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lettre De secretis operibus naturæ parait avoir été écrite à Guillaume d'Auvergne, évêque de Paris, qui mourut en 1248 ou en 1249. Il semble donc que les propriétés explosives de la poudre noire fussent connues, en France et en Angleterre, avant le milieu du XIIIe siècle; en tous cas, en 1267, l'Opus tertium en faisait connaitre la composition ».

Remarquons que rien ne dit que Bacon ait connu aussi la puissance projective de la poudre, brùlant en vase clos, et qu'il ait songé à en tirer parti; nulle part en effet, dans ces écrits, il n'y est fait allusion, et c'est, nous l'avons dit, beaucoup plus tard que l'on voit apparaître les premiers canons. Bacon et ses contemporains n'ont vu, sans doute, dans ce mélange explosive, qu'une nouvelle composition incendiaire propre à effrayer bêtes et gens.

Une autre invention, que l'on a attribuée parfois à Roger Bacon, est celle du microscope et de la lunette. Il faut, semblet-il, chercher l'origine de cette légende dans la Dioptrica nova de Molineux 1692, et il y a beau temps que Robert Smith en a fait justice (1).

Les passages des œuvres de Bacon sur lesquels Molineux base son opinion se lisent dans l'Opus majus, Londres, 1733, page 352 et page 357. Ils sont cités par Smith qui les discute; nous nous bornerons à transcrire sa conclusion:

« Cet auteur (Bacon) ne parle que par hypothèse et se borne à dire qu'on pourrait figurer les verres et grossir les objets de telle ou telle manière; sans assurer jamais qu'il en ait fait une seule expérience sur le Soleil, la Lune (ou toute autre chose) quoiqu'il fasse mention expresse de ces deux astres. D'un autre côté, il attribue aux télescopes des effets dont ils sont incapables.

» Si l'on me demande comment est-ce qu'il a pu parvenir à toutes ces notions? Je réponds que c'est par la théorie commune de la réfraction et de la réflexion, surtout sur le miroir concave dont il connaissait bien les effets, tant par les relations des anciens que par sa propre expérience. Ce qui suffit à un homme de bon sens pour avancer tout ce qu'il a dit ».

(1) Cours complet d'optique, traduction française par L. P. P(ezenas), professeur royal d'Hydrographie, à Marseille, 1767, tome I, p. 56 (microscope) et p. 76 (télescope).

Il faut en dire autant, ou beaucoup moins, d'autres inventions attribuées à Bacon (1).

Mais le mérite scientifique de ces anticipations de l'esprit, de ces rêves de savants, n'est pas nécessairement nul ils ont pu, en se transmettant, retenir l'attention, provoquer des essais, des tâtonnements qui ont abouti à la découverte qu'ils contenaient en germe.

C'est ainsi que Roger Bacon a exercé indirectement une influence sur la vision qui hantait l'esprit de Christophe Colomb et lui fit tenter la traversée de l'Atlantique. Ceux qui ont parlé avec éloge des écrits géographiques du moine franciscain en ont. plusieurs fois fait la remarque; nous empruntons ce qui va suivre à un article de M. Duhem (2).

« Ptolémée pensait que la Terre, dont les lles Fortunées marquaient l'extrémité occidentale, s'étendait, vers l'Orient, jusqu'à 180' de ces iles; l'Océan occupait les 180° qui restaient. Un navigateur partant des lles Fortunées et cinglant vers l'Ouest, aurait dù parcourir la moitié du tour du monde avant de rencontrer une côte.

» Les géographes arabes et, après eux, les géographes chrétiens du Moyen-Age, partageaient, en général, l'opinion de Ptolémée... Cependant bien des hommes se sentaient attirés vers l'autre rive de cet Océan auquel venait se terminer l'Europe. Peut-être cette rive était-elle moins éloignée que Ptolémée ne l'avait affirmé. On se souvenait que Martin de Tyr, avant lui, étendait bien davantage notre continent; qu'il lui faisait couvrir non pas 180', mais 225° de l'équateur. On parlait d'iles, situées en plein Océan, que certains navigateurs avaient parfois atteintes (3)...

» Au XIII siècle, Albert le Grand acceptait comme certain l'enseignement de Ptolémée et voulait que les longitudes extrêmes de la terre ferme différassent exactement de 180° (4).

(1) On a tout vu dans ses écrits: la machine pneumatique, le sous-marin, le char et le bateau à vapeur, l'aéroplane et... la radioactivité; on y trouvera sans doute demain les trois lettres magiques T. S. F. On comprend après cela qu'on ait pu dire « qu'il était en avance, sur ses contemporains, de trois et même de six siècles ».

(2) Ce que l'on disait des Indes occidentales avant Christophe Colomb, dans la REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, t. XIX, 1908, p. 402.

(3) « Beati Anselmi Liber de Imagine mundi, 1. II, Cap. XX: De insulis. >> (4) « Beati Alberti Magni Liber de natura loci ex longitudine et latitudine proveniente, tract. I, Cap. IX. »

Mais Roger Bacon, son contemporain et son émule, voulait que les deux rives de l'Océan fussent beaucoup plus rapprochées (1).

>> Bacon rappelle l'opinion émise par Aristote au second livre de son traité Du Ciel : L'Inde orientale et l'Afrique occidentale produisent des animaux semblables, notamment des éléphants; cette similitude en la faune de ces deux régions du Monde. suppose que les influences astrales, causes de toute génération, s'y exercent à peu près de la même manière ; il faut donc que l'Inde et l'Afrique soient, en réalité, peu distantes l'une de l'autre...

» A l'appui de cette opinion, Bacon accumule les autorités; il cite, en particulier, celle de Sénèque ; celui-ci prétendait, au cinquième livre de ses Questions naturelles, qu'avec un vent favorable on pourrait traverser l'Océan en peu de jours.

» C'est sous l'équateur que la distance est la plus faible entreles deux rives de l'Océan; là, en effet, l'ardeur du Soleil dessèche la surface de notre globe; aux deux pôles au contraire, les eaux abondent. » Cette théorie conduit Bacon (2) à dessiner la forme de l'Océan en ne laissant, à l'équateur, entre le principium Hispaniae et le principium Indiae, qu'une sorte de goulot relativement étroit, reliant les parties plus larges de l'Océan qui entourent les pôles.

« Les divers passages (3) de l'Opus majus qui se rapportent au système du monde, tel que se le figurait Roger Bacon, furent reproduits plus tard par le Cardinal Pierre d'Ailly, dans son traité intitulé Imago mundi, chapitre XV. Pierre d'Ailly, qui écrivait vers l'an 1410, c'est-à-dire plus d'un siècle après Roger Bacon, jouissait d'une grande réputation au xve siècle. Le hasard fit que le traité du Cardinal tomba entre les mains de Christophe Colomb, au moment où cet illustre navigateur était livré à ses profondes recherches sur l'existence du nouveau continent, et celui-ci en adopta les diverses idées.

>> La bibliothèque de Séville garde pieusement l'Imago Mundi de Pierre d'Ailly portant les annotations de Christophe Colomb. Par Pierre d'Ailly, donc, l'influence de Roger Bacon s'est exer

(1) « Opus majus, Londini, 1733, pp. 183-185, (2) « Opus majus, pl. 1, fig. 27. »

p. 194. »

(3) « Reinaud, Mémoire géographique, historique et scientifique sur l'Inde, MEM. DE L'ACAD. DES INSC. ET BELLES-LETTRES, t. XVIII, deuxième partie, 1849, p. 387. »

cée sur Christophe Colomb; elle a contribué à lui suggérer la pensée de traverser l'Océan. >>

L'oeuvre de Roger Bacon est considérable; tous les manuscrits connus qui la renferment n'ont pas été imprimés et il en reste, nombreux peut-être, enfouis dans les bibliothèques. Il sera malaisé d'y mettre de l'ordre et impossible d'en former un tout cohérent. La vie tourmentée du moine franciscain, son activité dévorante, son prosélytisme combattif l'ont amené à polémiquer beaucoup, à se répéter souvent et à s'étendre sur toutes choses.

Des projets grandioses ont hanté son esprit; il a rêvé d'une vaste encyclopédie des sciences : il en a accumulé les matériaux mais ne nous en a donné qu'une ébauche.

Le vulgaire le considéra comme un ingénieux alchimiste et une sorte de magicien blanc; et nous avons dit que son zèle à défendre l'astrologie judiciaire donna prise contre lui. « Apud imperitum vulgus, dit de lui un de ses contemporains, haberetur mirus præstigiator, apud quosdam etiam non indoctos de magicis artibus vehementer fuerit suspectus (1) ». Il a certes répudié la magie avec indignation, et il faut le croire; il n'a pas accepté non plus, sans réserves et sans précautions, les superstitions de l'astrologie; mais ici, il est souvent malaisé de le mettre d'accord avec lui-même (2).

La publication de ses œuvres principales nous a donné une conception plus juste des visées qu'il poursuivait, de sa puissante intelligence, de son érudition, de ses travaux personnels, de ses efforts surtout pour promouvoir l'étude expérimentale de la nature. Malheureusement, redisons-le, l'astrologue a fait tort au savant; l'écrivain n'a pas connu les ménagements nécessaires, et il a pratiqué l'exagération et la diatribe: on comprend ses mésaventures.

J. T.

(1) Cité par Wadding, Ann. minorum, an. 1278, c. XXVI.

(2) Voir l'article cité du P. Mandonnet, Roger Bacon et le speculum astronomiæ.

BIBLIOGRAPHIE

I

COURS DE MÉCANIQUE PROFESSÉ A L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE par L. LECORNU, Membre de l'Institut, Inspecteur général des Mines. Tome I. Un vol. gr. in-8 de 536 pages. Paris, Gauthier-Villars, 1914.

Après dix ans d'exercice, M. Lecornu a entrepris la publication du cours de mécanique qu'il professe avec tant de distinction. à l'École Polytechnique. L'ouvrage comprendra trois volumes. Le premier vient de paraitre.

A la vérité, le cadre du livre déborde quelque peu celui de l'enseignement oral auquel il se réfère, en ce sens que certaines théories, traditionnellement rattachées à la mécanique, et qui, par suite d'exigences spéciales de l'organisation de l'École Polytechnique, ont dù ètre reportées dans d'autres cours, figurent, à très juste titre, dans l'exposé de M. Lecornu; tel est le cas de la cinématique des mécanismes et de la théorie du potentiel newtonien, respectivement affectées aux cours de géométrie et d'analyse de l'École.

Le même souci d'écrire un traité complet a conduit l'auteur à y comprendre la cinématique du point ainsi que la statique des corps solides, rattachées, au moins pour la plus grosse part, au programme de la classe de mathématiques spéciales, préparatoire à l'Ecole.

Dans son ensemble, l'ouvrage doit être tenu pour un traité de mécanique rationnelle, orienté, mais avec mesure, dans le sens de la préparation aux applications techniques. L'auteur proteste, d'ailleurs, contre la tendance, qui se manifeste parfois chez certains techniciens, à réclamer une part de plus en plus grande pour la mécanique appliquée au détriment de la mécanique rationnelle. « Agir de la sorte, dit-il, ce serait méconnaître la Ile SÉRIE. T. XXVI.

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