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pôt de mendicité, valent cent fois mieux que Saint-Paul. A la vérité, ces objets si utiles ne donnent pas la sensation aa beau, d'où je conclus que la liberté est ennemie des beauxarts. Le citoyen de New-York n'a pas le temps de sentir le beau, mais souvent il en a la prétention. Toute prétention n'est-elle pas une source de colère et de malheur? Vous voyez un mouvement pénible mis à la place de la sensation du beau, ce qui n'empêche pas la liberté de valoir mieux que toutes les basiliques du monde. Mais je ne veux flatter per

sonne.

Autrefois, en entrant à Saint-Paul, on se trouvait comme au milieu d'une forêt de colonnes magnifiques; on en comptait cent trente-deux, toutes antiques : Dieu sait combien de temples païens avaient été déshonorés pour construire cette église! (Achetez dans le Corso le plan et la vue intérieure de Saint-Paul; prix : deux paules.) Quatre lignes de vingt colonnes chacune partageaient l'église en cinq nefs. Parmi les quarante colonnes de la nef du milieu, vingt-quatre, qui étaient d'ordre corinthien et d'un seul bloc de marbre violet, furent enlevées au mausolée d'Adrien (maintenant château Saint-Ange).

Combien ne vaudrait-il pas mieux pour nos plaisirs, en 1829, que ces colonnes fussent restées au mausolée d'Adrien, qui serait la plus belle ruine du monde! Mais il ne faut pas accuser de sottise l'opinion publique de l'an 390; elle ne cherchait pas la même sensation que nous; alors la chose qui passait avant tout, aux yeux d'hommes passionnés pour une religion si longtemps en horreur aux puissants de la terre, c'était de bien orner une église. Depuis plusieurs siècles, le sentiment de la sécurité avait disparu du milieu de la société des chrétiens, et tous les jours l'on avait moins songé aux choses seulement agréables.

Ce qui rappelait surtout les premiers siècles de l'Église et

donnait autrefois à Saint-Paul l'air éminemment cnrétien, c'est-à-dire sévère et malheureux, c'était l'absence de piafond; le voyageur apercevait au-dessus de sa tête les grosses poutres formant la toiture; elles n'étaient cachées ni déguisées par rien. K y a loin de là aux lambris dorés de Sainte-MarieMajeure et de Saint-Pierre. Le pavé de Saint-Paul hors des murs était formé de fragments irréguliers arrachés à d'antiques monuments de marbre.

Dès l'entrée dans l'église, l'œil était frappé par la grande mosaïque à personnages gigantesques qu'on apercevait derrière l'autel par delà cette forêt de colonnes; elle servait comme d'inscription à tout ce qui était à l'entour, et nommait à l'âme le sentiment qui la troublait. Les proportions colossales des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse et des apôtres saint Pierre et saint Paul, qui entourent Jésus-Christ, équivalaient à ces mots : terreur et enfer éternel. Cette mosaïque est de l'année 440.

On entre dans cette basilique par trois grandes portes. Pantaléon Castelli, consul romain, fit faire à Constantinople, en 1070, la grande porte de bronze; elle a été fondue en partie dans l'incendie de 1823.

Cette église conserve plusieurs vestiges des premiers temps du christianisme. Le grand autel est placé, comme celui de Saint-Pierre, à une grande distance du mur de la tribune (ou du fond de l'église). Le chœur, où les prêtres s'asseyaient près de cet autel, est caché aux yeux des fidèles par un mur percé de cinq ouvertures: la principale en face du maître-autel, et les autres à l'extrémité des quatre nefs latérales. Ces nefs sont formées par les quatre rangs de colonnes et par les murs de côté de la basilique. On retrouve à Saint-Paul le vestibule extérieur où s'arrêtaient les fidèles auxquels l'état de leur conscience interdisait l'entrée de l'église.

Quelque chose de mystérieux s'est lié dans l'esprit des Romains à l'incendie de Saint-Paul, et les gens à imagination de ce pays en parlent avec ce sombre plaisir qui tient à la mélancolie, ce sentiment si rare en Italie et si fréquent en Allemagne. Dans la grande nef, sur le mur, au-dessus des colonnes, se trouvait la longue suite des portraits de tous les papes, et le peuple de Rome voyait avec inquiétude qu'il n'y avait plus de place pour le portrait du successeur de Pie VII. De là les bruits de la suppression du saint-siége. Le vénérable pontife, qui était presque un martyr aux yeux de ses sujets, touchait à ses derniers moments lorsqu'arriva l'incendie de SaintPaul. Il eut lieu dans la nuit du 15 au 16 juillet 1823; cette même nuit, le pape, presque mourant, fut agité par un songe qui lui présentait sans cesse un grand malheur arrivé à l'Église de Rome. Il s'éveilla en sursaut plusieurs fois, et demanda s'il n'était rien arrivé de nouveau. Le lendemain, pour ne pas aggraver son état, on lui cacha l'incendie, et il est mort peu après sans l'avoir jamais su.

Quelques anciens auteurs prétendent que des cèdres furent envoyés du mont Liban pour la toiture de Saint-Paul. Le 15 juillet 1823, de malheureux ouvriers qui travaillaient à la couverture en plomb soutenue par ces poutres, y mirent le feu avec le réchaud qui servait pour leur travail. Ces pièces de bois énormes, desséchées depuis tant de siècles par un soleil ardent, tombant enflammées entre les colonnes, formèrent un foyer destructeur dont la chaleur les a fait éclater dans tous les sens. Ainsi cessa d'exister la basilique la plus ancienne non-seulement de Rome, mais de la chrétienté tout entière. Elle avait duré quinze siècles. Lord Byron prétend, mais à tort, qu'une religion ne dure que deux mille ans.

On fit jadis deux parts des reliques de saint Pierre et de saint Paul. L'une est gardée sous le maître-autel de saint Paul;

l'autre est à saint Pierre, et les têtes des deux apôtres sont à Saint-Jean-de-Latran.

Léon XII a entrepris de reconstruire Saint-Paul. Quelques phrases pleines d'emphase placées dans le journal officiel de Cracas nous apprennent de temps à autre que l'on a fait venir pour Saint-Paul une colonne de marbre de la carrière qui est sur le lac Majeur, près des îles Borromées, en Lombardie. Ces colonnes sont embarquées sur le fameux canal du Milanais, perfectionné par Léonard de Vinci. Elles arrivent à Venise, font le tour de l'Italie, et le Tibre les transporte à quelques centaines de pas de Saint-Paul. Après un siècle ou deux d'efforts inutiles, on renoncera au projet de refaire cette église, qui est d'ailleurs tout à fait inutile.

L'intérieur de cette basilique, dont le plan général forme un carré long, a deux cent quarante pieds de longueur, sans y comprendre la tribune (la partie circulaire du fond de l'église), et cent trente-huit pieds de large.

Depuis un an, il est de mode de prétendre que les vingtquatre colonnes de marbre violet provenaient de la basilique Emilia, dans le Forum. On s'appuie d'un passage de Pline l'Ancien et de quelques vers de Stace. Ce qu'il y a de sûr, c'est que ces colonnes étaient d'ordre corinthien, cannelées aux deux tiers, et avaient trente-six pieds de haut et onze de circonférence. Les autres colonnes étaient de marbre de Paros. Les deux immenses colonnes de marbre salin qui soutenaient le grand arc de la tribune avaient quinze pieds de circonférence et quarante-deux de hauteur. Le feu les a fendues du haut en bas. Ces immenses fragments laissent un souvenir durable et triste. Pourquoi ne le dirais-je pas? A Saint-Paul, nous étions de vrais chrétiens.

Il me semble que l'œil admire avec bien plus de difficulté ces colonnes des temples de la Sicile que l'on a fabriquées à

l'aide d'une quantité de petits blocs circulaires, disposés les uns au-dessus des autres comme une pile de dames au jeu de tric-trac; tandis qu'on est frappé de respect à la vue d'une colonne d'un seul bloc de marbre ou de granit. Quelque chose rappelle l'idée d'imitation impuissante dans les colonnes formées d'un assemblage de petites tranches de pierre, comme celles de la Madeleine, à Paris. Mais nous ne pouvons pas faire autrement, et j'aime mieux une colonne ainsi faite que pas de colonne du tout.

L'une des sources du plaisir que donne un grand monument d'architecture est peut-être le sentiment de la puissance qui a créé. Or, rien n'est destructif de l'idée de puissance comme la vue d'une imitation restée imparfaite, faute de richesse. Certainement la France ou l'Europe ont des carrières à l'aide desquelles on eût pu former les colonnes de la Madeleine de deux ou de trois blocs seulement; on ne l'a pas fait parce que cela eût été trop cher: imitation impuissante. L'architecture va devenir de plus en plus impossible ailleurs qu'en Russie, où le czar peut faire travailler dix mille esclaves à un monument.

Les colonnes de l'église de Saint-François-de-Paule (à Naples, vis-à-vis le palais du roi) sont de trois morceaux de marbre. Ce Saint-François, écrasé par les maisons voisines, n'est qu'une copie du Panthéon de Rome et de la colonnade de Saint-Pierre réunis par un architecte sans génie; mais ses colonnes, prises isolément, se les plus belles du dix-neuvième siècle.

Ce qui augmentait l'impression de tristesse profonde et sans espoir que l'on trouvait à Saint-Paul hors des murs, c'est que le chapiteau de chaque colonne était séparé du chapiteau voisin par un arc et non pas par une ligne droite comme dans les monuments grecs et le temple de la Madeleine. Au-dessus de ces arcs, la longue rangée des portraits des papes contribuat

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