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Est-ce M. Lürmann, M. Thwaite, M. von Oechelhaeuser ou bien M. Greiner qui a émis l'idée ? Je ne le sais. Mais l'idée, lancée dans le public, tomba en bonne terre; elle a rapidement germé, et l'arbre est bientôt devenu grand.

De petits moteurs d'essai furent branchés en dérivation sur les grandes canalisations de gaz des hauts fourneaux, à Frondigham et à Wishaw, en Angleterre, dès 1891, à Hoerde, en Westphalie, le 12 octobre 1895 et à Seraing, aux ateliers Cockerill, le 20 décembre de la même année; ces dates montrent que les expériences ont été faites presque simultanément en divers pays. Les résultats furent partout très encourageants; les moteurs de tout système paraissaient s'accommoder assez bien de la grande pauvreté de ces gaz, de leurs variations de pression et de richesse, voire même de leurs impuretés. Ce fut dès lors un vif enthousiasme parmi les tenants des moteurs à gaz, ce fut même de l'emballement nous voulions tous nous persuader que les moteurs avalaient impunément les poussières et ne les gardaient pas. Et l'on aborda résolument les grandes puissances; M. von Echelhaeuser mettait en marche un moteur de 120 chevaux, à Hoerde, le 1er juin 1896, et j'essayais un moteur DelamareDeboutteville de 200 chevaux, à Seraing, le 19 juillet 1898. Les résultats des essais furent excellents; la pratique industrielle fut moins satisfaisante en général, et quelques installations donnèrent même de graves ennuis. Une épuration très complète des gaz s'imposa d'une façon impérieuse; cette opération présenta de sérieuses difficultés, que la constance des ingénieurs, l'habileté des spécialistes et un heureux hasard ont enfin permis de surmonter dans des conditions inespérées. On arrive en effet aujourd'hui aisément à réduire à 1 ou 2 centigrammes le poids des poussières renfermées dans un mètre cube.

Il est vrai que, pour obtenir un tel résultat, on est amené à édifier de véritables usines d'épuration, qui sont coûteuses et encombrantes; leur importance dépend évidemment de la teneur initiale du gaz en poussières, laquelle varie de 2 à 50 grammes par mètre cube; mais il faut compter généralement sur des frais de bâtiments, de machines, de tours réfrigérantes, de tuyauteries, etc., s'élevant au moins à 15 000 ou 20 000 francs par 1000 mètres cubes de gaz travaillés à l'heure. De plus, il y a des appareils à actionner et l'on doit disposer d'une puissance d'au moins 10 chevaux effectifs pour le débit susdit; mais nous allons voir que ce n'est qu'un prêté pour un rendu, et qu'il n'y a point à regretter une aussi minime dépense de travail (1). D'ailleurs il importe avant tout à une industrie de produire le plus économiquement, et il ne faut pas reculer devant les frais d'établissement qui assurent ce résultat.

Les moteurs à gaz que l'on installe au pied des hauts fourneaux sont quelquefois à deux temps, le plus souvent à quatre temps; le simple effet est abandonné et le double effet prévaut partout. La puissance développée par un cylindre à double effet de 900 m/m d'alésage est de 600 chevaux effectifs; en jumelant donc sur un même arbre de couche deux machines à deux cylindres en tandem, on obtient 2400 chevaux ; mais ce chiffre n'est pas une limite, car on a construit des moteurs de 3600 chevaux en Europe et les Américains ont été à 5400 chevaux. Ces moteurs ont acquis une sécurité de fonctionnement et une élasticité d'allure qui permet aux plus timorés de leur prêter confiance. Or, on garantit pour un moteur de 2400 chevaux

(1) Voir sur ce sujet : Léon Greiner, Production économique de la force motrice dans les usines métallurgiques (REVUE UNIVERSELLE DES MINES, t. XVIII, 1907); Wolf, Installations pour l'épuration des gaz (LE GÉNIE CIVIL, 16 novembre 1907); Anglès d'Auriac, La métallurgie du fer, Lille, 1908.

des consommations de 2500 litres, par cheval-heure effectif, de gaz possédant un pouvoir supérieur de 950 calories; ces garanties sont tenues réellement par les bons constructeurs, ainsi que j'ai pu le constater fréquemment par des essais effectués sur des machines du Creusot, de la Société Alsacienne, des établissements Cail, de la société de Nuremberg, de M. Letombe, etc. Je ne citerai que le dernier essai que j'ai fait; on avait soumis à mon appréciation, au mois de mars dernier, une belle machine du Creusot de 2200 chevaux effectifs, installée aux aciéries de Longwy. Elle a consommé en moyenne 2362 litres de gaz à 959 calories [pouvoir supérieur déterminé à l'aide de ma bombe eudiométrique (1)] par cheval-heure effectif, ce qui correspond à 2266 calories, soit à un rendement thermique effectif de 28% remarquable à tous égards. Retenons ce chiffre de 2362 litres de gaz et le rendement de 28%, et passons maintenant à l'examen du haut fourneau, considéré comme un générateur de gaz.

Un fourneau de 180 tonnes, avec une mise au mille de 1000 kilogrammes de coke, produit, avons-nous dit, environ 800 000 mètres cubes par jour, donc 33 300 à l'heure. Admettons qu'il s'en perde 5% et que l'on en brûle 50% dans les Cowper pour le chauffage du vent et sous les chaudières, alimentant certaines machines de réserve et de secours, dont on ne saurait encore se passer; il reste donc à utiliser 45%, c'està-dire 15 000 mètres cubes. Pour tenir compte des irrégularités inévitables de marche du fourneau le plus habilement conduit, réduisons ce chiffre à 14 200 mètres cubes; ce volume permettra de développer 6000 chevaux par utilisation directe dans le moteur à gaz. Mais

(1) Beaucoup d'ingénieurs, surtout allemands, considèrent le pouvoir inférieur (vapeur d'eau non condensée) et ils le mesurent au calorimètre Junkers, appareil excellent pour les gaz riches, mais qui n'assure pas toujours une combustion complète des gaz pauvres.

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le travail du vent, le service mécanique du fourneau, l'épuration du gaz, l'alimentation en eau, l'éclairage, etc., absorbent 2000 chevaux. Le fourneau de 180 tonnes crée par conséquent une disponibilité de 4000 chevaux effectifs.

Ainsi donc, un maître de forges possède dans' chacun de ses fourneaux, non pas seulement le générateur de fonte, sur lequel il comptait, mais un générateur d'énergie, dont on avait méconnu jusque-là la puissance. Un ingénieur anglais, entraîné par son enthousiasme à la vue de cet admirable résultat, a proposé de considérer le haut fourneau comme un gazogène, dont la fonction principale serait de produire un gaz combustible, en donnant par dessus le marché de la fonte: la fonte devenait le sous-produit du fourneau. C'est une considération éminemment paradoxale, mais elle contribue à faire ressortir et bien apprécier les conséquences considérables de la récupération des chaleurs perdues et de l'utilisation directe des gaz, qu'on laissait échapper à l'air il y a moins de cent ans.

On ne saurait faire trop d'arithmétique sur ce sujet : chiffrons donc le bénéfice réalisé ainsi en francs et centimes. On gagne 4000 chevaux effectifs : estimons à 1 kilogramme par heure la consommation de charbon par cheval produit par une machine à vapeur. Sur 24 heures, on aurait à brûler 96 000 kilogrammes de houille, dont le prix peut être estimé pour le moins à 14 francs; cela fait 1344 francs par jour, pour une production de 180 tonnes. Il reste 7,45 francs par tonne. C'est l'argument financier, qui touche plus spécialement l'actionnaire.

Un technicien raisonnera différemment; les 4000 chevaux récupérés permettent d'actionner toute l'aciérie annexée au fourneau, en faisant mouvoir les compresseurs d'air des convertisseurs, les pompes élévatoires, les compresseurs d'eau pour appareils hydrauliques,

tous les appareils de manutention, les laminoirs blowming, finisseurs et autres, les scies, les cisailles, etc. Souvent même il y aura excédent de puissance.

Tel ne serait point le cas, si l'on faisait usage de machines à vapeur au lieu des moteurs à gaz envisagés ci-dessus; en effet,une machine à vapeur à piston, ou bien une turbine, ne possède pas un rendement thermique effectif, chaudières comprises, de 28 pour cent, mais tout au plus de 14 pour cent (1); elle ne consomme pas 2266 calories par cheval-heure effectif, mais le gaz qu'il faut brûler dans le foyer des chaudières les mieux installées et les mieux conduites, pour alimenter de vapeur d'excellentes machines, correspond encore aujourd'hui à une dépense de 5000 calories. Chaudières, cheminées, canalisations et machines ne coûtent pas moins d'achat, de montage et d'installation que les moteurs à gaz ; il est vrai que le gaz envoyé aux chaudières peut sans inconvénient renfermer encore 1 gramme de poussières par mètre cube et que, par suite, il suffit d'une épuration plus sommaire et moins coûteuse; mais la diminution de frais et de dépenses réalisée de ce chef ne compense de loin pas la différence de consommation que nous venons de signaler. D'ailleurs le transport de la vapeur des chaudières aux machines occasionne des pertes par condensation que ne connaît pas le transport du gaz et dont nous n'avons pas tenu compte. Bref : quand on recourt à l'intermédiaire de la vapeur au lieu de pratiquer l'utilisation directe des gaz, on dispose de moins de puissance; j'estime à la moitié, soit à 2000 chevaux pour un fourneau de 180 tonnes, le manque à récupérer d'une installation à vapeur.

(1) J'ai établi ce chiffre dans un travail publié dans L'ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE, le 4 janvier 1902, sous le titre : Rendement comparé des moteurs à gaz et des machines à vapeur. Les derniers progrès réalisés par la construction des turbines n'ont pas modifié mes conclusions de 1902.

III SÉRIE. T. XIX.

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