnés pour ou contre les culottes des carmes. On citait de part et d'autre vingt auteurs latins.

Je vous en prie, ne faites pas plus d'attention au fond de la dispute que dans un opéra aux paroles du libretto; réservez votre attention, et je puis dire votre admiration, pour l'habileté déployée par les disputants. Auprès de tel carme déchaussé intrigant à Rome pour ou contre les culottes, le ma

derniers volumes de l'Histoire de la peinture cinquante pages de petits faits tous avérés. - Suppression du couvent de Bajano.

réchal de Richelieu, l'abbé de Vermont, le baron de Bézenval, 'c'est-à-dire les courtisans les plus fins et les plus heureux à Versailles, ne sont que des étourdis oubliant ce matin ce qu'ils ont voulu hier soir. Songez à ce que doit faire un malheureux moine renfermé dans son couvent pour y devenir le premier. Là, tous se connaissent, personne n'est étourdi ou distrait. Cette école a donné au monde les Sixte-Quint et les Ganganelli.

Le voyageur qui écrit ceci peut jurer que, parmi les hommes qu'il a vus exercer le pouvoir, le cardinal Consalvi et Pie VII sont ceux qui lui ont inspiré le plus de sympathie. Dans les rangs inférieurs, il pourrait nommer parmi ses amis plusieurs moines et quelques abbés.

Un monsignor romain, stupide et fat à couper au couteau, oncle de la jolie Fulvia F***, avait permis au comte C*** de faire son portrait. Le comte, excédé de la stupidité de son modèle, et ne sachant que lui dire, s'écrie tout à coup : « Vous aurez une mine vraiment imposante quand vous serez pape! » L'abbé rougit beaucoup et ajoute enfin en baissant les yeux : « Je vous avouerai que je l'ai souvent pensé. >>

Un jeune homme appartenant aux grandes familles et un habile intrigant songent également à devenir prélat (monsignore). Un monsignore employé se voit cardinal, et il n'est pas de cardinal qui ne songe à la tiare. Voilà ce qui chasse l'ennui de la haute société. Vous-même, ô mon lecteur! qui riez de leur folie et des ruses de la politique romaine, que deviendriez-vous si vous saviez qu'un prix de cent millions sera tiré au sort d'ici à sept ans entre quarante de vos amis et vous? Quelle tête ne tournerait pas à cette idée?

12 juin. Ce matin, à cinq heures, nous sommes allés à Saint-Pierre avec M. Gros, célèbre géomètre de Grenoble nous

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