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ciens abus, par la force des vieilles erreurs, par les inepties d'une étiquette surannée. Le roi le plus éclairé par les théories, le plus instruit des détails de l'administration, le plus dévoué au bonheur général et le meilleur ami de son peuple, le plus doué de vertus privées, doute toujours de lui-même quand il se met en action, parce qu'il a toujours vécu dans le tabernacle de la royauté, environné de courtisans, seuls ministres du culte qu'ils font rendre au pouvoir. Malheureux le gouvernement qui flatte la populace, protège l'aristocratie, ét néglige les classes moyennes qui forment le corps de la nation, la véritable, la seule nation! L'aristocratie est le fléau de tous les gouvernements dont elle ne fait pas l'essence; la populace est l'instrument meurtrier de tous les partis, dans toute espèce de troubles, qu'il s'agisse d'intrigues de cour comme dans la minorité de Louis XIV, de billets de confession comme sous Louis XV, ou de questions politiques auxquelles le vulgaire ne comprend jamais rien.

Bientôt, pour surmonter l'opposition inconsidérée de la cour, les fondateurs de la liberté apelleront le peuple lui-même ; ils se fortifieront de sa puissance : la vertu sera imprudente parce que l'aristocratie est déraisonnable. Dès-lors, il ne s'agira plus d'effectuer des modifications utiles, convenables, d'amener un changement dans la situation de la nation; on se trouve entraîné au renversement de tout le systême du gouvernement. Dès-lors on franchit le but où tendaient Turgot, Malesherbes, Necker, Dupont de Nemours, Liancourt, Mounier, Malouet, Lally. Le peuple, cette arme si dangereuse, passe aussitôt aux mains des factieux. Elle leur échappera : des scélérats la ramasseront. Le torrent de la révolution aura rompu toutes ses digues, et nulle force, nulle sagesse humaine, ne pourront l'arrêter. A des temps d'exaltation et d'erreur, où l'on aura poursuivi des chimères politiques, succéderont des temps d'horribles injustices, de massacres, d'absolue tyrannie.

Aujourd'hui l'opinion générale, redressée par une si longue et si douloureuse expérience, ne se laissera plus abuser par des abstractions métaphysiques, ni séduire par le prestige des mots. La nation veut très-distinctement une liberté positive et

pratique, dont la garantie repose sur un bon systême représentatif. Elle réclame des institutions fixes qui la mettent à l'abri des hasards de la légitimité héréditaire; car le génie ne se transmet pas avec la couronne: Louis XIII est venu de Henri IV; Louis - le - Débonnaire, de Charlemagne; Robert, de Hugues-Capet. L'ame comme le sceptre des trois fondateurs ne passa pas à leurs descendants.

Veuille le ciel que tous les Français, entièrement rendus à d'aussi justes et salutaires idées, apprécient leur position! qu'ils bénissent des institutions correspondant à leurs besoins; qu'ils s'attachent à la charte, comme le peuple hébreu s'attachait aux préceptes réglementaires de Moïse, comme les Spartiates conservaient les établissements de Lycurgue, comme les Romains vénéraient les dispositions de Numa! En Angleterre, en Suède, en Suisse, chaque génération redouble d'affection pour les lois qui garantissent la liberté civile; chaque génération désapprouve davantage les idées d'innovation. Aussi n'a-t-on vu, en 1818, aux élections de Londres, que quatrevingt-quatre votants, sur quinze mille, soutenir le démagogue Hunt. Quelles racines a donc jetées cette constitution, depuis un siècle et demi, puisque les classes moyennes d'une capitale de douze cent mille habitants fournissent moins de misérables prêts à bouleverser les choses existantes, qu'il ne parut de princes, de prélats ou de grands seigneurs dans chacun des vingt ou trente soulèvements qui, depuis l'attentat d'Etienne Marcel, en 1358, remplirent Paris de crimes et de carnage! Lorsqu'en 1798, la nation anglaise, craignant les accidents possibles de l'invasion méditée par le gouvernement français, parut soudainement et toute entière sous les armes, les hommes de la classe aisée voulurent défendre seuls la patrie. Ils refusèrent de s'associer les prolétaires. Nul ne pouvait faire partie d'un corps de volontaires, et avoir le droit d'entrer dans leurs rangs, s'il n'était chef de maison ou s'il n'avait deux chefs de maison pour garants. Les Anglais tinrent en vigueur ce statut fondamental qui n'admet dans la milice que celui qui est en état de répondre de toutes ses actions. Quelle ne serait donc pas notre confiance, en cas d'invasion, si nous vivions

sous les mêmes influences constitutionnelles, nous, qui vîmes, en 1793, les classes inférieures, mues par une partie seulement des classes intermédiaires, préserver notre territoire, tandis que l'autre partie sommeillait dans un lâche égoïsme, et lorsque la désertion des riches et les soulèvements de plusieurs villes ou provinces ouvraient mille portes à l'ennemi ?

Chaque peuple, parmi les peuples dignes d'occuper la postérité, vit sa carrière troublée par des agitations intestines, et la discorde secouer ses torches en profanant la liberté. Il en est qui recueillirent de leurs déplorables combats les éléments d'une prospérité durable; et nous sommes destinés à marcher sur leurs traces. La France s'était trouvée, en 1789, sans aucune instruction préalable, saisie du droit de se gouverner; sachons donc apprécier l'avantage de ces connaissances positives qui nous empêcheront de retomber dans les précipices où nous avaient jetés et notre folle précipitation et notre aveugle ignorance.

De toutes les périodes de notre histoire, celle qu'il nous convient de parcourir avec le plus de soin et d'empressement, est incontestablement celle-là même qui renferme notre dernière révolution, et qui en est entièrement remplie. Le temps ressemble à un paysage où les objets les plus rapprochés, interceptant presque tout l'espace, livrent au spectateur jusqu'aux moindres détails de leur configuration, tandis que les objets éloignés n'offrent que des masses réduites. Ainsi les siècles reculés ne doivent pas être interrogés avec cette attention que nous demande le siècle qui nous a vus naître, et qui nous transmet les informations les plus analogues à notre existence.

Le grand nombre d'entre nous se retrace fort inexactement ou se rappelle à peine les prodigieux évènements dont nous venons d'être si douloureusement témoins et victimes. Il importe cependant de les connaître, et de juger combien leur retour serait funeste, afin de le prévenir. En les parcourant, il est impossible de ne pas se pénétrer que des formes précises et constantes de gouvernement, résultant d'une sage combinaison des pouvoirs, sont le plus grand bienfait que les hommes retirent de l'état de société.

Les agitations qui viennent de cesser, ont pris naissance, ou plutôt se sont annoncées avec gravité, dès la réunion de la première assemblée des notables, en février 1787. Cette circonstance peut être envisagée comme le premier pas vers un systême représentatif, comme l'éclair précurseur de la révolution, dont les ravages, ou, si l'on veut, les traces profondes ont existé jusqu'au mois de novembre 1818. Le dernier reflet de ce terrible phénomène n'a cessé d'être visible à l'horizon, qu'au moment où le dernier soldat de la confédération européenne a franchi la frontière du royaume. Alors se fixe la roue de la fortune. En achevant son tour immense, elle semble remettre la France au point même du départ, si l'on ne considère que la surface du territoire continental qui formera le royaume de Louis XVIII.

Cette période convulsive de trente-deux années se divise elle-même en six périodes secondaires.

PREMIÈRE PÉRiode. Gouvernement de Louis XVI, commençant en 1787, finissant au 21 septembre 1792, jour de la première séance de la Convention nationale, du décret d'abolition de la royauté et de l'établissement de l'ère républicaine. SECONDE PÉRIode. Gouvernement révolutionnaire, commençant au 21 septembre 1792, finissant au 26 octobre 1795, jour auquel la Convention se sépare et fait place au gouvernement établi par la Constitution, dite de l'an 3.

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TROISIÈME PÉriode. Gouvernement directorial, commençant au 26 octobre 1795, finissant au 11 novembre 1799, le lendemain du 19 brumaire).

QUATRIÈME PÉRIODE. Gouvernement consulaire, commençant au 11 novembre 1799, jour de l'installation des Consuls provisoires; finissant au 18 mai 1804, date du Sénatus-Consulte qui défère à Napoléon Bonaparte le titre d'Empereur.

CINQUIÈME PÉRIODE. — Gouvernement impérial, commençant au 18 mai 1804, finissant au 11 avril 1814, jour de l'abdication expresse de Napoléon.

SIXIÈME PÉRIODE. Gouvernement royal, commençant au 11 avril 1814, jour auquel les droits de Louis xvin sont pleinement et universellement reconnus; finissant au 30 novem

bre 1818, dernier jour de l'occupation de plusieurs parties du territoire français par les troupes des puissances confédérées.

Des personnages qui doivent à nos discordes toute leur cé lébrité, qui n'ont d'autre titre à l'attention générale que leur apparition sur la scène de la révolution, s'offenseront peutêtre de cette nue exposition de faits et de dates. Ils aimeraient que leurs noms, tant anciens que nouveaux, fussent replongés dans l'oubli, ou du moins recouverts d'un voile favorable. Pourquoi donc firent-ils de si grands efforts pour se dérober à l'obscurité, pour briller dans l'histoire ? C'est eux qui se sont nommés. Glorieux des rôles qu'ils choisirent, ils les ont fait valoir de toutes leurs facultés. Dans une pièce où chaque scèné dérive de la scène précédente, on ne peut séparer les personnages de l'action. Puisque ces grands hommes d'un jour ont voulu descendre à la postérité, il faut bien qu'ils y tombent sous les travestissements et avec l'escorte qu'ils ont pris euxmêmes. S'il existe encore quelques-uns de ces individus, signalés par l'indignation publique comme les abominables de la révolution, qu'ils se cachent! qu'ils se taisent! qu'ils jouissent, dans l'ombre, du fruit de leurs forfaits! qu'ils s'applaudissent, mais en secret, d'avoir si bien imité ce prêtre impie qui

A force d'attentats veut perdre ses remords!

A quel propos réclameraient-ils contre la mention de leurs noms et de leurs œuvres? L'infamie est le salaire justement mérité de ce nombre prodigieux d'éclatantes turpitudes. De quoi se plaindraient-ils ? Quand on a recueilli les faveurs matérielles d'une révolution, de vingt révolutions; qu'on s'est enrichi du pillage, qu'on a trafiqué des cendres de sa patrie; qu'on s'est revêtu de dépouilles sanglantes, décoré de ces mêmes titres qu'on avait proscrits avec tant de barbarie, on ne doit s'attendre ni à l'estime des contemporains, ni au suffrage de la postérité. Ces hommes, qui pardonneraient si bien de se voir cités s'ils étaient loués, peuvent-ils récuser les justes reproches que leur conduite publique leur attire? Aussibien l'humanité ne saurait assez désavouer cette doctrine per

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